San Francisco est loin de Montréal, une ville parmi les quelque 404 agglomérations où Uber fait affaire. Mais cela n'empêche pas la haute direction de l'entreprise californienne de suivre attentivement ce qui se passe dans la métropole québécoise.

Rencontrée la semaine dernière au quartier général du transporteur, la vice-présidente aux communications et aux politiques publiques, Jill Hazelbaker, s'est montrée plutôt confiante par rapport à la place d'Uber à Montréal, même si le gouvernement Couillard n'ouvre pas exactement les bras à la société californienne et lui demande essentiellement de devenir une autre entreprise de taxi traditionnelle.

« Nous sommes au début de cette conversation », a indiqué Mme Hazelbaker, précisant qu'il y avait encore bien des avenues à explorer et des possibilités de compromis. La société, assure-t-elle, est prête à faire des aménagements. « Nous voulons un cadre réglementaire pour fonctionner légalement, affirme Mme Hazelbaker. Sauf que nous voulons un cadre adapté à ce que nous sommes. Et nous ne sommes pas des taxis traditionnels. »

Il est par exemple impossible de demander aux conducteurs d'Uber de s'identifier avec un signal lumineux sur le toit puisque par définition, le système est ouvert à toutes sortes de conducteurs, dont certains ont des toits décapotables ou ouvrants, dit-elle. De la même manière, Uber rejette l'idée d'avoir un compteur comme un taxi traditionnel puisque ces fonctions sont remplies par l'application sur les téléphones intelligents des conducteurs et des utilisateurs.

Uber demande d'être balisé différemment, dans un cadre inédit. Et Mme Hazelbaker comprend que cela puisse prendre du temps.

« Cette compagnie a seulement cinq ans, a-t-elle ajouté. Et comme chaque fois qu'il y a des nouvelles choses, il y a beaucoup de questions. Et c'est important pour nous d'y répondre. »

Vu de Californie, de chez Uber, le portrait est simple. Chaque ville est différente et Paris n'est pas Londres qui n'est pas Montréal et partout les lois sont différentes, les services existants sont différents et les besoins sont différents. Mais ce que l'entreprise veut offrir est similaire partout. Elle veut transporter des gens facilement et elle veut fournir de l'emploi facilement à tous ceux qui veulent devenir conducteurs. Il faut donc trouver des solutions adaptées à chaque ville.

Lorsqu'on lui demande ce qu'elle pense des taxis qui voient leurs emplois menacés, l'entreprise répond qu'elle pense aussi à tous ces gens, dans le besoin, qui ont trouvé du travail grâce à elle.

L'autre constatation, vue de San Francisco, c'est que l'acceptation d'Uber par les différentes villes où elle s'est installée - dont Toronto, Edmonton et Ottawa - passe, selon Mme Hazelbaker, par la satisfaction des utilisateurs et le mouvement populaire ainsi créé en faveur de cette nouvelle option de transport. « Dès que les gens essaient le produit, ils l'aiment », assure la vice-présidente, qui n'a pas été étonnée, mais bien ravie de voir l'aile jeunesse du parti politique au pouvoir à Québec réclamer une ouverture aux dirigeants.

Mais il est aussi vrai que la recette ne marche pas partout. Uber a bel et bien choisi de ne pas aller dans certaines villes européennes et aux États-Unis, où le cadre réglementaire qu'on lui impose ne convient pas à son modèle d'affaires. La semaine dernière, la société a dû se retirer de la ville universitaire d'Austin, au Texas, après avoir perdu un référendum qu'elle avait elle-même demandé...

Dans les bureaux de San Francisco, on ne veut condamner personne dans ces communautés récalcitrantes à l'arrivée du transporteur. Les messages-clés sont plutôt positifs : on insiste sur le rôle global joué par une telle entreprise dans les marchés où elle s'installe. En plus de la création d'emplois à temps plein et partiel, on vante les vertus du nouveau service UberPool - offert dans une trentaine de villes, dont Toronto - qui permet aux conducteurs de prendre plusieurs personnes allant grosso modo dans la même direction, diminuant ainsi les coûts de la facture de chacun et le nombre de voitures sur la route. C'est le service le plus économique d'Uber actuellement.

Citant une étude faite par deux chercheurs de l'Université Temple sur Uber et son concurrent Lyft - qui n'est pas installé au Canada -, la société insiste aussi sur son utilité pour augmenter l'offre en transport le temps venu de ramener les fêtards du week-end à la maison, ce qui a mené à une diminution parallèle d'accidents graves causés par la conduite en état d'ébriété.

« Ce qu'on voit aussi, ajoute Matt Kallman, directeur des politiques publiques, c'est que lorsqu'Uber arrive, la concurrence amène tous les services à s'améliorer. Soudainement, les taxis se mettent à accepter les cartes de crédit, à faire attention au service... »

Autre effet mesuré : une recherche de l'American Public Transport Association montre que les utilisateurs de services partagés - que ce soit des vélos ou ce type de transport automobile - sont plus enclins que le reste de la population à utiliser les transports en commun et moins enclins à posséder une voiture privée. Souvent, explique-t-on, Uber permet aux résidants des banlieues, par exemple, de faire le « dernier mile » qui sépare leur résidence de la dernière station de métro. C'est un service, explique M. Kallman, qui vient compléter le morceau qui manque de l'offre de transports en commun.

« Il faut qu'on explique tout ça, répète Mme Hazelbaker. C'est le début de notre conversation avec Montréal. »