Ouch ! Si j'étais le maire de Montréal, c'est ce que je dirais en lisant les résultats du sondage Angus Reid - La Presse.

Louise Harel n'a qu'une très légère avance sur Gérald Tremblay. À peine trois points. C'est peu, car la marge d'erreur est de 3,5 %. Statistiquement, ils sont à égalité, mais quand on lit le reste du sondage, on constate à quel point le maire Tremblay a perdu des plumes.

Aux élections de 2005, Gérald Tremblay avait écrasé ses adversaires. Il avait recueilli 54 % des voix et fait élire 46 des 64 conseillers municipaux.

 

Vision Montréal, dirigé à l'époque par Pierre Bourque, n'avait fait élire que 15 conseillers et Richard Bergeron, chef de Projet Montréal, n'en avait rescapé qu'un.

En quatre ans, le portrait a basculé. Les scandales ont sérieusement éraflé la couche de téflon qui a toujours protégé le maire. Son image de bon gars en a pris un coup.

Revenons au sondage. Louise Harel, la nouvelle chef de Vision Montréal, récolte 41 % des intentions de vote, Gérald Tremblay 38 % et Richard Bergeron 14 %, pratiquement le double de 2005. Une belle performance.

Pour l'instant, rien de dramatique pour Gérald Tremblay. Mais quand on gratte, son étoile pâlit. Louise Harel a davantage de leadership que Gérald Tremblay, de meilleures idées et elle est plus honnête, affirment les personnes interrogées.

Qui serait le meilleur maire ? a demandé Angus Reid ? Ils ont été 29 % à répondre Louise Harel, 24 % Gérald Tremblay et 9 % Richard Bergeron.

Autre coup dur : le taux de satisfaction. Près de 60 % des Montréalais sont très ou plutôt insatisfaits. En 2007, c'était le contraire. Gérald Tremblay avait cassé la baraque. Dans un sondage UniMarketing - La Presse, 63 % des répondants avaient affirmé qu'ils étaient très satisfaits. Méchante débarque.

L'effet scandale joue. Les Montréalais ne sont pas idiots, ils voient les scandales s'empiler à l'hôtel de ville. Gérald Tremblay a beau se démener et jurer que son administration lave plus blanc que blanc et qu'elle fait tout pour combattre la corruption, les électeurs restent sceptiques : 67 % d'entre eux croient que le maire «ne lutte pas suffisamment contre la corruption».

Ils font davantage confiance à Louise Harel pour chasser les bandits qui gravitent autour de l'hôtel de ville. Et, coup de massue, un Montréalais sur deux affirme que les scandales vont influer sur son vote.

Les gens votent peu au municipal. En 2005, moins de 40 % des Montréalais ont pris la peine d'apposer leur X sur un bulletin. Les autres sont restés chez eux, indifférents au sort de leur ville.

Selon Angus Reid, 46 % des partisans de Louise Harel jurent qu'ils iront voter. Parmi ceux qui appuient Gérald Tremblay, ce bloc d'irréductibles est moins solide. Il fond à 32 %. L'équipe du maire devra ramer pour faire voter son monde le 1er novembre.

Dernière tuile pour Gérald Tremblay : la moitié des gens qui ont voté pour lui en 2005 lui tourne le dos.

Ouch !

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Harel et Tremblay se livrent une chaude lutte. Quelle sera la composition du prochain conseil municipal ? Difficile à dire. Le maire est élu par tous les Montréalais. Il ne se présente pas dans un district. Les conseillers, par contre, sont élus localement, district par district.

Le prochain maire risque d'être minoritaire au conseil. Si c'est le cas, il pourra difficilement faire adopter ses projets de règlement. L'opposition fera tout pour imposer son programme.

Pendant quatre ans, le conseil affrontera le maire. La Ville pourrait être paralysée. Imaginez : l'immobilisme immobilisé. Ça nous ferait une belle jambe. Les conseillers ne peuvent pas renverser le «gouvernement», comme les députés s'apprêtent à le faire à Ottawa, car le vote de confiance n'existe pas au municipal. Les élections se déroulent à date fixe, point final.

Si le prochain maire est minoritaire, les Montréalais devront prendre leur mal en patience. Ils assisteront à quatre ans de crêpage de chignon. Pendant ce temps, dans la ville de Québec....

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Mais revenons aux scandales. Gérald Tremblay veut demander au gouvernement de créer une escouade anticorruption avec un mandat large comme l'univers.

L'escouade devra débusquer les Vincent Lacroix et Earl Jones de ce monde et pourchasser les truands qui infiltrent le milieu de la construction et les municipalités. Le maire a oublié la fraude fiscale, le travail au noir, les chiens errants...

À vouloir courir après tous les bandits de la planète, on n'attrape rien ni personne. Par contre, on noie le poisson. Et le poisson, c'est la corruption à l'hôtel de ville de Montréal.