Ça y est, après des mois d'attente, le fameux supermarché Amazon Go a finalement ouvert ses portes au public à Seattle.

Le concept, vous le connaissez peut-être, est à la fois simple et ultra-sophistiqué et totalement futuriste. C'est un supermarché où l'on ne paie pas à la caisse. On sort avec ses aliments dans son sac, comme ça, sans plus. Les clients qui l'ont utilisé et à qui j'ai parlé sont unanimes : quand on quitte les lieux, on a l'impression d'avoir fait du vol à l'étalage. Pour des gens pas encore habitués au concept, c'est très bizarre.

Donc personne n'attend à la sortie pour enregistrer les achats et savoir combien on doit, que ce soit un caissier ou un client qui joue au caissier, comme on peut le faire maintenant de plus en plus dans les grandes surfaces. À la place, l'acheteur reçoit une facture directement sur son téléphone intelligent.

Comment Amazon Go - une filiale du géant du commerce en ligne Amazon - peut-il savoir ce qu'on achète ? Des caméras, des capteurs, beaucoup d'outils utilisant l'intelligence artificielle...

Pourquoi avoir pris cette route commerciale ? Selon Amazon, qui sait une chose ou deux sur la différence entre le commerce en ligne et le commerce en boutique, attendre en file pour payer est une source d'irritation majeure pour les clients en boutique. Il fallait donc absolument trouver une façon de le contourner.

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Quand on dit, comme on le fait depuis des années, en fait depuis qu'existe le commerce en ligne et qu'il menace le commerce sur rue, que l'expérience du commerce de détail doit être modernisée, c'est de ça qu'on parle.

Souvent, les gens s'imaginent qu'on veut de belles boutiques, modernes, aménagées par des hommes et des femmes pros de l'architecture et du design. C'est vrai. Oui, l'expérience passe par l'esthétique, la déco, l'ambiance des lieux. Mais l'expérience, c'est bien plus. 

C'est aussi « comment ça se passe ». La facilité à trouver ce qu'on veut, la qualité de l'accueil et de la relation avec les vendeurs, la possibilité de découvrir de nouveaux produits et services différemment de ce qui est faisable en ligne. C'est l'efficacité de la mise en place des décisions si l'on choisit qu'on veuille ceci ou cela, la clarté des explications sur les différences entre les options, le sentiment d'honnêteté et de transparence face aux vendeurs, la rapidité ou, au contraire, le soin donné avec le temps qu'il faut à la transaction, selon ce que la marque propose et ce que le client attend. L'expérience, c'est le sentiment d'avoir été entendu, compris, respecté ou encore surpris, bousculé dans ses certitudes, l'impression de quitter un lieu après avoir appris quelque chose. L'expérience, c'est aussi, beaucoup, le sentiment que la transaction commerciale a un sens plus complexe que le simple échange d'argent contre biens et services que propose l'internet sans le trouble du déplacement.

Et parlant de déplacement....

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Savez-vous ce qui rend les expériences commerciales franchement difficiles, pour ne pas dire pénibles, à Montréal, depuis quelques années ? La construction. Parlez-en aux clients et aux marchands de la rue Saint-Denis et du boulevard Saint-Laurent, de l'avenue Laurier Ouest et de dizaines d'autres artères.

Et savez-vous ce qui était brillant ? L'idée de penser à ça, pour une fois, avant de transformer la rue Sainte-Catherine en chantier. Parce que depuis le début de l'année, c'est parti. On refait toutes sortes d'infrastructures - notamment l'aqueduc souterrain - et on en profite pour réaménager cette rue mythique du magasinage en ville.

Sauf que voilà : la structure gonflable de la boîte Kanva, projet approuvé par l'administration sortante, qui avait reçu le feu vert pour adoucir l'impact des travaux, qui aurait été une façon moderne non seulement de faire oublier le chaos, mais de transformer un lieu de béton éventré en expérience différente, a été annulée par l'équipe de Valérie Plante.

Décevant ? Oui. Enfin, on avait un projet audacieux pour transformer un potentiel cauchemar en expérience créative. Personne n'a envie que la rue Sainte-Catherine, au coeur de la vitalité commerciale montréalaise, soit fragilisée sérieusement par les travaux, de la même façon que Saint-Laurent et Saint-Denis ont été touchées.

Cela dit, si la Ville est sérieuse quand elle dit vouloir que l'argent - environ 3,8 millions pour le projet - soit dépensé autrement, plus efficacement, pour atténuer les effets de la construction, peut-être peut-on lui accorder le bénéfice du doute. Mais les attentes sont maintenant élevées. Que peut-on faire d'encore mieux pour rendre la période de réaménagement de la rue agréable à moindre coût ? Voire inspirant, attirant. J'ai hâte de le voir vraiment.

Parce que les commerces de la rue Sainte-Catherine qui se préparent à affronter les travaux ne sont pas juste en concurrence avec ceux des couronnes nord et sud. Ils sont en concurrence avec le web. Ils sont pris avec cette question de l'expérience.

Une part très importante des boutiques qui sont sur cette artère centrale sont aussi des commerces en ligne. Et ce sont souvent de grandes chaînes qui n'ont pas dans leur ADN, comme c'était le cas avec certaines petites boutiques de la rue Saint-Denis ou d'autres rues touchées, de garder l'artère commerciale en vie.

Si aller rue Sainte-Catherine n'est plus une expérience urbaine stimulante, la solution de rechange électronique sera prête à prendre le relais sans problème.

Le risque est grand.

Image fournie par la firme Kanva

La structure gonflable de la boîte Kanva avait été approuvée par l'administration Coderre.