C'est important d'avoir sa pile de livres. Ça représente la liberté et le choix. Ça symbolise aussi la tentation et le désir. J'ai toujours une pile de livres sur ma table de chevet. Ils sont là, ils me regardent, l'air de dire: «Ouvre-moi s'il te plaît!»

Alors, un soir, au gré d'une envie, d'un état d'esprit, j'en prends un, je l'ouvre et je m'y plonge. Viens ici mon chanceux!

Avoir une pile de livres peut cependant représenter une obligation. On ressent parfois la pression de «devoir» lire. À ce moment-là, il faut se rappeler la liste des 10 droits du lecteur tels qu'imaginés par Daniel Pennac. Ce grand sage a déjà dit que le lecteur avait le droit de ne pas lire, de sauter des pages, de ne pas finir un livre et de grappiller. Dieu que cet auteur m'a débarrassé d'une culpabilité tenace quand il a écrit cela.

L'avantage d'avoir une pile de livres, c'est que l'on peut donner un ton particulier à ses vacances. Je prendrai la clé des champs dans quelques jours. Depuis déjà deux ou trois bonnes semaines, j'extrais de ma pile de livres les titres qui vont contribuer à mes moments de farniente. Je vous en fais part ici.

J'emporte avec moi le dernier Bernhard Schlink, La femme sur l'escalier. J'ai adoré Le liseur il y a plusieurs années. Dans ce nouveau roman, l'auteur allemand (un avocat à la retraite) raconte l'histoire d'un homme (un vieil avocat) qui enquête sur un tableau montrant une femme nue sur un escalier. Schlink possède la plus belle qualité que peut avoir un romancier: le pouvoir d'évocation. Un critique français a dit de ce roman qu'il était Dorian Gray au féminin. On verra bien.

Je prends aussi avec moi La dure école de Normand Baillargeon. J'aime ce penseur, j'aime sa façon d'être un intellectuel et de ne pas nous casser les couilles en même temps. Dans cet essai, le philosophe s'empare, entre autres, d'une question fort pertinente: est-ce que les écoles et les médias forment la pensée et transmettent le savoir en évitant l'écueil des préjugés et de la subjectivité contrôlée? Ce n'est pas parce qu'on est en vacances qu'on ne peut pas réfléchir. Et avec quelques verres de rosé, la philosophie est à portée de main.

Je suis un grand amateur de biographies. J'avais mis de côté celle de Catherine Fruchon-Toussaint, Tennessee Williams: une vie. J'ai déjà lu les Mémoires d'un vieux crocodile rédigés par le dramaturge lui-même. Dans ce livre captivant, Tennessee Williams racontait tout (du moins c'est l'impression qu'on a) de sa vie d'écorché et de génie. J'ai donc très hâte de voir si on apprend de nouvelles choses sur celui qui a laissé derrière lui un nombre incalculable de chefs-d'oeuvre et une vie faite de tourments, de succès et de drames.

Ma collègue Nathalie Petrowski a lancé récemment Un été à No Damn Good. Ce roman nous fait entrer dans la vie d'une adolescente qui vient de débarquer avec sa famille à Notre-Dame-de-Grâce à l'été 1971. Ce livre est dans ma pile depuis des semaines. Je n'ai pu m'empêcher de lire les 80 premières pages. Le ton, l'humour, l'écriture, le charme de l'époque, tout est là pour nous séduire.

Quand elle évoque ce quartier (où elle a habité), ses parents et son jeune frère, évidemment on se demande où se trouve la part de réalité dans ce récit plein de rebondissements et d'esprit.

Je m'interrogeais justement là-dessus quand je suis tombé sur ce passage: «Élise était couchée sur le dos et moi sur le ventre pour cacher mes trop gros jos de fille de quatorze ans déjà trop développée et dont les protubérances faisaient loucher les morveux de dix ans qui n'avaient jamais rien vu de leur vie. Des fois pour me venger et les faire freaker, je leur lançais aux petits morveux: "Eille, le cave, tu veux mon portrait ?"» J'ai alors compris que la vérité allait merveilleusement bien côtoyer la fiction. Je me réserve les deux autres tiers de ce roman pour la plage.

En dernier lieu, je vais mettre dans mes valises deux livres de l'Américain Kenneth Anger, Hollywood Babylone et Retour à Babylone. Ce vieux routier qui connaît Hollywood sous toutes les coutures raconte les nombreux scandales qui ont marqué la Mecque du cinéma de 1910 jusqu'aux années 80. Pourquoi lire sur des stars qui ont connu la déchéance? Euh? C'est simple: pour pouvoir dire que notre vie est tellement mieux.

Image fournie par Leméac

La dure école, de Normand Baillargeon

Image fournie par les Éditions Baker Street

Tennessee Williams : une vie, de Catherine Fruchon-Toussaint