Le chef de l’opposition de la Ville de Montréal, Lionel Perez, persiste et signe : l’administration Plante-Dorais est trop dépensière et pousse la métropole vers un « gouffre financier ». Dans un rapport présenté ce mardi, à la veille de l’adoption du budget 2020, le chef d’Ensemble Montréal réduit en miettes la vision de l’actuelle administration qui dépense l’argent des Montréalais avec « gloutonnerie et imprudence », selon lui.

Lors d’une rencontre tenue à son bureau, Lionel Perez a d’abord fait allusion à la déclaration de Valérie Plante lors du dévoilement du budget. « Je ne sais pas d’où vient cette notion de dépensière, mais pour moi, ce n’est pas du tout collé à la réalité », a dit la mairesse devant les journalistes. « Lorsque Benoit Dorais ou l’administration disent qu’ils ne sont pas dépensiers, ils sont déconnectés de la réalité […], affirme Lionel Perez. C’est alarmant à quel point ils ne réalisent pas ce qu’ils sont en train de faire. »

PHOTO ANDRÉ PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Lionel Perez, chef de l’opposition de la Ville de Montréal

Lionel Perez a attiré mon attention sur le nombre d’embauches faites à la Ville de Montréal depuis trois ans. En effet, on peut observer une croissance constante et marquée du nombre d’effectifs. En 2017, lors de l’arrivée de Valérie Plante à la mairie, la Ville comptait 22 353 employés. Il y en a aujourd’hui 23 227, soit 874 de plus.

Si vous regardez le budget de 2020, la Ville de Montréal prévoit embaucher 403 années-personnes de plus. Quand on regarde les postes où on ajoute ces gens, on réalise que ça ne cible pas les services de proximité, par exemple la propreté ou le déneigement.

Lionel Perez

Les documents budgétaires de 2019 et de 2020 montrent, en outre, que le Service des ressources humaines de la Ville de Montréal s’est accru de 67 personnes en deux ans, peut-on lire dans le document de l’opposition officielle portant sur le budget 2020.

De nombreux projets menés par la Ville de Montréal connaissent actuellement des dépassements de coûts. Les contrats attribués pour la construction de centres de traitement des matières organiques (CTMO) ont explosé. Le projet de Saint-Laurent coûtera 175 millions, soit 59 millions de plus que l’estimation initiale. Quant à celui de Montréal-Est, il s’élève maintenant à 130 millions, soit 39 millions de plus que prévu.

Plusieurs autres grands projets dépassent largement les montants projetés : la rénovation du Biodôme (11,5 millions de plus), celle de l’Insectarium (9,5 millions de plus) et la construction des nouveaux paddocks du circuit Gilles-Villeneuve (28 millions de plus). Lionel Perez est renversé de voir que ces dépassements de coûts ne font pas « sourciller » les élus de Projet Montréal.

Et puis, il y a la question des 150 millions que le provincial a offerts à la Ville de Montréal. Lionel Perez tente de comprendre comment et pourquoi ce transfert a été fait. « Pourquoi le gouvernement du Québec a-t-il donné ce cadeau à Montréal ? On ne sait pas vraiment. »

Cette somme (en principe non récurrente) est liée à l’entente Réflexe Montréal visant une amélioration des infrastructures vertes de l’eau. Pour l’opposition officielle, ce versement de Québec constituerait en vérité un « renvoi d’ascenseur » à la mairesse qui a accepté de céder à la Ville de Québec une enveloppe de 800 millions, provenant d’Ottawa, pour le développement d’un projet de tramway. Cette hypothèse apparaît dans l’étude du budget 2020 de l’opposition officielle.

L’habitude des « cadeaux » de Québec et d’Ottawa de la part de l’administration Plante-Dorais agace au plus haut point Lionel Perez. « Leur réponse, c’est toujours : “On va aller chercher plus d’argent de Québec ! On va aller chercher plus d’argent d’Ottawa”, dit le chef de l’opposition officielle. Ils ne pensent pas à réduire leurs dépenses. »

Celui qui est également conseiller dans l’arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce s’inquiète sérieusement pour l’avenir de Montréal. « Économiquement, ça va bien en ce moment. La Ville de Montréal a plus de fonds que d’habitude. Mais Montréal n’a pas de réserves. On n’a pas fait de plan pour se protéger dans le cas où le contexte serait moins favorable. »

Les membres de l’opposition officielle, qui voteront contre l’adoption du budget proposé par l’administration actuelle, jugent la situation « alarmante ». « Elle veut le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière », lit-on dans la conclusion du rapport.

Au cours de cette entrevue, je suis revenu avec Lionel Perez sur les propos de Benoit Dorais qui a minimisé ceux de la conseillère Chantal Rossi (également de l’opposition officielle) au sujet du « pavage électoral » dont on accuse l’administration. « Je n’ai pas pu m’empêcher de rire quand Chantal Rossi a affirmé ça, m’a dit le président du comité exécutif lors de mon entrevue avec lui. Je crois même qu’elle n’y croyait pas. Elle a pouffé de rire en le disant. »

Cette remarque a piqué au vif Lionel Perez. Il veut qu’on sache que lui et les autres membres de l’opposition officielle prennent très au sérieux leur rôle de « chien de garde ». Et qu’ils ont l’intention de continuer à le jouer.

En attendant, nous avons droit, comme c’est le cas à chaque budget municipal, à une véritable guerre de chiffres, de faits et de visions. Quant aux mots, ils ont du mal à se faire entendre dans ce concert tonitruant de milliards, de transferts et de dépassements. C’est ce qu’on appelle le langage universel de l’argent.