«Si vous n'avez pas de femme dans votre équipe, vous vous privez de 50% du talent.»

Le concept est clair et simple. C'est la pierre d'assise de la philosophie de Parabere, l'événement annuel réunissant les femmes du monde de la gastronomie - restauratrices, productrices, chefs, entrepreneures - qui avait lieu le week-end dernier à Malmö, en Suède, et qui s'est donné pour mission de faire comprendre au monde que les femmes, pas juste le 8 mars, font partie intégrante de cet univers, même s'il y a encore des gens qui veulent croire qu'elles ne sont pas si nombreuses.

La démarche fait penser, à une autre échelle, à celle de l'actrice Frances McDormand, qui a tenu, dimanche soir aux Oscars, à ce que les femmes en nomination se lèvent pour montrer qu'elles existent. Et qu'elles sont prêtes à travailler, à faire avancer des projets, à bouger, à créer.

Dans les deux cas, le message est le même. Le talent féminin est partout. Encore faut-il accepter de le voir, de l'inclure dans les entreprises et de partager avec ces femmes les leviers du pouvoir.

Sans femmes, moins de talents, moins d'idées, moins d'argent. Ce devrait être la façon de voir les choses dans toutes les entreprises. Des restaurants jusqu'aux studios de cinéma, en passant par toutes les sociétés imaginables du monde, qui veulent être concurrentiels et profitables, en 2018 et dans l'avenir.

Parce qu'embaucher des femmes pour faire le boulot, pour créer, pour diriger des équipes, pour inventer, pour trouver des solutions, pour dénouer des impasses, pour relever les troupes n'est pas une sorte d'acte de foi moderne.

C'est un choix humaniste, certes, mais aussi une option de gestion logique. Rationnelle. Une décision d'affaires qui s'impose.

Une étude rendue publique en 2016 et menée par le Peterson Institute for International Economics, avec l'aide d'EY, auprès de 21 980 entreprises à capital ouvert dans 91 pays l'a montré : la présence de femmes dans des postes de direction, surtout aux échelons des «C» - COO (directeur général), CFO (directeur des finances), CEO (PDG), etc. - augmente les marges de profits de 6%.

Elles font gagner des mille et des cents.

S'en priver, c'est en partie manquer le bateau.

Est-ce parce que ce sont des génies?

Dans certains cas, peut-être que oui. Mais de façon générale, l'explication est beaucoup plus simple et se résume en un mot : diversité.

Ce n'est pas en clonant la même personne 20 fois qu'on trouve de nouvelles solutions, de nouvelles idées. Qu'on forme des équipes avec plein de talents. C'est en mélangeant.

Cette réalité a été démontrée par de nombreuses recherches, dont une étude de McKinsey datant de 2015 sur 350 entreprises nord-américaines, latino-américaines et britanniques. On y apprenait que les sociétés avec le plus de diversité hommes-femmes, donc dans le premier quart à cet égard, avaient 15% de plus de chances d'avoir des revenus plus élevés que leurs pairs, une tendance encore plus marquée chez les entreprises ayant aussi de la diversité ethnique et raciale. De la même façon, moins de diversité était liée à de moins bons revenus. Citée par le Financial Times, la directrice de McKinsey au Royaume-Uni résumait les choses ainsi : «Pour chaque augmentation de 10% de la diversité, on voit de 2 à 4% d'augmentation des profits.»

Ne pas avoir de programme, au sein de son entreprise, pour encourager la différence, c'est absurdement s'obstiner à mettre de côté une stratégie gagnante.

De façon générale, les avantages liés à l'embauche des femmes se résument ainsi : multiplicité d'idées, de perspectives, d'expériences, comportements différents au sein des équipes, liens plus faciles avec la clientèle aussi composée de femmes.

Et j'ajouterais une dernière observation : comme les femmes n'ont pas été jusqu'à maintenant aussi présentes dans les hautes directions, donc moins influentes, moins projetées dans les cultures d'entreprises, mais aussi d'innovation, leurs intérêts, leurs besoins, leurs sensibilités représentent encore aujourd'hui de vastes terrains d'exploration, de nouveaux marchés à défricher pour les entreprises.

Quand Sarah Blakely, la PDG de Spanx, est devenue la plus jeune femme à devenir milliardaire à partir de rien, donc sans hériter d'une fortune familiale, c'est parce qu'elle avait inventé un produit totalement nouveau, spécifiquement pour les femmes - des sous-vêtements amincissants ultrapratiques et confortables -, une nouveauté qu'on imagine difficilement inventée par un homme.

Quand la designer Phoebe Philo a plus que triplé - d'un peu plus de 300 millions à plus d'un milliard de dollars canadiens - les ventes annuelles de la marque Céline du géant LVMH, c'est parce qu'elle a commencé à vendre des vêtements à la fois élégants et luxueux, mais aussi ultraconfortables et pas du tout contraignants, comme apparemment en rêvaient un grand nombre de femmes d'affaires et autres amateures de mode aux revenus assez élevés pour s'offrir de tels produits. Qui aurait pensé, il y a dix ans, dans un monde habitué aux talons vertigineux et aux décolletés plongeants, que les chaussures de course seraient portées avec des pantalons larges sous des pulls surdimensionnés et que cela se vendrait à gros prix? Il fallait une femme d'affaires mère de trois enfants pour y penser... Et pour vendre autant.

Faith Popcorn, grande consultante en marketing, répète depuis des années que le marché des femmes n'est pas suffisamment exploré, notamment celui des femmes de 45, 50 ans, 60 ans, qui ont plus de revenus disponibles que ces milléniaux que tout le monde tient tant à courtiser. Les occasions d'affaires, dit-elle, sont là.

Il faut juste prendre le temps d'écouter les femmes parler de ce dont elles ont besoin, dans tous les secteurs, et prendre le risque d'explorer ces univers, avec elles.

Il y a de l'argent qui reste sur la table.

Bon 8 mars.