À partir du 9 novembre prochain, si je comprends bien l'annonce récente de la Société des alcools du Québec (SAQ), votre bouteille de merlot Little Penguin coûtera 12,15 $ au lieu de 12,65 $. Votre bouteille de sauvignon blanc Kim Crawford ? Quelque 20,45 $ au lieu de 20,95 $.

Est-ce que ça va changer votre vie ?

Pensez-vous que la SAQ s'en va dans la bonne direction avec cette approche de baisses de prix calculées ?

Moi, je n'en suis pas sûre.

Je comprends que ceci n'est que le début d'un plan de réductions étalées sur trois ans, qui cherche à harmoniser les prix des vins vendus par la SAQ à ceux de la LCBO, son homologue ontarien.

En soi, ce n'est pas une mauvaise nouvelle pour le consommateur de payer moins et, surtout, que l'on vende aux Québécois les mêmes produits qu'en Ontario pour le même prix. Allô. Il était temps que cet ajustement soit fait.

Et ce n'est pas non plus une mauvaise nouvelle que la société d'État se penche sur ses profits faramineux et se pose des questions sur la façon dont elle les récolte.

Aussi, ce n'est pas une mauvaise nouvelle que la SAQ soit poussée à faire de réels efforts pour négocier de meilleurs prix en gros pour les Québécois, efforts qui n'étaient pas toujours faits auparavant, comme la vérificatrice générale l'a noté en mai dernier dans son rapport annuel.

Mais restent quelques questions...

Que nous dit cette baisse de 50 cents exactement ?

Elle nous dit que la société va réduire uniformément ses prix sur les étagères, ce qui est bien différent de s'engager à profiter de son pouvoir d'achat pour faire son boulot et aller chercher des rabais ici et là chez les fournisseurs qui délestent des quantités astronomiques de vin dans ses succursales.

Autre question : pourquoi la baisse n'est-elle pas appliquée sur tous les produits ? Pour le moment, on parle uniquement de vins « courants » et aussi « de spécialité », mais en approvisionnement continu. Donc on mise uniquement sur les gros vendeurs. Les produits qui arrivent par lots, vous savez, ceux qu'on s'arrache parce qu'on ne sait jamais quand il y en aura de nouveaux, souvent parce que ce sont des petits producteurs, eux, non, ils n'ont pas droit à la réduction. Où est la logique ? Est-ce parce que l'acheteur de ces types de vin réagit moins aux fluctuations de prix ?

Autre question : pourquoi les restaurateurs n'ont-ils pas droit aux baisses de prix, eux aussi ?

Il y a, dans cette façon de gérer le prix du vin, un côté totalement arbitraire, détaché du marché, qui est difficile à s'expliquer et à accepter en 2016.

***

Des baisses de prix, on ne peut pas être contre ça. Surtout si la SAQ maintient son engagement de ne pas puiser dans les profits que la SAQ verse au gouvernement et qui servent donc à financer nos programmes sociaux. Si on le fait parce qu'on est plus efficace, tant mieux.

Mais le vrai défi, c'est d'aller plus loin pour que la SAQ agisse réellement comme une entreprise privée et cherche à la fois à être concurrentielle quand on compare ses prix à ceux d'ailleurs, en Ontario notamment, à maintenir ou même augmenter ses revenus tout en baissant ses prix - donc en cherchant des baisses de prix de ses fournisseurs - et à augmenter et diversifier l'offre. Difficile ? C'est ça, les affaires, non ?

Idées en vrac, dans le simple but de lancer la discussion : pourquoi n'accorde-t-on pas plus de permis d'agences dans les villages et collectivités où il n'y a pas de succursales officielles ?

Comment justifier la limite à une seule agence si un autre commerce propose de vendre des produits différents de ceux offerts là où il y a un permis ? Mon Yellow Tail au IGA, mon Morgon nature chez le boucher bio.

Pourquoi ne pas permettre une privatisation partielle dans les marchés de niche où des entrepreneurs rêvent de pouvoir se lancer ? Il y a actuellement au Québec un marché parallèle aux succursales de la SAQ, où les agences vendent directement leurs produits à leurs clients (après que les bouteilles sont passées par les entrepôts de la société d'État, que les taxes ont été payées, etc.). C'est accepté et tout à fait légal tant qu'on achète des caisses de vin. Pas des bouteilles à l'unité. Quelle est la logique de permettre cette façon de faire et de ne pas laisser les agences avoir leurs boutiques ? Surtout que les restaurants peuvent maintenant vendre du vin à emporter, avec la nourriture... Ça commence à être absurde.

Pourquoi ne permet-on pas le test ?

De toute façon, ce sont des produits en vente privée qui ne sont pas en succursale, donc il n'y aurait aucune concurrence. Et ainsi on multiplie les points de vente de vin, dans des structures commerciales pilotées par des passionnés dont les talents d'éducateurs sur le vin n'ont d'égal que leurs talents pour vendre leurs produits.

La SAQ dit qu'elle baisse ses prix pour répondre aux demandes des consommateurs. Mais ce que ses clients veulent surtout, c'est la liberté et la souplesse permettant que les prix reflètent réellement le marché et que l'accès aux produits soit aussi ouvert qu'il devrait et pourrait l'être, logiquement, raisonnablement, intelligemment, dans une société comme la nôtre.