Le maire de Montréal, Gérald Tremblay, ne le connaît pas. Le chef de l'opposition, Benoit Labonté, non plus. Il est né à Thetford Mines, il a étudié à Sherbrooke et à Québec, puis il a travaillé dans sa ville natale avant de filer à Ottawa en 2006 lorsqu'il a été élu député.

Montréal? Rien, nothing, nada.

Pourtant, hier, Stephen Harper l'a nommé ministre responsable de la région de Montréal.

Il s'appelle Christian Paradis. Avocat, père de trois jeunes enfants, 34 ans, joueur de golf et conservateur dans l'âme. Un jeune loup qui a connu une carrière fulgurante. Élu en 2006, nommé secrétaire d'État à l'Agriculture - pas très urbain comme poste -, puis ministre des Travaux publics.

 

J'ai essayé de lui parler, hier. Désolé, m'a-t-on répondu, il est trop occupé. J'ai appelé dans sa circonscription, Mégantic-L'Érable, à Thetford Mines. Ils se sont empressés de me transférer à Ottawa.

Connaît-il Montréal? Y a-t-il jamais mis les pieds? A-t-il pris le métro? A-t-il déjà vu un sans-abri?

Lors d'un point de presse éclair, hier, à Ottawa, M. Paradis a juré qu'il aimait Montréal. «J'y ai des amis, de la famille. Il y a un peu de nous autres, c'est notre grande métropole francophone.»

«Il est venu dans la région de Montréal au moins une fois par mois au cours des deux dernières années», m'a assuré un de ses proches collaborateurs.

J'ai appelé son père, Pierre Paradis, avocat à Thetford Mines. J'attends toujours son appel. J'ai aussi contacté son frère, Jean-François, qui travaille à Montréal. Même silence radio.

Pas des «rappeleux», les Paradis.

Même si seulement 235 kilomètres séparent Thetford Mines de Montréal, les deux villes ne vivent pas sur la même planète.

«Montréal, pour nous, c'est le bout de la terre, a dit le rédacteur en chef du Courrier Frontenac, l'hebdo de la région. Nous, c'est l'est de la province, la Beauce et la ville de Québec. On achète peu La Presse, et Le Journal de Montréal ne rentre pas ici. On ne sait pas ce qui se passe à Montréal.»

Christian Paradis est décrit comme un gros travailleur. Un bûcheur. Ses dossiers sont solidement documentés. Mais il n'a jamais vécu à Montréal. Pourra-t-il développer une sensibilité, ingrédient essentiel quand on s'occupe d'une région?

Prenez Jean Charest, premier ministre du Québec et député de Sherbrooke. C'est lui qui a jeté Montréal dans une orgie de structures lorsqu'il a organisé des référendums permettant aux banlieues de se défusionner. Il n'a jamais voulu admettre que les anglophones allaient en profiter pour larguer Montréal et se replier sur leurs petites villes. Comme si Montréal était un gros Sherbrooke. Zéro sensibilité.

Christian Paradis peut difficilement faire pire.

Mais Montréal ne peut pas avoir le beurre et l'argent du beurre. La région a boudé les conservateurs et Stephen Harper ne voulait pas nommer un non-élu comme il l'a fait pour Michael Fortier, qui s'est d'ailleurs fait battre le soir des élections.

Il restait qui? Lawrence Cannon? Il va être débordé avec les Affaires étrangères. Il a une guerre - l'Afghanistan - sur les bras. Et il vient de l'Outaouais. Jean-Pierre Blackburn, le ministre du Revenu, député de Chicoutimi? Ou Josée Verner, incapable de gérer la crise dans la culture déclenchée par son parti, qui a mis la hache dans les budgets?

À bien y penser, Christian Paradis n'est peut-être pas un si mauvais choix.

Premier dossier dont M. Paradis héritera: le Grand Prix de Montréal. Oh! le beau panier de crabes. Chanceux, va.

Voici, en gros, la chose. Bernie Ecclestone, un vieillard de 78 ans, grand manitou du Grand Prix, a décidé de retirer Montréal du circuit de la Formule 1. Le maire de Montréal et les ministres Fortier et Bachand ont rencontré Ecclestone à Londres la semaine dernière pour essayer de trouver une solution.

Ils cherchent un promoteur privé prêt à prendre la relève de Normand Legault. Mais le «sauveur» va sûrement demander de l'argent à Ottawa.

Le Canada flirte avec la récession et la population est frileuse dès qu'il est question d'injecter de l'argent dans le sport professionnel, surtout la Formule 1, repaire des riches. Une décision doit être prise rapidement parce que le calendrier 2009 du Grand Prix sera bientôt bouclé.

Le dossier est complexe. Que fera M. Paradis?

Il travaille fort et il apprend vite, n'a-t-on cessé de me répéter hier. Ça va drôlement lui servir.

michele.ouimet@lapresse.ca