J'ai vu tous les épisodes des Enfants de la télé depuis ses débuts, il y a sept ans. L'émission qu'on a vue hier, à l'occasion du 8 mars, était à mon avis l'une des meilleures. Sa force n'était pas seulement dans les extraits présentés, mais dans les commentaires sentis et intelligents qui les accompagnaient.

Voir réunies autour d'une même table Janette Bertrand, Denise Bombardier, Céline Galipeau, Aline Desjardins et Chantal Machabée à l'occasion de la Journée internationale de la femme n'avait rien de très surprenant. Mais y avoir ajouté Mariana Mazza fut une idée de génie. Sa présence a fait toute la différence.

L'humoriste chouchoute des jeunes est venue mettre du piquant (le mot est faible) dans cette émission au cours de laquelle on a laissé beaucoup de place aux échanges. Même la toujours très drôle et pertinente Édith Cochrane a accepté de s'effacer.

Mariana Mazza est débarquée avec sa franchise, sa manière colorée de s'exprimer et, surtout, les valeurs et les idées de sa génération pour faire un portrait juste, spontané et sincère de ce que vivent les jeunes femmes en 2017.

Même si elles sont copines dans la vie, les propos de Mariana Mazza ont eu l'air de choquer Denise Bombardier. Celle-ci, qui donne toujours l'impression de quitter le récamier du Petit Trianon, n'a pas semblé aimer que l'humoriste parle avec autant d'aplomb du sexe féminin.

Pour ceux qui n'auraient pas vu l'émission, rappelons qu'on a montré un extrait du spectacle de Mariana Mazza dans lequel elle parle de l'insulte suprême que certains gars utilisent quand ils veulent s'en prendre aux «mal baisées». Ils disent alors qu'elles ont du sable dans le vagin.

La réaction de Denise Bombardier était sidérante. Celle qui ne se gêne pas pour dire qu'elle apprécie les plaisirs de la chair a déclaré : «Les femmes doivent protéger leur intimité un peu plus que les hommes.» Un peu plus, et elle aspergeait d'eau bénite sa jeune amie.

On a le droit de trouver Mariana Mazza vulgaire. Plein de gens le pensent, d'ailleurs. Mais ce qu'elle dit est profondément actuel.

C'est cela qu'on doit retenir. Cette expression, aussi choquante qu'elle puisse être, reflète une réalité bien d'aujourd'hui. Peu importe notre génération ou nos valeurs, on ne peut fermer les yeux là-dessus.

Dans le reportage que mes collègues présentaient hier sur les attaques dont sont victimes les femmes dans l'univers des réseaux sociaux, il était justement question de cette insulte. Cet excellent reportage nous faisait prendre conscience de la brutalité et de la violence auxquelles les hommes ont recours pour attaquer une femme sur Facebook, Twitter ou dans un courriel.

Mariana Mazza a décidé d'utiliser le même langage et la même fougue que les attaquants. Pour elle, le combat doit se faire à armes égales. C'est tout à son honneur.

L'humoriste de 26 ans a aussi abordé sans détour les complexes et la culpabilité que connaissent les jeunes filles. «Madame Bombardier, la première fois que vous vous êtes masturbée et que vous avez aimé ça, en avez-vous parlé à votre mère?» Il fallait voir le visage de Denise Bombardier qui s'est alors tournée vers l'animateur, André Robitaille, l'air de lui dire : «Venez à mon secours, s'il vous plaît.»

Elle a aussi parlé de menstruations pour dire à quel point c'était désagréable de vivre avec des émotions en montagnes russes tous les mois. Elle a rendu hommage aux femmes qui se lèvent le matin menstruées et qui vont travailler. «Aller lire les nouvelles, menstruée, ça doit être lourd», a-t-elle dit à Céline Galipeau, rendant celle-ci hilare, mais silencieuse.

Le décalage générationnel qui ressortait hier aux Enfants de la télé était fascinant à voir. Sans rien enlever aux pionnières qui étaient présentes et qui ont ouvert la voie aux jeunes générations, comme l'a précisé Céline Galipeau, Mariana Mazza est venue dire à ses consoeurs qu'il fallait continuer la lutte, qu'elle allait le faire et qu'elle le ferait à sa façon.

Durant toute l'émission, on nous a présenté des moments de télé qui, au moment de leur diffusion, ont parfois choqué, mais qui ont également fait avancer les choses. C'est exactement ce qui s'est passé hier avec Mariana Mazza.

En cette période où la liberté d'expression est grandement menacée, elle nous a dit que les femmes doivent être entièrement libres de parler de leur réalité. Même si cela heurte notre morale.

Mariana Mazza a brassé la cage hier soir. Pas juste des invitées qui étaient autour d'elle, mais aussi de certains téléspectateurs. À ceux qui auraient pu être scandalisés par ses propos, je dis qu'il faut tenter de retenir de cette fille autre chose que l'humoriste qui parle de vagin.

Notre manière de voir les choses ressemble trop souvent à une grande plage dorée. Sur ce paisible rivage, Mariana Mazza est le grain de sable qui a une couleur différente.

Elle est aussi le grain de sable qui bloque l'engrenage. C'est chiant de le savoir là. Mais c'est rassurant aussi.