En 1981, les Canadiens mangeaient en moyenne 29,5 kg de boeuf - de loin la viande rouge la plus populaire - individuellement, par année.

En 2013, nous dit Agriculture Canada, ce chiffre était de 19,75 kg par année, presque la moitié moins.

La consommation annuelle de porc par habitant, elle, est passée de 24 à 16 kg durant la même période de 32 ans, une chute de 33 %.

La consommation de veau, déjà faible, a aussi diminué, tandis que celle d'agneau a légèrement augmenté. Mais dans les deux cas, on parle d'une consommation moyenne par habitant de moins de 1 kg de ces viandes par année. Rien de significatif le temps venu de parler de prévention du cancer.

Parce que c'est de ça qu'il est question. De cancer. Le sujet dont on parle partout chez les carnivores depuis que le Centre international de recherche sur le cancer, agence de recherche de l'Organisation mondiale de la santé, a annoncé que la viande rouge serait maintenant classée comme potentiellement cancérigène, alors que les viandes rouges traitées - charcuteries et compagnies - devenaient officiellement cancérigènes, point à la ligne.

Pas de bonnes nouvelles pour les amateurs de contrefilet sur le gril, de rôti du dimanche, de saucissons épicés ou de jambon vastement salé. Cuit ou cru.

Est-ce une raison pour devenir végétariens en masse ? Pour tasser le gluten de la liste d'ingrédients à abattre et faire de la place pour tout ce qui s'appelle onglet ou merguez, aloyau ou prosciutto ?

Le fait que la viande rouge soit liée aux risques de cancer n'est pas nouveau.

Une recherche du Fonds mondial avait déjà sonné l'alarme en 2007. Et il y a des décennies maintenant qu'on parle d'autres aspects négatifs de la consommation de boeuf, en particulier, et cela va du mauvais cholestérol des coupes riches en gras aux conséquences écologiques de l'élevage industriel, en passant par les interrogations de plusieurs au sujet de l'utilisation d'antibiotiques ou d'hormones de croissance pour certains types de bétail.

On pourrait croire que c'est cette mauvaise nouvelle qui a fait chuter la consommation de boeuf depuis 10 ans, mais les statistiques d'Agriculture Canada citées plus haut le montrent bien : la diminution est graduelle depuis plus de 30 ans.

À la place, apparemment, nous mangeons du poulet : 30 kg par année, contre un peu moins de 17 kg en 1980. Et le poulet n'est pas sur la nouvelle liste de l'OMS.

Donc, nous sommes sur la bonne voie.

Et on le voit.

La cuisine végétarienne est de plus en plus mise de l'avant auprès du grand public. L'arrivée au pays de Canadiens issus de mille cultures alimentaires variées nous fait découvrir des grains, des légumineuses, des légumes dont on ne connaissait pas les vertus il y a 40 ans.

Il est loin le temps du rosbif ou de la boulette de steak haché au ketchup pour souper ? Avant, c'était presque systématique. Un plat de pâtes au pesto ? À la sauce tomate ? Aujourd'hui, ce n'est plus très exotique.

La nouvelle concernant la viande rouge est donc à noter et à enregistrer, et on espère que cela nous incitera à découvrir plus de façons encore de manger des lentilles, du sarrasin en risotto ou des aubergines au parmesan. Manger plus végé, c'est une bonne idée. Mais collectivement, il n'y a pas de coup de barre radical à donner. Pas de hauts cris à lancer.

Nous sommes déjà sur la bonne voie, peu importe ce que diront les apôtres du végétarisme pur et dur ou même du véganisme endurci.

Tant mieux s'ils sont heureux avec leur choix, qui se respecte totalement. Mais il n'y a pas lieu d'amorcer une chasse aux sorcières aux carnivores, une vaste inquisition de la bavette et du gigot.

Surtout que la viande rouge demeure une source intéressante de fer, nutriment quand même non négligeable.

Surtout que la lutte contre le cancer n'est pas l'affaire d'un seul ingrédient.

Il y a derrière cette maladie des facteurs de risque que l'on ne peut pas changer, l'hérédité, la malchance. Et il y a tout le reste, comme le tabac, l'alcool, la pollution, qui causent infiniment plus de cancers mortels que la viande rouge et la viande transformée.

Il serait formidable de découvrir une façon magique, immédiate, garantie, de chasser le cancer ou tout autre problème de santé de nos vies, de réussir à identifier LE poison plus maléfique que tout et régler ainsi la vie d'un coup de cuiller à pot. Fini, la viande ! Fini, le gluten ! Fini, le lactose ! Fini, les biscuits au chocolat (oui, il y en a qui disent ça dans les garderies).

En même temps, il serait génial de trouver l'ingrédient magique qui règle tout. Vive le chia ! Le chou frisé ! Le curcuma ! Les graines de lin ou les baies d'açai !

Peu importe ce qu'en disent nos gourous improvisés de la nutrition, les universitaires vous le diront, l'alimentation idéale est avant tout simplement naturelle et diversifiée.

Mangeons des aliments vrais et ne mangeons pas trop, dit le grand journaliste américain Michael Pollan, spécialiste de l'alimentation. Et mangeons surtout des plantes - mais pas obligatoirement que des plantes. C'est tout.

Et puis, surtout, ajouterais-je, organisons-nous pour que ça goûte bon.