Mercredi 15h30, Gérald Tremblay est entouré de journalistes qui veulent savoir pourquoi deux sociétés paramunicipales qui gèrent 300 millions d'actifs ont été fusionnées et transformées en société privée.

Sûr de lui, le maire de Montréal explique que les avocats de la Ville ont approuvé la transformation.

«Mais c'est le contraire, M. Tremblay, lui lance un journaliste, le contentieux n'était pas d'accord.»

Flottement. Le visage de Gérald Tremblay s'empourpre. Il regarde son directeur des affaires corporatives, Robert Cassius de Linval, l'architecte de la transformation, qui avale sa salive de travers. Lui, le savait.

 

Deux paramunicipales, qui brassent 300 millions de dollars, changent de statut et échappent à la Loi sur l'accès à l'information. Et le maire de Montréal ignore que les avocats de SA Ville ne sont pas d'accord? Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond.

Robert Cassius de Linval intervient. «Écoutez, dit-il aux journalistes, les questions sont extrêmement techniques.»

Technique, technique, je veux bien! Mais derrière ce brassage de structures, derrière ce fignolage «technique», il y a un but: avoir les coudées franches en empêchant les élus de trop mettre leur nez dans les transactions des deux paramunicipales qui gèrent le parc immobilier de la Ville.

C'est inacceptable.

Que Gérald Tremblay n'y ait vu que du feu est inquiétant. Est-ce qu'il s'est fait rouler dans la farine?

Robert Cassius de Linval jure que les deux sociétés paramunicipales - qui portent désormais le nom de Société d'habitation et de développement de Montréal (SHDM) - ont été fusionnées pour économiser de l'argent. Sûrement. Pourquoi les transformer en société privée, une opération qui n'apporte pas un sou de plus?

Le maire s'emporte, lui d'ordinaire si calme. La vraie question, dit-il, ce sont les «irrégularités» qui «ont pu avoir été commises» à la SHDM.

Le maire a d'ailleurs décidé de suspendre les transactions immobilières de la société le jour de la publication de l'enquête de La Presse qui dévoilait les contorsions administratives qui ont mené à l'accouchement de la SHDM «privatisée».

Bon réflexe. Car il y a des faits troublants. Au coeur des allégations: le rôle du directeur général de la SHDM, Martial Fillion, dans le projet du Faubourg Contrecoeur qui prévoit la construction de 1800 logements dans l'est de Montréal. Fillion a-t-il favorisé de façon indue le promoteur Frank Catania?

La firme KPMG, assure le maire, a été mandatée pour enquêter sur Martial Fillion, suspendu avec solde au début du mois d'octobre.

KPMG est un mauvais choix.

Premièrement, c'est le conseil d'administration de la SHDM qui a choisi cette firme. On enquête sur une société et c'est cette société qui choisit l'enquêteur. Gênant.

Deuxièmement, KPMG a été embauchée en 2006 pour préparer la fusion des deux paramunicipales. Deux ans plus tard, la même firme enquête sur la SHDM qu'elle a contribué à créer.

On tourne en rond. Trop de promiscuité. Il faut qu'il y ait non seulement transparence mais aussi apparence de transparence. Surtout dans un dossier aussi délicat.

Martial Fillion est non seulement le directeur déchu de la SHDM, mais aussi l'ancien chef de cabinet de Gérald Tremblay. Sa femme, Francine Sénécal, a été vice-présidente du comité exécutif de la Ville de Montréal. Elle a démissionné en octobre.

Autre départ, Frank Zampino, ex-président du comité exécutif, bras droit de Gérald Tremblay. En juillet, il a démissionné, prenant tout le monde de court. Il a été associé au dossier de la fusion des deux paramunicipales et il a suivi de près le dossier Contrecoeur-Frank Catania.

Le maire Tremblay a la réputation d'être un homme intègre et frugal. Mais l'intégrité ne se limite pas à manger une salade à 5$ de chez Wendy's sur le bord de son bureau, comme il en a l'habitude, ou d'éviter les notes de restaurant salées.

M. Tremblay devrait se poser des questions sur son entourage. Et faire le ménage.

L'intégrité, c'est aussi l'art de bien s'entourer.

Pour joindre notre chroniqueuse: michele.ouimet@lapresse.ca