Malgré l'élimination du plafond de contenu étranger dans un REER, les maisons de courtage choisissent de ne pas offrir de REER autogéré en devises étrangères.

Question: Alors que les règles fiscales concernant le REER ont été modifiées pour permettre jusqu'à 100% de contenu étranger, il semble impossible, à la lumière des informations obtenues chez mon courtier à escompte, de conserver un compte en devises étrangères à l'intérieur de mon REER autogéré.

Cette situation a pour conséquence de gonfler le coût de mes transactions sur des titres libellés en devises étrangères et limite ma latitude (profitabilité) à faire des transactions. En effet, chacune des transactions en devises étrangères est convertie deux fois, soit à l'achat (de dollars canadiens à devises étrangères) et à la vente (retour aux dollars canadiens) et à des taux peu avantageux, particulièrement pour les transactions de moins de 10 000$.

J'ai contacté l'Agence du revenu du Canada (toute une aventure d'obtenir le département réservé aux questions de REER autogéré) et on me dit que je peux avoir un compte en devises étrangères à l'intérieur de mon REER autogéré et que je dois insister auprès de mon courtier pour l'obtenir.

Considérant la pertinence du sujet dans un contexte de globalisation des investissements, pourriez-vous m'aider à obtenir l'heure juste? Claude L.

Réponse: J'ai moi-même fait le test. J'ai communiqué avec six firmes de courtage pour leur demander s'il était possible d'ouvrir un REER autogéré en dollars américains ou autres devises étrangères. Sans exception, les six maisons de courtage (Financière Banque nationale, RBC Placements en direct, Disnat, CIBC Marchés mondiaux, Canaccord Capital, ETrade Canada) ont unanimement répondu non.

Pourtant, les maisons de courtage ont bel et bien le droit d'offrir un tel REER autogéré en devises étrangères.

J'ai demandé à l'Agence du revenu du Canada si les maisons de courtage en avaient le droit ou pas.

«Il n'y a pas de restrictions sur les titres de monnaie utilisés pour un REER. Le paragraphe 146 (2) de la Loi de l'impôt sur le revenu nous donne les conditions d'enregistrement d'un REER (autogéré, immobilisé, etc.) et il n'y est mentionné nulle part que le REER ne peut être ouvert en monnaie étrangère», explique à La Presse le porte-parole de Revenu Canada, Serge Paradis, gestionnaire des communications.

La règle du 30% de biens étrangers que l'on pouvait détenir dans des REER ou des FERR (fonds enregistrés d'épargne retraite) a été éliminée par le gouvernement fédéral à la fin de 2004.

Depuis le 1er janvier 2005, le contenu étranger des REER et FERR n'est donc plus assujetti à aucune limite, ce qui nous permet de détenir jusqu'à 100% de valeurs étrangères dans les portefeuilles autogérés des régimes enregistrés de retraite (REER et FERR).

Q Pourquoi les maisons de courtage n'offrent-elles pas la possibilité d'ouvrir des REER et FEER autogérés en dollars US, ou en euros, ou autres devises étrangères?

R Lorsque le gouvernement fédéral a décidé d'abolir la limite du 30% de contenu étranger dans les REER et FEER, il aurait pris toutes les maisons de courtage au dépourvu. Aucune consultation avec l'industrie des valeurs mobilières n'avait été tenue, explique le vice-président porte-parole de la Financière Banque Nationale, Gordon Gibson.

À la suite de cette ouverture sans restriction au contenu étranger des portefeuilles des régimes enregistrés, des analyses ont été faites pour essayer de trouver comment il serait possible d'offrir de tels régimes en devises étrangères. M. Gibson ajoute qu'aucune plateforme transactionnelle n'a été mise au point jusqu'à présent pour permettre d'offrir des REER et FEER autogérés en devises étrangères.

Par voie de conséquence, les clients qui effectuent dans leurs REER ou FEER autogérés des transactions de titres étrangers doivent payer chaque fois des frais de conversion de devises en dollars canadiens.

Selon la maison de courtage, ces frais de conversion des devises varient de 1,2% à 2% pour chaque transaction d'achat et chaque transaction de vente de titres étrangers. Ce qui réduit d'autant les gains ou amplifie d'autant les pertes. Ces frais s'ajoutent évidemment aux commissions exigées sur chaque transaction boursière.

Comme solution temporaire, ajoute M. Gibson, la Financière Banque Nationale propose à ses clients d'éviter les frais de conversion des devises en effectuant, lors de la même journée, la vente et l'achat de titres étrangers dans la même devise. On aura compris que cet accommodement ne touche pas les transactions quotidiennes à sens unique, soit juste des achats ou seulement des ventes.

Par ailleurs, il est quand même étonnant de constater à quel point l'industrie canadienne du courtage en valeurs mobilières ne s'empresse pas de régler ce problème technique d'offrir des REER et FERR autogérés en devises étrangères.

Cela fait déjà plus de trois ans et demi que la règle limitant les titres étrangers a été abolie.

Comment expliquer qu'aucune solution n'ait été proposée pour contrer le problème des frais de conversion des titres étrangers en dollars canadiens?

Est-ce par manque de compétence de la part de l'industrie des valeurs mobilières? Sûrement pas! Il n'y a pas d'industrie plus créative que celle-là.

Est-ce par manque de volonté? Les maisons de courtage font actuellement de l'argent facile en facturant aux détenteurs de REER et FERR autogérés d'onéreux frais de conversion des titres étrangers en devises canadiennes.

Pourquoi se priveraient-elles d'une si lucrative source de revenus?

À vrai dire, elles vont manquer de volonté tant et aussi longtemps que les commissions des valeurs mobilières canadiennes, dont l'Autorité des marchés financiers, ne les forceront pas à trouver une solution acceptable.