Ce ne sont pas les gouvernements qui vont apporter des solutions magiques aux problèmes financiers actuels des médias traditionnels, comme les journaux, la télé, la radio.

Une société démocratique, on le sait, a besoin, un besoin fondamental, de médias indépendants qui n’ont pas à demander de permission à personne pour informer. On ne veut pas que ces médias doivent quoi que ce soit ni aux élus ni aux fonctionnaires.

Sauf que les gouvernements ont la responsabilité de comprendre comment les sociétés et les économies fonctionnent, et d’entretenir et de maintenir le terrain de jeu de leurs acteurs cruciaux.

Or actuellement, les médias vont mal. 

Et ils ne vont pas mal parce qu’ils font du mauvais boulot.

Ils vont mal parce que l’espace où ils évoluaient a rapidement et radicalement changé depuis 20 ans.

C’est là que les gouvernements ont une responsabilité. Ils doivent comprendre cette transformation et trouver des solutions pour aider les différents acteurs à continuer leur travail. Ils doivent aider par des gestes immédiats, concrets, comme de l’argent. Et avec des changements réglementaires, qui permettent les adaptations structurelles nécessaires pour que tout le monde puisse poursuivre la route convenablement. 

Et il faut que tout cela se passe rapidement.

Plus de 20 ans après l’arrivée de l’internet dans nos vies, il est aberrant qu’on en soit encore à se poser des questions sur la taxation des nouveaux venus comme Netflix ou encore sur la monétisation de cette utilisation que font les nouveaux médias des contenus canadiens pour alimenter leurs pages et leur offre. On aurait dû régler ça il y a longtemps.

Les législateurs de tous les niveaux doivent agir maintenant, pas demain.

Je ne veux pas dire que l’heure est grave parce que j’ai l’impression qu’on l’a dit déjà mille fois. Mais ce n’est pas une blague.

On ne peut pas attendre une fermeture-choc pour se réveiller.

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Jeudi, le Groupe TVA, présidé par France Lauzière, a annoncé la suppression de 68 postes, tout en expliquant longuement que c’était directement lié aux difficultés causées par la transformation du marché publicitaire, ce marché profondément chamboulé par l’arrivée des Facebook, Google, Apple et compagnie.

Quand le Groupe Capitales Médias, qui possède six journaux, affirme au gouvernement québécois que ça va mal et cherche de nouveaux investisseurs, comme l’a rapporté récemment Le Journal de Québec, c’est grave. 

« Personne ne va bien », m’a rappelé hier Martin Cauchon, président de Capitales Médias, quand je l’ai joint. « On est tous dans le même bateau. Et ce n’est pas parce qu’on manque de lecteurs. »

Maintenant, avec l’annonce de TVA, il est clair que tous les médias, même électroniques, encaissent les conséquences de transformations où les leviers ne sont pas entre leurs mains.

« Notre industrie ne peut plus faire les frais des incohérences d’un système de radiodiffusion désuet », a expliqué dans un communiqué Mme Lauzière, exhortant les gouvernements à faire leur devoir pour moderniser la machine. 

Que montre-t-elle du doigt ?

« Il faut cesser l’iniquité réglementaire entre les entreprises d’ici et les géants étrangers », écrit la présidente. « La réglementation doit être allégée afin de favoriser l’innovation et la créativité de l’industrie québécoise et canadienne, de façon qu’elle puisse concurrencer plus équitablement Google, Facebook et les autres joueurs étrangers, qui accaparent 80 % des revenus publicitaires en ligne au pays. »

Mme Lauzière demande aussi « une révision de la Loi sur le droit d’auteur afin de contraindre les géants comme Google News, Facebook ou Apple News, qui diffusent du contenu journalistique, à payer leur juste part aux éditeurs de presse dont TVA Nouvelles ».

De plus, elle souligne que « l’équité fiscale est fondamentale afin de jeter les bases d’une saine concurrence. La taxe de vente et l’impôt sur le revenu doivent s’appliquer à Netflix, tout comme aux autres entreprises, qu’elles soient domestiques ou étrangères, physiques ou virtuelles ». 

Du côté des médias écrits, on parle de crédits d’impôt sur les masses salariales des travailleurs de l’information qui permettent aux entreprises de poursuivre leur mission.

Bref, il faut que les gouvernements trouvent des outils pour remettre chacun à sa place et permettre aux acteurs canadiens, qui sont plus petits que les géants américains, qui jouent des rôles différents, qui ont des ressources différentes, d’aller chercher leur part des revenus dont ils ont besoin pour survivre.

On ne parle pas ici de fabricants de chaussures ou de chapeaux soumis à la concurrence étrangère à qui on peut juste dire : « Faites mieux, pour moins cher, et vous serez concurrentiels. » 

On parle de médias dont toute démocratie a profondément besoin, je le répète, qui vivent dans des univers réglementés depuis toujours, surtout la télé, et qui doivent s’adapter à des concurrents qui bougent mille fois plus vite que les lois encadrant tous ces univers.

Quand on a négocié l’Accord de libre-échange dans les années 80, puis l’Accord de libre-échange nord-américain, on n’a pas hésité à protéger la culture canadienne et à isoler ce pan de nos démocraties de la libéralisation des échanges commerciaux avec les États-Unis puis le Mexique.

On comprenait qu’il y avait le commerce d’un côté et qu’il y avait, ailleurs, des secteurs qui ne pouvaient être soumis aux lois du marché comme les autres. 

Pourquoi est-ce que maintenant, on met tant de temps à se réveiller ?