Cosmo Maciocia, maire de Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles, propose de réduire de moitié le nombre d'arrondissements et d'élus.

Les arrondissements passeraient de 19 à 10 et les élus, de 105 à 51. «Dix-neuf directeurs des sports et loisirs, 19 directeurs des travaux publics, 19 directeurs administratifs, 19 directeurs des ressources humaines, etc., ça n'a pas de sens», a confié Cosmo Maciocia à mon collègue Éric Clément.

Hier, les journalistes ont demandé au maire Gérald Tremblay ce qu'il en pensait. Voici sa réponse:

«Un modèle organisationnel, c'est un modèle qui est évolutif et dynamique. Notre responsabilité, c'est de tout faire ce qui est possible pour améliorer l'efficience et l'efficacité du modèle organisationnel. D'autant plus que dans un contexte économique plus difficile, dans une crise financière, on a la responsabilité d'équilibrer nos finances publiques tout en maintenant la qualité des services. Alors pour celles et ceux qui veulent revoir les limites des arrondissements, ça prend une résolution de l'arrondissement si les arrondissements sont d'accord, ça prend une résolution du conseil municipal, et finalement c'est l'Assemblée nationale du Québec qui décide.»

 

Permettez que je traduise: Non, ce n'est pas une bonne idée.

M. Maciocia n'est pas une bête politique. Discret, frileux avec les journalistes, effacé, pour ne pas dire évanescent, il n'a jamais cassé la baraque. La semaine dernière, son patron, Gérald Tremblay, a annoncé que la Ville devait sabrer 155 millions dans ses dépenses pour équilibrer son budget.

Les arrondissements devront participer à cet exercice de compressions et boucler leur budget avec 20 millions en moins, a précisé M. Tremblay. Déjà qu'ils ne nagent pas dans l'argent, l'opération s'annonce douloureuse.

M. Maciocia, qui n'a plus l'ombre d'une marge de manoeuvre, a déjà raclé ses fonds de tiroirs. Pourquoi ne pas passer la tronçonneuse dans les structures plutôt que dans mon budget? s'est-il dit.

Sauf que M. Maciocia porte des lunettes roses. Rose foncé. Il croit qu'en diminuant de moitié le nombre d'arrondissements, il y aura moins de cols bleus et blancs, que la productivité augmentera et que les services s'amélioreront.

C'est pathétique de voir Montréal fouiller dans ses entrailles pour essayer de colmater sa lourdeur et son inefficacité.

On peut bien s'amuser à trafiquer les structures de la ville, on ne fera qu'ajouter un diachylon de plus. Le problème de Montréal, ce n'est pas le nombre d'arrondissements, mais les pouvoirs trop grands qui leur sont dévolus et qui en font des fiefs, des villes dans la ville.

Qu'ils passent de 19 à 10 risque même d'alimenter la «bête», car les maires des arrondissements restants seront encore plus puissants.

Le bordel a pris à Montréal quand le premier ministre Jean Charest a enclenché le processus de défusion. Pour sauver sa ville, le maire Tremblay a été obligé de promettre mer et monde aux arrondissements qui menaçaient de partir: droit d'imposer des taxes, droit d'emprunter... Il a même flatté l'ego des présidents d'arrondissement en leur promettant de les nommer maire s'ils acceptaient de rester avec Montréal.

Quinze arrondissements sur vingt-sept ont tout de même décidé de partir et de redevenir des villes, mais elles doivent gérer des services communs avec Montréal, comme la police et les pompiers. Québec a donc créé un conseil d'agglomération.

Les villes défusionnées sont minoritaires au conseil d'agglomération, car elles ne représentent que 13% de la population de l'île. Et elles sont condamnées à être perpétuellement minoritaires. Montréal décide, les villes reconstituées plient dans l'amertume. Elles se sont fait avoir par Québec.

L'opération défusion a été menée dans la précipitation, un exercice bâclé qui a accouché d'un monstre. Car l'île de Montréal est un monstre: 15 villes défusionnées dirigées par 113 élus; une ville centre et 19 arrondissements dirigées par 105 élus. Total: 218 élus pour 1,8 million d'habitants. Et un conseil d'agglomération par-dessus tout ça!

Les villes défusionnées ne sont pas vraiment des villes, les arrondissements sont quasiment des villes et la ville centre est une moitié de ville. Essayez donc de gérer ça! Le maire Gérald Tremblay fait son gros possible. Il est coincé avec le gâchis créé de toutes pièces par Jean Charest.

Que les arrondissements passent de 19 à 10 ne changera pas grand-chose au fond du problème. Ce qu'il faut, c'est refusionner, revenir au projet initial d'Une île une ville. Sauf que personne ne voudra revivre le douloureux épisode des fusions, surtout en pleine crise économique. Montréal est donc condamné à la médiocrité.

Pour joindre notre chroniqueuse: michele.ouimet@lapresse.ca