J'étais sur la place des Festivals le jour où une grue a déposé les billots destinés à la création d'une oeuvre d'art public qu'on a pu voir rue Sainte-Catherine en mai dernier. Pendant quelques secondes, j'ai cru qu'il s'agissait d'un geste revendicateur de l'industrie forestière. J'ai ensuite appris qu'il s'agissait d'une démarche artistique complètement folle du groupe Kanva appelée 560 KM qui rassemblait 1000 billots de bois.

Cette réaction et bien d'autres, l'équipe du Partenariat du Quartier des spectacles chargée de programmer l'art public dans cette zone en entend tous les jours. Les commentaires sont aussi variés que tranchants. Et c'est dans cette variété de réactions que l'art public prend tout son sens.

Des structures en béton des années 70 jusqu'aux installations temporaires ou éphémères que nous connaissons actuellement, l'art public a grandement évolué. Et force est de constater que Montréal a joyeusement emboîté le pas. 

Résultat: en quelques années, la métropole est devenue un lieu de création et de diffusion que les autres grandes capitales du monde envient et épient.

Cette explosion, on la doit au Partenariat du Quartier des spectacles dont l'un des mandats consiste à assurer une programmation d'oeuvres d'art public aux confins de son territoire. C'est ainsi qu'on a eu droit à l'oeuvre 21 balançoires, du tandem Daily tous les jours, Maëstro, du groupe ATOMIC3, 1.26, la sculpture suspendue de Janet Echelman dans les Jardins Gamelin et à toutes ces vidéoprojections présentées dans le cadre de Luminothérapie chaque année en décembre et janvier. 

Mais on la doit aussi, bien sûr, au festival Art Souterrain, à la Biennale internationale d'art numérique organisée par la Société des arts technologiques et au festival d'art public Mural. Grâce à ces événements et à ces organismes, l'art public, qui se résumait à la présence d'environ 300 oeuvres permanentes à Montréal, entre de plain-pied dans le XXIe siècle. 

En quelques années, un solide noyau de designers, d'artistes visuels et d'architectes s'est créé à Montréal. Ces créateurs et concepteurs sont en train de redéfinir le rôle de l'art public en y incluant l'aspect participatif. 

On ne choisit pas de découvrir une oeuvre d'art public. Elle s'impose à nous. Il faut donc que celle-ci soit incitante, captivante, intrigante. C'est exactement ce qu'ont en tête ces créateurs. 

C'est aussi ce que vise Pascale Daigle, la directrice de la programmation du Partenariat du Quartier des spectacles qui dirige les nombreux projets d'art public. Pour elle, il ne fait aucun doute que Montréal a tout ce qu'il faut pour devenir un acteur important dans le domaine de l'art public international. Avec ses huit lieux publics, ses nombreux murs et ses installations techniques, le Quartier des spectacles devient un grandiose et formidable laboratoire de création. Les oeuvres peuvent ensuite être prêtées à d'autres villes et voyager. 

Un méga projet verra le jour à l'automne 2017 dans le cadre du 375e anniversaire de la ville de Montréal. Il s'agit de KM3, un parcours qui rassemblera une vingtaine d'oeuvres et d'installations. On nous promet un résultat spectaculaire. Les noms des commissaires seront annoncés sous peu, et on lancera bientôt les appels d'offres. Les projets choisis devront tenir compte de l'environnement identifié. Les oeuvres seront présentées durant environ six semaines et quitteront l'espace urbain. 

C'est cet aspect éphémère que j'aime dans le virage emprunté par l'art public. Autant j'apprécie revoir la verrière de Marcelle Ferron au métro Champ-de-Mars jour après jour, autant je suis fasciné par l'idée qu'une oeuvre qui a nécessité des centaines d'heures de travail puisse disparaître et ne devenir qu'un souvenir dans mon esprit. Quant à la ville, elle demeure la grande gagnante dans tout cela. Elle est comme une femme élégante qui peut changer de bijoux aussi souvent qu'elle le veut.