Hier, le maire de Montréal est arrivé au point de presse la mine sombre. Il a présenté le budget le plus beige de sa carrière. Son septième.

Ses premiers mots: «En cette période de crise financière...» Le ton était lancé. Gérald Tremblay ne souriait pas. Sérieux comme un pape. Il s'est lancé dans un discours hautement technique sur la caisse de retraite, l'encaisse. Les millions revolaient, 800 par-ci, 900 par-là.

L'année dernière, Gérald Tremblay était tout guilleret. Dans un élan d'enthousiasme, il avait parlé de renaissance de Montréal. Pourtant, le budget était beige et n'avait rien de «renaissant».

Cette année, avec la crise, le budget fait plutôt dans le beige foncé.

Le budget franchit pour la première fois la barre des 4 milliards, une croissance de 2,6%. Gérald Tremblay était très fier de cette prouesse. Les autres villes canadiennes ont déposé des budgets inflationnistes, a souligné son bras droit, Sammy Forcillo. Mais le maire a gâché la sauce en tripotant les chiffres.

Si on soustrait le fonds de l'eau, la contribution à la STM et le coût des élections, le budget ne croît plus que de 1,1%, a précisé M. Forcillo, qui se pique d'être comptable. Mais c'est quoi, ce calcul tordu? Tant qu'à y être, pourquoi ne pas enlever le salaire des pompiers ou le service de la dette? La croissance du budget pourrait même être négative! À ce petit jeu, tout est possible.

Cette entourloupette inutile jette une ombre sur la crédibilité du budget.

Parlons des taxes. Gérald Tremblay a promis de ne pas augmenter le fardeau fiscal global des contribuables jusqu'en 2009. Mission accomplie. En principe.

L'impôt foncier n'a pas augmenté, même si la valeur des maisons a explosé. La hausse moyenne est de 47%. Le taux de la taxe baisse donc de 47%. Le maire aurait pu en profiter pour remplir les coffres de la Ville. Il ne l'a pas fait. C'est tout à son honneur.

Par contre, les taxes se sont multipliées: taxe d'eau (125 millions), taxe sur la voirie (20 millions), taxes locales imposées par huit des 19 arrondissements, dont six sont dirigés par des membres de l'équipe du maire; sans oublier l'indexation (2%) des droits d'entrée de certains services, comme les tennis ou le Jardin botanique.

Ça, mesdames et messieurs les contribuables, ce sont des taxes. On reconnaît la bibitte, elle fait mal au porte-monnaie. Il faut donc prendre avec un grain de sel les paroles du maire lorsqu'il jure, la main sur le coeur, que le fardeau fiscal des contribuables n'a pas bougé.

Les budgets des 19 arrondissements ont augmenté de 3,2%, pour un total de 917 millions. Certains reçoivent beaucoup d'argent, d'autres peu. Rien de nouveau sous le soleil.

Ville-Marie, dirigé par le chef de l'opposition, Benoit Labonté, reçoit 1032$ par habitant, tandis que Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce (CDN-NDG) doit se contenter de 404$ par habitant.

Pourquoi le citoyen de Ville-Marie a-t-il droit à un service quatre étoiles, alors que celui de CDN-NDG doit se contenter d'un service bas de gamme?

Lorsque Benoit Labonté a varlopé le budget Tremblay en point de presse, hier, il a dénoncé le traitement inéquitable des arrondissements. Il a donné l'exemple de CDN-NDG et Saint-Laurent (774$ par habitant). Pourquoi n'a-t-il pas parlé de SON arrondissement? Avait-il peur de passer pour le chouchou de l'administration Tremblay? Gênant pour un chef de l'opposition.

Un fonds de mise à niveau a été créé pour aider les arrondissements les plus pauvres. Cette année, le fonds distribue deux millions à cinq arrondissements, soit 0,7% de leurs budgets qui totalisent 295 millions. 0,7%! Quasiment une insulte.

Dernier point, le programme triennal d'immobilisations (PTI) 2009-2011, une espèce de fourre-tout où on retrouve, entre autres, les grands projets de rénovation des infrastructures. L'équipe du maire Tremblay avait beau s'égosiller pour dire que la ville croule sous les projets, les chiffres disent le contraire.

Premièrement, le PTI s'est dégonflé. L'année dernière, il s'établissait à 3,2 milliards, une hausse spectaculaire de 45%. Cette année, il augmente de 9%, pour atteindre 4,5 milliards.

Deuxièmement, la Ville ramène tout le temps les mêmes projets. On parle toujours, et encore, du prolongement du métro, du tramway, du boulevard Cavendish... Tous ces projets ont de la barbe.

Et que dire de l'ambitieux plan de transport déposé en 2007? Là, ce n'est pas la valse des millions, mais des milliards. Dix sur 20 ans, avec l'aide de Québec et Ottawa.

La Ville y met du sien, évidemment. Hier, elle a annoncé la création d'une réserve financière de six millions. Six misérables millions. Des micro-pinottes. À peine de quoi financer deux calèches et un cheval.

La Ville se prépare à affronter la crise financière. Sage décision. Mais qu'elle l'assume et arrête de brasser les mêmes projets pour donner l'illusion que Montréal nage dans la prospérité. Les contribuables ne sont pas des valises.

Pour joindre notre chroniqueuse: michele.ouimet@lapresse.ca