L'hôpital de la vallée de Swat n'a plus de médecins ni d'infirmières. Ils ont fui les combats qui opposent l'armée pakistanaise aux talibans. Les blessés ont été abandonnés.

«Depuis huit jours, on n'avait plus d'électricité ni de carburant pour faire tourner les génératrices, a expliqué un médecin à l'AFP. Je demandais sans cesse aux autorités de nous protéger, mais en vain.»

«Des blessés, qui avaient réussi à se frayer un chemin jusqu'à l'hôpital, m'ont raconté que des gens agonisaient dans leurs maisons, hurlant à l'aide», a ajouté, de son côté, le directeur de l'hôpital, Lal Noor.

C'était écrit dans le ciel: le feu allait embraser la vallée de Swat. Le feu a pris. Depuis trois semaines, l'armée se bat contre les talibans. Résultat: des centaines de milliers de Pakistanais quittent la vallée à pied ou entassés dans des camions de fortune. Ils fuient sous le feu croisé des belligérants.

Un sauve-qui-peut déchirant. Le Pakistan frôle la crise humanitaire.

«Les talibans empêchent les habitants de s'enfuir. Ils s'en servent comme bouclier humain et l'armée bombarde les zones habitées», a affirmé l'organisme Human Rights Watch.

Les réfugiés s'entassent dans des camps improvisés. Les conditions sont catastrophiques: chaleur accablante, manque d'eau potable et d'équipements médicaux. Le Pakistan a même rouvert le camp de Jalozai qui a accueilli des Afghans pendant des années. Un camp à moitié abandonné, noyauté par Al-Qaeda. Un camp de fin du monde que j'ai visité l'année dernière, noyé sous la pluie.

C'est le gouvernement pakistanais qui a déclenché cette crise. Les politiciens ont joué avec le feu. D'ailleurs, pas un seul d'entre eux n'a pris la peine de visiter les camps, de crainte de voir l'ampleur du gâchis que leur incompétence a provoqué.

C'était écrit dans le ciel. Lorsque le gouvernement a signé un cessez-le-feu avec les talibans en février, les experts savaient que le pays fonçait droit sur un mur. Le Pakistan abandonnait une partie de son territoire, la vallée de Swat, entre les mains des talibans qui se sont empressés de proclamer la loi islamique, la charia.

Une capitulation qui avait consterné l'Occident.

Le gouvernement d'Asif Zardari s'est mis la tête dans le sable. Pourtant, il savait que les talibans de Swat n'étaient pas des enfants de choeur. Depuis deux ans, ils imposent un régime de terreur: exécutions publiques, assassinats, flagellation.

L'armée pakistanaise a essayé de les déloger. En vain. En février, le gouvernement a baissé les bras. En signant un accord de paix, il a créé un sanctuaire intégriste. Il a cru que les talibans se contenteraient de la vallée de Swat. C'était mal les connaître.

Asif Zardari, un homme corrompu, veuf de l'ex-première ministre Benazir Bhutto. À l'époque où Bhutto était au pouvoir, Zardari restait dans l'ombre et s'emplissait les poches en acceptant des pots-de-vin. Les Pakistanais le surnommaient Monsieur 10%. À la fin des années 1990, près d'une centaine de chefs d'accusation ont été portés contre le couple Bhutto-Zardari parce qu'il avait détourné des centaines de millions de dollars.

Et c'est cet homme mou et corrompu qui dirige le Pakistan à l'heure où il vit une des crises les plus graves de son histoire.

Le Pakistan joue avec le feu. C'est un pays pratiquement ingouvernable, dirigé depuis des années par une élite corrompue; un pays qui détient l'arme nucléaire et qui partage une frontière de 2500 kilomètres avec l'Afghanistan; un pays qui a une zone tribale que le gouvernement est incapable de contrôler et qui est devenu le quartier général des extrémistes de tout acabit: Al-Qaeda, les talibans afghans et les talibans pakistanais dirigés par Baitullah Mehsud.

C'est lui, Mehsud, qui aurait fomenté l'assassinat de Benazir Bhutto et planifié une vingtaine d'attentats suicide, sans oublier l'explosion d'une bombe au chic hôtel Marriott à Islamabad où 60 personnes sont mortes. Un pur et dur.

Les talibans s'enhardissent: pas question de se contenter de la vallée de Swat et de la zone tribale. Ils veulent créer un royaume taliban en Afghanistan et au Pakistan.

La guerre en Afghanistan empêche les Occidentaux de dormir. Aujourd'hui, c'est l'instabilité du Pakistan qui les tient éveillés. Faut-il être inquiet? La réponse est oui. Je n'ai aucun doute là-dessus.

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