Dans mon imagination écolo, le monde idéal de la consignation ressemble à celui de la bière.

Tu achètes quelque chose. Mettons de la bière dans une bouteille. Mais ça pourrait être aussi du lait, du shampooing. 

Tu paies pour le contenant. Tu rapportes ensuite le contenant là où tu l’as acheté. On te remet l’argent. Et le contenant, lui, repart contenir encore la même chose. Et il revient sur les tablettes, rempli de bière, mais ça pourrait fonctionner aussi avec les bouteilles de vin ou les pots de confiture, peu importe. Et la boucle continue.

Quand on me parle de consigne, c’est toujours à ce scénario que je pense.

Et je crois que pour le verre, sérieusement, c’est effectivement ainsi que les choses devraient fonctionner.

Tu achètes du vin, du lait, du jus, peu importe, dans des contenants de verre, tu paies pour le contenu et le contenant et tu récupères le prix du contenant en le rapportant.

Pour le vin, ça serait tellement facile.

Tu rapportes les bouteilles à la Société des alcools ou à l’épicerie.

Tout le monde s’entend sur des formats comme c’est le cas avec la bière. 

Les détaillants tirent profit du système parce que la consigne incite les gens à entrer dans le commerce. Une fois rendu à l’intérieur, on finit toujours par acheter autre chose. C’est un classique. Tout le monde en marketing connaît ça.

PHOTO BERNARD BRAULT, ARCHIVES LA PRESSE

Le gouvernement Legault veut aller de l’avant avec la consignation des bouteilles de vin et de plastique.

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Malheureusement, quand on parle de consigne au Québec, la réalité n’est pas aussi simple que ça. Donc la nouvelle parue d’abord dans La Presse mardi au sujet de la volonté du gouvernement Legault d’aller de l’avant avec la consignation des bouteilles de vin et de plastique est une bonne nouvelle pour bien des groupes, comme Équiterre, qui demandaient cette consigne depuis longtemps.

Mais ce n’est pas l’annonce d’une solution magique.

D’ailleurs, il y a plein de gens très écolos qui ne sont pas en faveur de la consigne actuellement. Parce qu’ils disent que ça ne sera pas comme je le pense : de la réutilisation efficace, directe, de bouteilles et de contenants divers en formats universels. 

Quand on parle de consigne, actuellement, on parle surtout d’un dépôt sur les contenants de vin en verre et les bouteilles en plastique, qui sera retourné au consommateur lorsque le contenant sera rapporté sur les lieux de l’achat. C’est tout.

Le but de cette consigne est d’abord et avant tout de donner une raison financière aux consommateurs de ne pas mettre leurs bouteilles à la poubelle.

On met donc la pression à la hausse sur les consommateurs pour que ceux-ci augmentent encore plus le taux de récupération des matières recyclables.

Ce que l’annonce et le discours souvent entendu sur la consigne ne disent pas, cependant, c’est ce qui sera fait avec les matières ainsi récupérées.

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Selon Coleen Thorpe, d’Équiterre, l’annonce du gouvernement fait avancer un pas plus loin notre démarche collective vers des pratiques écofiscales. Aujourd’hui, on parle du verre ou du plastique, qu’on aura de bonnes raisons financières de ne pas gaspiller. Peut-être que demain, on ira vers les objets et matières électroniques, explique-t-elle.

« Il faudra aller plus loin dans le “sans déchet”. »

Et dans un monde idéal, bien sûr, c’est toute la logique en amont qu’il faudrait repenser. Oui à la consigne des bouteilles de plastique à remplissage unique, bien sûr, mais dans un monde idéal, ces bouteilles n’existeraient juste pas.

« C’est une extrêmement bonne nouvelle, dit la porte-parole et directrice générale d’Équiterre. Mais c’est une première étape. »

Christiane Pelchat, qui dirige le Réseau Environnement, un regroupement multidisciplinaire, voit les choses différemment.

Son organisme n’est pas en faveur de la consigne. Ou du moins, il ne voit pas ça comme une panacée. Parce qu’on ne sait pas ce qui adviendra de la matière récupérée. Et ça, on le sait, au Québec actuellement, c’est un problème. 

On s’améliore, on travaille là-dessus, on essaie de trouver des débouchés pour tout ce qu’on met dans nos bacs. Mais Mme Pelchat rappelle qu’il manque notamment de centres de conditionnement pour préparer à un autre avenir les bouteilles consignées qui seront récupérées au recyclage.

La réutilisation directe ? On n’en est pas là non plus.

Et a-t-on calculé, demande-t-elle, le coût environnemental du transport séparé des produits consignés ? 

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Je suis d’accord autant avec Mme Pelchat qu’avec Mme Thorpe. J’aime l’idée de lancer la consigne. Un message. Une volonté de bouger. Bravo au gouvernement de vouloir apparemment forcer la SAQ à accueillir les bouteilles vides. Ça doit faire partie des responsabilités d’une société d’État.

Je suis aussi totalement d’accord avec Mme Pelchat quand elle rappelle qu’il faut aller au-delà de l’idée de la consigne pour plonger dans la réalité de la consigne.

Et comme elle, j’ai des questions.

Que fera-t-on avec tout ça ? Va-t-on encore tout simplement envoyer le verre sous forme de poudre dans les centres d’enfouissement ? Va-t-on enfin avoir un système de tri qui produit de la matière recyclable de qualité ? Pourquoi ne pas plonger immédiatement, du côté du vin, dans un projet de réutilisation directe des bouteilles, comme on le fait dans la bière ? Le vin québécois est en pleine explosion, la plupart du temps produit par des artisans totalement sensibles aux questions environnementales. On pourrait tout de suite commencer là. Et aussi remettre la bière sur le chemin des bouteilles réutilisables plutôt que vers les canettes. 

Bref, il faut bouger, mais réfléchir aussi.

Pour agir vite et bien. Parce qu’il faut absolument effacer vite cette impression de plus en plus répandue que nos efforts de recyclage comme consommateurs, jusqu’à présent, ont pas mal servi à rien.