Marie-Louise Arsenault traversait la salle de rédaction de La Presse quand elle a aperçu deux de mes collègues. Elle a tenu à aller vers eux. « Salut, les garçons ! » Les bises, les « ben voyons donc ! » et les rires ont immédiatement fusé. C’est souvent comme ça avec l’animatrice de Plus on est de fous, plus on lit. Le plaisir n’a pas beaucoup de temps à perdre.

Tout juste avant de faire un saut dans le Chibougamau de son enfance et un voyage dans un lointain pays où le jour a le dessus sur la nuit, elle a bien voulu me parler de la série de huit entretiens rassemblés sous le titre Métier : journaliste qu’elle présente tout l’été sur ICI Première.

Lancée il y a une semaine, la série met à l’honneur des journalistes chevronnés comme Chantal Hébert, Michel C. Auger, Isabelle Richer, Christine Ockrent, Bertrand Raymond, Céline Galipeau, Francine Pelletier, de même que Michèle Ouimet, reporter aguerrie du journal que vous lisez en ce moment.

« On avait d’abord pensé donner la parole à des athlètes, explique Marie-Louise Arsenault. Mais à un moment donné, on a flashé ! On s’est dit qu’on offrait rarement la chance aux journalistes de parler d’eux, de ce qu’ils vivent. »

Vous aurez remarqué que les têtes d’affiche choisies ont une moyenne d’âge assez élevée. « C’est un concours de circonstances, plaide celle avec qui je partage occasionnellement le micro. On voulait des gens connus, avec de l’expérience. » Il est vrai que ces journalistes aux horizons divers ont un bagage qui permet une réflexion enrichissante. Et qui peut offrir des anecdotes savoureuses.

Il fallait entendre (lors de l’émission de samedi dernier) Chantal Hébert raconter la fois où elle s’est retrouvée à la petite fête qu’un député d’Ottawa avait organisée dans son bureau, en 1977. La scène est digne d’un épisode de la série Mad Men

« J’arrive là avec mes cheveux longs et mon air un peu innocent, se souvient la chroniqueuse du Toronto Star. Il y avait d’autres femmes au party, mais elles étaient toutes assises sur les genoux de messieurs et elles étaient toutes beaucoup plus décolletées que moi. Et payées pour y être. »

« C’était des prostituées ? », demande Marie-Louise Arsenault, intriguée. Après une légère hésitation, Chantal Hébert répond : « En tout cas, elles avaient toutes visité la même boutique de bas filets. »

Le métier de journaliste s’est énormément transformé au cours des dernières décennies. Ceux qui le pratiquent ont traversé plusieurs vagues d’adaptation. Les vétérans comme les plus jeunes vous le diront : le journalisme a la particularité de vous maintenir dans un perpétuel mouvement.

« S’il y a un point commun entre les huit personnes de cette série, c’est la passion, dit Marie-Louise Arsenault. Dieu que ces gens sont passionnés par leur métier ! C’est incroyable ! »

Autre trait commun des personnes que nous entendrons cet été : leur côté fonceur. « Ce sont des gens qui n’ont peur de rien, ajoute l’animatrice. Certains, plus que d’autres, ont besoin de vivre accrochés à l’adrénaline. Ils recherchent ça. »

Secondée par le recherchiste Frédéric Trudel-Martineau et la réalisatrice Marie-France Lemaine, Marie-Louise Arsenault a plongé dans la vie de ces journalistes avec une joie non dissimulée. Le cran et le côté « baveux » de certains d’entre eux impressionnent visiblement l’intervieweuse.

« Céline Galipeau raconte comment, en zone de guerre, un caméraman lui avait dit de faire la présentation de ses reportages devant un mur, dit-elle. Cela évite d’être la cible des balles. »

J’aborde avec Marie-Louise Arsenault l’inévitable question des nombreux obstacles qui se dressent devant les journalistes de nos jours, les armées de relationnistes et d’avocats qu’ils doivent affronter. Elle brandit illico des chiffres* qui donnent à réfléchir.

Entre 2006 et 2016, le Québec a perdu 10 % de ses journalistes. Ceux-ci sont maintenant au nombre de 3840. Pendant ce temps, le nombre de relationnistes, de travailleurs en publicité et en marketing n’a cessé de grimper pour atteindre 22 930.

L’occasion est belle d’aborder l’avenir du journalisme. La plupart des invités de Métier : journaliste n’hésitent pas à afficher un certain pessimisme. « La seule qui est optimiste, c’est Michèle Ouimet [invitée de l’émission présentée aujourd’hui], dit Marie-Louise Arsenault. Certains, comme Chantal Hébert, sont contre une aide du gouvernement aux journaux. »

Si les journalistes peuvent parfois passer pour des héros aux yeux du public, ils sont aussi mal aimés, à la limite méprisés, par ce même public. « Francine Pelletier a une explication intéressante, dit Marie-Louise Arsenault. Elle dit que le journalisme est un pouvoir. Or, on s’attaque en ce moment à toutes les formes de pouvoir. Le journalisme est devenu une forme d’élite. Est-ce qu’on se serait éloigné des gens à qui on désire parler ? »

Et comment celle qui anime également Dans les médias, sur les ondes de Télé-Québec, entrevoit-elle les prochaines années pour les médias ? « J’ai tendance à croire que les grandes marques vont survivre, dit-elle. On a besoin de références. Des médias comme La Presse, Le Devoir ou Radio-Canada sont là pour de bon. Il y a cependant des années difficiles à venir pour les médias indépendants. »

La série Métier : journaliste ne réglera pas la crise que traverse actuellement le monde des médias. Mais elle nourrira notre réflexion et nous aidera à la traverser. En tout cas, cette émission est la preuve que ce métier est loin d’être mort. Et nous pouvons compter sur son animatrice pour y ajouter de la vie.

* Ces données proviennent de l’Institut de la statistique du Québec.

Métier : journaliste, le samedi, midi, sur les ondes d’ICI Première

Écoutez l’entrevue avec Chantal Hébert

Et la tendresse ? Bordel !

Puisqu’on est dans le monde de la radio, j’aimerais insister sur deux animateurs qui se sont installés derrière le micro comme on s’allonge sur une chaise longue. D’abord Dan Bigras qui, au 98,5 FM, suscite l’étonnement. Plusieurs ont cligné des yeux quand ils ont appris qu’il allait remplacer Bernard Drainville cet été.

Bigras occupe ce fauteuil avec humilité. Lors d’une entrevue, il m’avait confié que c’est le citoyen qui allait soumettre des questions à ses invités. C’est exactement ce qu’il fait. Sympathique, pertinent, parfois narquois (quand il accueille Luc Lavoie), il a rapidement compris ce qu’il fallait faire pour séduire les auditeurs. Et leur parler.

Une émission me comble particulièrement cet été à la radio et c’est celle que présente Jean-Sébastien Girard les dimanches après-midi (de 14 h à 16 h) sur Ici Musique. JS Tendresse (clin d’œil à l’ancienne PS Tendresse) est un pur bonheur.

Ceux qui ont la nostalgie facile, qui sont des adeptes des soirées C’est Extra ou qui aiment le « beau chant » vont en raffoler. J’ai très hâte de prendre connaissance des résultats de cotes d’écoute à la fin de l’été. Je ne serais pas surpris que l’émission batte des records.

Voilà un concept qui nous fait magnifiquement oublier les choses lourdes de la vie. Car, pour paraphraser Jean-François Breau, « du plaisir, c’est bien tout ce que l’on veut ».