La semaine qui s'achève a été fort « divertissante » sur le plan de l'actualité. On a appris que le Gatinois victime d'une réaction allergique dans un restaurant de Sherbrooke en mai dernier après avoir avalé un tartare de saumon fait finalement face à deux poursuites civiles qui totalisent près de 20 000 $. Tout un revirement de situation pour celui qui va au restaurant en laissant son Epipen dans la voiture.

On a aussi appris que Lucy, notre ancêtre à tous, est morte en tombant d'un arbre. Quelle fin poche pour une femme aussi célèbre. Lucy a grimpé dans un arbre afin de dormir tranquille, loin des prédateurs. Et paf ! Elle est tombée du haut de sa branche et est morte d'une commotion cérébrale. Franchement, elle aurait pu trouver mieux.

Malgré ces nouvelles explosives, je trouve que l'événement médiatique de la semaine est la tournée de promotion de Lise Payette, qui a reçu quelques journalistes triés sur le volet à la Maison du développement durable pour leur présenter un recueil de chroniques qu'elle a publiées dans Le Devoir au cours des neuf dernières années.

Même si le livre contient plusieurs dizaines de chroniques, deux en particulier retiennent l'attention : la chronique sur le ministre Gaétan Barrette, qui n'a pas été publiée et qui est à l'origine de son congédiement du Devoir, ainsi que celle sur Claude Jutra, un ami qu'elle continue de défendre bec et ongles.

Lise Payette a profité de ces entrevues pour dire qu'elle ne croit pas les deux présumées victimes de Jutra et qu'elle continue de penser que son ami n'était pas pédophile. Je n'en reviens pas. Je pense aux deux hommes qui se disent aujourd'hui victimes de Jutra et j'ai le coeur en miettes...

On aurait souhaité que Mme Payette nuance ses propos et émette un doute en tout respect pour ces deux hommes. Malheureusement pour eux, Lise Payette ne connaît pas le doute.

Je me suis prêté au jeu de la comparaison entre les entrevues que Lise Payette a accordées à la télé et à la radio et cela m'a permis de voir qu'elle a pu dire ces énormités sans le moindre mal, à une exception près.

Au 98,5 FM, Benoît Dutrizac a fait une entrevue d'une vingtaine de minutes avec celle qu'il semble beaucoup admirer, sans aborder le sujet de Claude Jutra. Je croyais halluciner. 

Habile, Lise Payette a pris soin d'enrubanner l'animateur au début de l'entretien en lui disant qu'elle avait entendu son entrevue avec une femme qui est allée combattre en Irak et en Syrie et que c'était la « plus belle entrevue » qu'elle avait entendue depuis 10 ans. Difficile de coincer la dame après cela.

La conversation a porté sur Richard Henry Bain, Jean Charest, la vieillesse, le burkini, le féminisme... Un peu plus et les deux compères s'échangeaient des recettes de carrés aux dattes.

Au Téléjournal de Radio-Canada mercredi soir, c'est Azeb Wolde-Giorghis qui a fait l'entrevue. La gentille conversation a souffert d'un montage exécuté à la hache. Il y a eu trois questions mollassonnes sur la position de Lise Payette dans l'affaire Jutra et on est passé à autre chose.

Lise Payette a dit grosso modo que parce que Claude Jutra est mort il y a 30 ans et qu'il ne peut se défendre, on ne devrait pas parler de cela. Azeb Wolde-Giorghis a donc enchaîné avec une question sur la parité dans le gouvernement Trudeau. C'est à ce moment-là qu'Anne-Marie Dussault m'a terriblement manqué.

La meilleure entrevue sur le sujet, c'est Catherine Perrin qui l'a faite. Celle qui énerve certaines personnes avec son côté « première de classe » a fait ce qu'une bonne journaliste doit faire : ne pas lâcher le morceau. Perrin est arrivée archi-préparée, comme à son habitude, et a suivi le conseil de Judith Jasmin : « Lis, documente-toi et rédige un plan d'entrevue. Mais devant ton invité, oublie tout cela. »

Pour ceux qui ont raté cette entrevue diffusée jeudi, je vous invite à aller l'écouter dans les archives du site de Médium large. L'animatrice ne craint pas de couper la parole à Lise Payette, qui dit que le témoignage de la présumée victime « Jean » interviewée par La Presse ne « fait pas le poids ».

L'un de mes passages préférés est celui où Catherine Perrin demande à Lise Payette si elle trouve que les choses vont trop vite dans la société d'aujourd'hui. L'ancienne animatrice d'Appelez-moi Lise répond qu'au contraire, ça ne va pas assez vite à son goût. Or, cette rapidité d'exécution dans le traitement de l'affaire Jutra, c'est exactement ce qu'elle déplore dans son entrevue avec Azeb Wolde-Giorghis.

Ce n'est sans doute pas facile d'interviewer Lise Payette. Cette femme en a vu d'autres. Elle est une sorte de mythe, un « trésor national », comme disent les Japonais. Mais lorsque ce mythe se fait interroger par une première de classe, il perd quelques boulons.