J’avoue que cette transaction de centaines de millions de dollars provenant du fédéral entre les villes de Montréal et Québec me laisse perplexe. En fait, tout cela me fait douter. On a eu beau répéter toute la journée hier que c’était une entente « gagnant-gagnant », je demeure dubitatif.

Je ne peux m’empêcher de penser qu’en cédant à la Ville de Québec les 800 millions du fédéral dont elle disposait, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, prend un risque. Le gouvernement du Québec saura-t-il satisfaire pleinement ses demandes lorsqu’elles viendront ?

Hier, en conférence de presse, on n’a pas voulu chiffrer l’ensemble des projets montréalais, dont celui d’un moyen de transport (peut-être un tramway) qui relierait Lachine et le centre-ville. Mais il est clair que cela dépassera très largement les 800 millions offerts au projet de Québec et pour lequel elle devrait recevoir ultérieurement le montant équivalent.

Quelles sont les garanties dont dispose Valérie Plante pour foncer lorsqu’elle sera enfin prête ? Il faut espérer très fort que le gouvernement Legault ne reculera pas et respectera ses engagements. Comment fera-t-elle pour aller de nouveau frapper à la porte du fédéral ? Lui répondra-t-on que son tour est passé ? À quelques mois d’élections fédérales et compte tenu des risques d’un changement de gouvernement, ça s’appelle jouer avec le feu.

Mais au-delà des interrogations que suscite cette négociation, on doit y voir l’importance capitale que prennent chez nous les enjeux reliés aux transports collectifs. 

Depuis des décennies, les éternels pôles santé-éducation étaient nos grands centres de préoccupation. À ceux-ci, il faut ajouter ceux de l’environnement et du transport en commun.

Sans doute en raison du contexte dans lequel on vit (longues distances et climat rude), nous avons développé une relation privilégiée avec la voiture. Alors que des pays européens ont développé (à grands frais) un système de transport collectif efficace, nous avons négligé cet aspect. Le rattrapage est énorme.

La négociation qui a eu lieu pour débloquer l’impasse que connaissait la Ville de Québec avec son projet de tramway et pour mettre de l’avant les ambitions montréalaises témoigne de l’intérêt que manifestent les élus à l’égard du développement des transports collectifs. On est aussi bien de s’y faire car ils seront un chantier très important au cours des prochaines années. Ce jonglage avec les millions ne fait que commencer.

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Parmi les divers projets que Valérie Plante souhaite voir adopter dans le Plan québécois des infrastructures 2020-2030, il y a celui de l’ajout de portes palières, que certains appellent aussi les portes « antisuicides ». Vous avez peut-être vu de ces portes vitrées dans les métros de Paris ou Londres. À Montréal, on commencera par quelques stations « névralgiques » de la ligne orange, là où roulent déjà les trains Azur.

À la Société de transport de Montréal (STM), on répète souvent que 50 % des arrêts de trains sont causés par des interventions d’urgence pour des raisons de santé ou les comportements de certains passagers. Des gens risquent leur vie en tentant de récupérer sur les rails le téléphone ou le sac à dos qu’ils ont échappé. Il arrive que des gens marchent carrément dans les tunnels afin de se déplacer.

Ces comportements entraînent des centaines de retards chaque année. Et comme personne n’aime les retards, la STM tente d’y remédier. Mais cela coûtera cher. Très cher. Le coût d’installation de portes palières dans une seule station varie entre 10 et 15 millions de dollars. Et comme toutes les stations de métro de Montréal sont différentes les unes des autres, les défis seront nombreux et divers. Les stations avec de hauts plafonds feront l’objet d’une attention particulière.

Plus de 50 ans après la création du métro de Montréal, les portes palières sont devenues incontournables pour diverses raisons. Et ça me rend triste… pour diverses raisons.

L’aberration de la semaine

La palme de l’aberration de la semaine va au montant déboursé par l’Agence du revenu du Canada (ARC) dans des campagnes de sensibilisation diffusées sur Facebook et dont le but était de mettre en garde les contribuables contre l’évasion et l’évitement fiscaux.

L’ARC a investi plus de 250 000 $ pour la publication de ces campagnes au cours des trois dernières années sur le célèbre réseau social. La chose a rebondi à la Chambre des communes grâce à un document déposé par le député néo-démocrate Peter Julian et rapporté hier par Le Journal de Montréal.

À l’instar d’autres géants du numérique, Facebook (même s’il a fait preuve, il y a quelques mois, d’ouverture quant à une taxation) jouit d’avantages fiscaux très généreux chez nous.

Précisons qu’en 2016, Google, Facebook, Twitter et d’autres sites web étrangers auraient généré 3,9 milliards de dollars en revenus publicitaires au Canada, selon les chiffres fournis par les Amis de la radiodiffusion et un rapport du Canadian Media Concentration Project de l’Université Carleton.

Non seulement le gouvernement actuel n’a-t-il pas eu le cran d’agir sérieusement avec ces gros acteurs américains en appliquant des règles plus strictes, mais encore il injecte de l’argent dans ces médias pour dire aux contribuables de ne pas frauder. Et après tout cela, il promet aux médias canadiens en pleine crise (une crise liée en grande partie à la perte importante de revenus publicitaires) qu’il va venir à leur rescousse.

Suis-je le seul à penser que des millions et des millions volent au-dessus de ma tête ? Et qu’ils ne vont pas tous dans la même direction ?