Comme plusieurs d'entre vous, je me suis posé la question: est-ce que l'annonce du retrait de la vie politique de Pierre Karl Péladeau est liée au passage de son ex-conjointe Julie Snyder, la veille, à Tout le monde en parle? J'en ai parlé à Guy A. Lepage, lundi en fin après-midi. Il était «stupéfait» de l'annonce du chef du Parti québécois, mais il ne croit pas qu'il y ait de lien de cause à effet.

Guy A. Lepage m'a dit que Julie Snyder est arrivée sur le plateau de TLMEP dans de bonnes dispositions. «C'est sûr que lorsque la personne interviewée est quelqu'un qui a l'habitude d'interviewer, il y a une insécurité, m'a-t-il dit. Julie était confiante. Elle craignait sans doute le sujet de la médiation, mais c'est tout. J'ai trouvé qu'elle a été touchante, qu'elle était d'une grande dignité.»

En effet, Julie n'a rien dit, en apparence, qui pouvait compromettre la réputation de celui avec qui elle partageait sa vie depuis plusieurs années. Elle n'a pas fait de déclarations qui auraient pu pousser Pierre Karl Péladeau à précipiter la décision annoncée lundi. Outre le fait qu'elle trouvait qu'ils auraient pu aller plus loin dans leur thérapie de couple, elle n'avait pas de blâme à formuler.

J'ai aussi demandé à Guy A. Lepage pourquoi il pensait que Julie Snyder avait enfin accepté son invitation. Bien sûr, il y a eu ce défi que les deux animateurs se sont lancé le dimanche précédent, au Gala Artis. Mais selon l'animateur de TLMEP, Julie Snyder a attendu qu'il ne se passe pas grand-chose à l'antenne de TVA pour venir sur son plateau. «Elle a un côté corporate que je n'ai pas. C'est tout à son honneur.»

Reste que la situation dans laquelle se retrouvent ces deux personnalités québécoises est absolument unique. C'est du jamais-vu. En 24 heures, on a été témoin d'une entrevue livrée à coeur ouvert devant des centaines de milliers de téléspectateurs (1 600 000), au cours de laquelle une animatrice-vedette a décrit sa peine, l'amour qu'elle avait pour son mari et l'incertitude liée à son avenir. Le lendemain, on a assisté à l'annonce spectaculaire du retrait de la vie politique de cet ex-conjoint. Tout cela noyé de larmes.

Julie Snyder et Pierre Karl Péladeau faisaient partie de ce que les Américains appellent les power couples. En fait, ils formaient le plus grand power couple du Québec. Ils symbolisaient la puissance et l'influence. Les étapes qu'ils franchissaient, ensemble ou individuellement, étaient toujours des batailles: la bataille pour la procréation assistée, la bataille pour obtenir des crédits d'impôt, la bataille pour obtenir de meilleures cotes d'écoute, la bataille pour mener PKP à la tête du PQ, etc. Ces deux batailleurs étaient faits pour se rencontrer et mener des guerres ensemble.

Toute l'histoire de Julie Snyder et Pierre Karl Péladeau s'est déroulée sous les yeux du public québécois, comme un film américain auquel il n'est pas habitué. 

Il a assisté au début de leur histoire d'amour, à l'arrivée de leurs deux enfants, à leurs difficultés matrimoniales, à la force déployée pour traverser cette tempête et à leur mariage hyper médiatisé sur fond de stratégie politique. Le public a surtout été témoin du passage remarqué de PKP à la politique et au précieux soutien que lui a offert Julie Snyder. Et là? La chute, le vide, le tourbillon.

Lors de l'entrevue de dimanche, Julie Snyder a démontré à quel point ce power couple était lié de toutes parts. «Mes repères, mes frontières, mon pays, c'était Pierre Karl», a-t-elle dit. Avec beaucoup de franchise (ou de candeur), elle a parlé des liens évidents qui régnaient entre la productrice qu'elle était et l'entreprise de son conjoint, le principal diffuseur de ses émissions. Elle a dit qu'elle investissait tellement d'argent pour produire certaines émissions que celles-ci accusaient parfois un déficit de quelques centaines de milliers de dollars. Julie a confié à Guy A. Lepage qu'elle était en «captivité» avec TVA.

Cela témoigne bien de ce qui se passe quand un power couple qui a tout entremêlé connaît une fin. Tout s'écroule comme un énorme château de cartes. Les dommages collatéraux sont gigantesques. Les carrières tombent. La famille éclate. Et le public, lui, se sent lésé devant tout ça. 

Un couple formé de deux personnalités publiques comme Julie Snyder et PKP peut devenir très puissant. Mais quand ce tandem prend fin, la chute est vertigineuse.

Si Guy A. Lepage hésite à parler de causalité entre le passage de Julie Snyder à son émission et la démission de Pierre Karl Péladeau, pour moi, il ne fait aucun doute qu'il y a un lien. En voyant son ex-conjointe raconter à la télévision (une chaîne qui ne lui appartient pas de surcroît) la fin de leur couple, PKP a sans doute pris conscience du gâchis qui régnait autour de lui. Il a peut-être ressenti le vide que connaissait Julie les soirs où elle rentrait seule avec son trophée après un gala, comme elle l'a raconté dimanche soir.

Personnage controversé qu'il est parfois difficile d'aimer, PKP a peut-être montré lundi une part de sa personnalité qu'on ne connaissait pas en livrant un discours émotif. Lui qu'on a toujours senti rongé par l'atteinte de la gloire et de la réussite a peut-être voulu nous dire qu'il était capable de sentiments.

À moins que l'être stratégique qu'il peut aussi être ait voulu profiter d'une belle occasion pour se défiler et se retirer la tête haute. Si c'est le cas, on ne veut pas le savoir. Le film se terminerait encore plus mal.