Si vous allez vous balader dans le Quartier des spectacles d'ici le week-end prochain, vous allez voir une nouvelle sorte de festivaliers. Après ceux du Jazz, des FrancoFolies et de Juste pour rire, c'est maintenant au tour des participants du Forum social mondial, ce festival itinérant de la gauche, de l'altermondialisme et de l'anticapitalisme qui est né en 2001 à Porto Alegre, au Brésil, et qui se veut une sorte de réponse au Sommet économique mondial de Davos.

L'an dernier, ce grand rassemblement de plusieurs dizaines de milliers de personnes a eu lieu à Tunis. Cette année, il est revenu en Amérique.

Si vous avez envie de discuter avec des gens de 120 pays de politiques économiques publiques, de rouspéter contre l'austérité, de poursuivre la discussion lancée par Gabriel Nadeau-Dubois dans L'actualité sur le « blocage » du Québec ou tout simplement d'échanger sur l'organisation communautaire et la mobilisation citoyenne pour ou contre des projets touchant la collectivité, c'est l'endroit où aller. La carte du participant coûte 40 $, mais il y a aussi un tarif réduit à 10 $ pour ceux qui ne peuvent pas se l'offrir et, par principe, on ne refuse personne dans un bon débat, qu'il ait payé son billet ou non.

Le Forum, c'est le genre d'événement où une tête d'affiche a failli s'appeler Bernie Sanders. « Ça marchait à 90 %, mais finalement, ça n'a pas marché », m'a indiqué hier Samuel Raymond, un des 1000 bénévoles participant à l'organisation et à la tenue de l'événement. 

À la place, on peut aller entendre Alvaro Garcia, vice-président de la Bolivie, parler des nouvelles politiques de son gouvernement de gauche. Ou Riccardo Petrella, l'économiste altermondialiste italien habitué de ces rencontres. Ou la Canadienne Naomi Klein, qui sera présente cet après-midi à Concordia avec Avi Lewis pour le visionnement de leur dernier documentaire sur les changements climatiques, This Changes Everything.

Au parc du Mont-Royal, à 15 h, on peut aussi tous aller participer à une oeuvre d'art aérienne où des centaines de personnes formeront un motif - un bonhomme, un soleil, des flèches incarnant le renouveau énergétique dynamique, je crois - qui sera filmé du ciel.

Bref, si le capitalisme vous énerve, il y aura matière à discuter. Et si le capitalisme ne vous énerve pas, mais que vous aimeriez bien comprendre ceux qui le torpillent, il y aura matière à écouter.

La journaliste Yuri Osugi, de la télé publique japonaise, NHK, est sur place. « On travaille à un documentaire sur les mouvements politiques et économiques alternatifs. On s'est dit que ce serait l'endroit où aller filmer », a-t-elle expliqué hier dans la salle de presse où les représentants de dizaines de médias étrangers commençaient à affluer. « Le Japon est très capitaliste et c'est une démocratie, mais l'organisation communautaire est très forte à l'extérieur des grandes villes. C'est dans nos traditions »

À l'entrée d'une des salles de discussions du Forum, à la SAT, il y avait aussi Justin Fischer, un organisateur communautaire de la Saskatchewan venu à Montréal comme bénévole.

« Moi, ce que je trouve vraiment bien, c'est l'idée de pouvoir discuter de tout ce qui m'intéresse avec des gens de partout dans le monde. »

Sa cause : les changements climatiques. Il travaille d'ailleurs activement pour le Leap Manifesto en aidant les gens partout au Canada à se mobiliser localement contre la pollution et le système qui la produit en adoptant toutes sortes de mesures pratico-pratiques, que ce soit la conduite d'un véhicule électrique ou le militantisme pour le respect des droits des autochtones.

Disons que le FSM n'est pas le genre d'endroit où on arrive dans la salle de presse en demandant où on peut garer son VUS ou encore où trouver un steak. Pour nourrir les bénévoles, par exemple, on a fait un partenariat avec les cafétérias des universités et cégeps où ont lieu les discussions, mais aussi avec la section montréalaise de Burrito Project, explique Samuel Raymond. C'est un organisme qui nourrit les sans-abri avec de la nourriture donnée par les supermarchés ou encore comestible mais destinée à la poubelle.

Plus loin, sur la plaza Clark, un autre des lieux-clés du Forum, Carlos Garcia Estevez, du Manifesto Politico, un metteur en scène de théâtre alternatif pédagogique originaire de Madrid et qui vit à Paris, regarde des jeunes préparer des pancartes pour une manifestation prévue pour le soir dans le kiosque d'Oxfam.

Pourquoi est-il à Montréal ? « Pour rencontrer des gens qui ont des choses à dire. » C'est de ça que s'inspire son théâtre, un théâtre militant pour donner la parole aux laissés pour compte du système économique et politique actuel. Quand il n'est pas dans les favelas, il est dans les ghettos, les zones de conflit. Assis non loin de lui, il y a des jeunes qui écrivent que le monde est composé à 95 % de gens au service du 5 %. D'autres parlent du travail des enfants ou de l'analphabétisme des femmes. On rit, on discute. On se demande où va la planète. On répond aux questions des touristes qui passent dans la rue Sainte-Catherine.

Parmi les bénévoles, il y a des gens de 17 à 77 ans, littéralement.

Quand je demande à un des organisateurs s'ils ont calculé les retombées économiques de toute cette présence dans la ville, on me répond : « Aucune idée ! » Choix idéologique ? « Oui. Mais regardez autour de vous, c'est sûr qu'il y en a, un impact ! »

Photo Clément Sabourin, Agence France-Presse

Des milliers de personnes ont participé hier à une marche festive au centre-ville de Montréal pour l’ouverture du Forum social mondial.