J’ai écrit hier sur le ministre des Finances, Eric Girard, qui pense que la Caisse de dépôt est « mûre » pour être dirigée par une femme lorsque Michael Sabia, le président actuel, partira en 2020.

Je ne crois pas, personnellement, que ce soit à la Caisse d’être « mûre » pour une femme. C’est plutôt à la société en général, et aux recruteurs en particulier, de commencer à se moderniser la tête, pour comprendre que penser à embaucher une femme, qu’essayer d’embaucher une femme, que de se donner comme objectif d’embaucher une femme, c’est une bonne idée pour mille raisons.

Mais bon, le ministre semble aimer l’idée d’une femme à la tête du bas de laine des Québécois. Et c’est ce que j’aime retenir.

Sauf qu’après avoir écrit cet article, j’ai reçu beaucoup de courriels de lecteurs qui m’ont tous dit à peu près la même chose : ce n’est pas une femme qu’on doit embaucher, c’est une personne compétente.

Insérer ici un émoji de journaliste tannée, qui regarde vers le ciel.

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D’abord, je tiens à tous vous rassurer : personne, personne n’a envie que quelqu’un d’incompétent soit nommé à la tête de la Caisse. Pas le ministre, pas moi, pas l’Assemblée nationale, pas les recruteurs, pas Michael Sabia – qui croit néanmoins beaucoup à la parité et qui a encouragé beaucoup de femmes à avancer, tout au long de sa carrière, je tiens à le dire – et certainement pas le conseil d’administration de l’organisme.

Cela dit, dans le passé, il y a quand même eu des dirigeants moins bons que d’autres.

Mais je ne pense pas que quiconque ait fait exprès.

En passant, c’était tous des hommes.

Je dis ça juste pour rappeler que l’erreur fait partie de la vie. Et que le monde – des finances et ailleurs – est rempli d’hommes pas super compétents, pas parfaits, parfois franchement nuls, qui ont commis des erreurs graves et fait perdre beaucoup d’argent à bien du monde.

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Donc, peut-on tout de suite arrêter de s’imaginer que quelqu’un va nommer une femme à la tête de la Caisse en faisant fi de ses qualifications, de sa capacité réelle de diriger une organisation d’une telle ampleur ?

Et peut-on commencer à dire qu’en fait, ce dont on parle quand on parle de parité, de diversité, c’est d’une augmentation de la compétence.

La recherche active de la diversité pour les équipes, pour les directions d’entreprise, milite de deux façons en faveur de la qualité du recrutement.

D’abord, quand on sort des cercles traditionnels – tout en gardant les critères d’excellence recherchée bien évidemment, je le rappelle au cas où –, on augmente le bassin de CV analysés. Or plus on ratisse large, meilleures sont les chances de trouver quelqu’un d’exceptionnel.

Et ensuite, deuxième angle important : en sortant de la boîte, on part en quête d’idées nouvelles, de styles de leadership neufs, de perspectives inédites, de points de vue, d’angles de réflexion qui ne font pas DÉJÀ partie de la discussion.

Imaginez si on découvrait qu’avec une femme, on peut trouver des solutions que personne n’a jamais imaginées parce que, justement, il n’y a jamais eu de femme à la tête de la Caisse dans le passé ! Imaginez.

Qui est contre l’arrivée de concepts tout frais ?

Est-ce vraiment nécessaire de rappeler à quel point l’enrichissement de n’importe quel projet passe par l’apport d’originalité ?

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On m’a aussi demandé aujourd’hui comment je réagirais si, en fin de compte, un autre homme blanc était nommé.

Là, c’est l’émoji de la personne qui baille, qui s’endort qu’il faut insérer.

Un émoji d’ennui.

Comprenez-moi, je n’ai pas envie que Catherine Dorion soit choisie à la tête de la Caisse.

Je n’attends pas le changement pour le changement. Ce processus de sélection est ultrasérieux. J’attends la quête de l’excellence par l’ouverture, par le courage.

Peut-être qu’il y aurait un élément « coup de dés » dans le choix d’une candidature féminine. Mais il y a toujours aussi la même incertitude avec un homme choisi au sein des cercles traditionnels. La seule certitude que le boys club apporte, c’est une certitude de pantoufles. On reste avec ce qu’on connaît.

Et l’incertitude, ça se gère. La direction d’une entreprise prend la forme que ses dirigeants lui donnent, avec leurs forces et leurs faiblesses, quand ils s’entourent en conséquence.

Hier, Sophie Brochu, l’ancienne patronne d’Énergir, a dit publiquement qu’elle ne voulait pas être considérée comme une candidate. Elle a parlé de la nécessité de trouver quelqu’un avec « une vaste expérience du milieu financier international et un solide bagage dans la gestion de fonds diversifiés ».

Pensez-vous que l’ancien patron de Bell, une entreprise de télécommunications, avait cette expérience toute parfaite bien inscrite dans son CV quand il est arrivé à la tête de la Caisse ?

On dirait que quand on embauche une femme, elle doit avoir un CV plus que parfait, alors qu’un homme a surtout besoin d’un bon potentiel démontré par son évolution passée.

Ici, on insère un émoji de la journaliste qui espère que ça va changer.