Tous les jours, l'univers des réseaux sociaux nous montre à quel point il peut offrir le pire et le meilleur. Vous voulez un exemple récent du meilleur ? Ces hommes d'origine iranienne qui publient depuis deux semaines sur Facebook des photos d'eux avec la tête couverte d'un hijab.

Ce mouvement ne vise pas à empêcher le port du voile, mais l'obligation qui l'accompagne. Ces hommes voudraient que leur copine, leur mère ou leurs soeurs puissent décider elles-mêmes si elles veulent ou pas entourer leur tête d'un hijab.

À l'origine de ce mouvement, il y a la journaliste Masih Alinejad, qui a invité ses compatriotes masculins à partager leurs photos sur sa page Facebook My Stealthy Freedom, sous le mot-clic #meninhijab. L'appel de la journaliste, aujourd'hui exilée à New York, a été entendu. Des dizaines d'hommes ont à ce jour publié une photo d'eux arborant un voile.

J'avoue avoir été très touché par ce geste audacieux. J'ai particulièrement aimé les photos où l'on voit des hommes portant le hijab et, non loin d'eux, leur copine ou leur soeur cheveux au vent. Dans chacun des regards, j'ai cru percevoir l'expression de la fierté. Il faut saluer le courage de ces hommes qui sont en train de nous montrer une autre facette du monde musulman en Iran.

Les clichés ont fait réagir positivement les médias américains, anglais, suédois, espagnols et français.

« Seul un organe de presse en farsi parle de nous. Et évidemment, c'est uniquement pour dénigrer les hommes qui y participent », dit Masih Alinejad, journaliste.

Il est à souhaiter que ce mouvement continue de grandir et de s'étendre partout sur la planète.

Pendant ce temps, à Montréal, d'autres jeunes hommes ont recours aux réseaux sociaux pour montrer l'agression filmée d'un sans-abri. Dans les deux vidéos qui ont abondamment circulé la semaine dernière, on a vu un adolescent lancer un verre d'eau au visage d'un sans-abri septuagénaire, puis le gifler.

Matthew Pierce, directeur de la Mission Old Brewery, à qui j'ai parlé, n'arrive pas à comprendre comment on peut s'attaquer à des gens si vulnérables. « En filmant son geste et en publiant les images sur les réseaux sociaux, le garçon nous dit en quelque sorte qu'il en est fier. C'est incroyable. »

C'est cela, en effet, qui choque le plus dans cette histoire. Ces garçons (un deuxième filmait le geste) se sont dit : « Tiens, on va aller tabasser un itinérant. Ça va être drôle. Et on va devenir des héros. » Il faut vraiment que la boussole de ta morale ait perdu le nord pour faire un tel geste.

Matthew Pierce m'a dit qu'il entend régulièrement des histoires d'agression dont sont victimes ceux qui fréquentent son refuge.

« Les insultes verbales sont fréquentes, mais les coups physiques aussi. Lorsque les itinérants dorment à l'extérieur, souvent, ils reçoivent des coups de pied dans le dos », dit Matthew Pierce, directeur de la Mission Old Brewery.

Que se cache-t-il derrière ces insultes ou ces coups ? Un trop-plein de la réalité urbaine ? Une ignorance crasse ? Un lot de préjugés bien entretenus ? Une manière d'affirmer sa suprématie ? Une façon d'exprimer la fierté de ne pas appartenir à cette couche de la société ?

Selon Matthew Pierce, il y a une éducation à faire auprès de certains jeunes. Il propose d'ailleurs d'accueillir le jeune agresseur à la Mission Old Brewery afin qu'il puisse voir la dure réalité des sans-abri.

Cette agression survenue la semaine dernière est la deuxième du genre en quelques semaines. En juin, un jeune homme, Francis Gauthier, avait été filmé en train d'asperger un sans-abri avec une boisson gazeuse. Les images avaient été publiées sur les réseaux sociaux et avaient soulevé l'indignation générale. Peu de temps après, Francis Gauthier s'était confondu en excuses dans une autre vidéo. Il avait même proposé de faire du bénévolat à la Mission Old Brewery.

Les responsables de la Mission tentent de le joindre sans succès depuis des jours afin d'organiser son séjour. Il faut dire que le jeune homme est très occupé ces temps-ci. Il doit assurer sa défense dans une affaire de vol qualifié commis il y a quelques semaines dans une épicerie de Trois-Rivières.

Les réseaux sociaux sont une formidable invention. Ils peuvent être un extraordinaire espace de communication et d'échange, créer de spectaculaires mouvements de solidarité ou devenir un outil pour lutter contre l'isolement ou façonner positivement notre pensée.

Mais ils peuvent aussi servir à détruire des réputations, promouvoir les insultes et la haine, ostraciser les plus faibles, encourager la violence ou nourrir le racisme et les préjugés.

Ils peuvent être aussi le simple diffuseur de la fierté. Encore faut-il définir cette fierté.