En 1992, quand Bill Clinton est devenu le premier président américain élu baby-boomer, ma collègue Nathalie Petrowski a trouvé une image magnifique pour décrire le changement qui venait de se produire: «Le rock and roll, a-t-elle écrit, vient d'arriver à la Maison-Blanche.»

Lundi, une chose un peu semblable s'est produite au Canada.

Pour la première fois, un membre de la génération X a été élu premier ministre.

Et avec Sophie Grégoire et Justin Trudeau, pour la première fois, les tatouages, le yoga, la méditation et l'ouverture émotionnelle sont arrivés au 24 Sussex.

Non seulement on a un premier ministre qui magasine chez Philippe Dubuc - designer québécois totalement moderne - et un leader qui a l'air d'une vedette de Bollywood quand il investit le plancher de danse dans les soirées indiennes, mais on a aussi une femme à ses côtés qui connaît la différence entre le lotus et le cobra, qui parle ouvertement des troubles alimentaires dont elle a souffert à la fin de l'adolescence et qui s'intéresse à la neuropsychologie.

Bref, on n'est plus du tout dans l'ère du Papa a raison, où les hommes étaient coincés dans un modèle aux humeurs imperturbables et où les femmes devaient être des épouses et mères parfaites sans hauts ni bas, ni taches de soupe ou mèches rebelles.

Adieu, Stephen et Laureen, Sheila et même Mila.

Namasté, chers Canadiens.

On verra à l'avenir si la transparence promise par le nouveau chef du gouvernement sera au rendez-vous en Chambre et au cours des conférences de presse.

Mais chose certaine, en attendant, force est d'admettre que la franchise a pris sa place.

Eh oui, Justin a déjà fumé du pot et est prêt à faire le clown en déboulant des escaliers. Eh oui, Sophie, la magnifique Sophie, s'est longtemps trouvée immonde au point de se faire vomir, comme tant de femmes qui souffrent de désordres alimentaires.

«So what», ont-ils l'air de nous dire dans l'autre langue officielle. C'est leur attitude depuis le début de leur aventure. Et elle est rafraîchissante.

En entrevue, Mme Grégoire est particulièrement ouverte, prête à nous faire part de ses expériences. Prête à parler de ses difficultés afin d'aider les autres à avancer.

Lors d'une rencontre à l'hiver 2014, alors qu'elle était porte-parole d'ANEB, organisme d'aide aux victimes de troubles alimentaires, Sophie Grégoire n'avait pas hésité à parler de son terrible périple à travers ce désordre sévère, mais aussi de son rétablissement et de l'importance de prendre soin de sa santé mentale. «Comment peut-on calculer le nombre de minutes passées à penser au poids au détriment du bonheur?», demandait-elle alors, précisant que le pire aspect de ce trouble est «l'isolement mental» de ceux qui en souffrent et n'osent en parler.

Si Michelle Obama a fait de la lutte contre les habitudes de table désastreuses des Américains son cheval de bataille, Sophie Grégoire, elle, sera la voix - outre des femmes autochtones oubliées - des personnes qui mangent mal non pas parce qu'elles n'ont pas accès à des aliments salubres, justes et sains, mais parce qu'elles ne savent plus comment être heureuses avec leur corps et bien le nourrir.

«On a tellement appris à ne pas s'aimer que c'est rendu normal», disait-elle de ces désordres dont elle aimerait pouvoir aider toutes les victimes.

Décrite comme une boule d'énergie aux préoccupations hyper variées, la femme du premier ministre élu a toutefois des intérêts qui dépassent largement la lutte contre les démons alimentaires qui minent la confiance, l'énergie et les capacités de trop de Canadiens. En fait, c'est la quête du bonheur, de l'équilibre et de la sérénité qui la fascine.

C'est plonger dans les vraies préoccupations pas seulement matérielles de ses interlocuteurs, des électeurs.

«Je le vois, les gens veulent parler de cerveau à cerveau, avait-elle dit, mais ils veulent aussi parler de coeur à coeur des vraies choses.»

«Il y a beaucoup de problèmes qu'on peut régler avec notre intellect, mais il faut que le coeur joue un rôle», dira-t-elle encore.

Grande adepte du yoga - elle est professeure certifiée -, Sophie Grégoire adore parler de méditation, de psychologie et de cet espace de plus en plus fréquenté entre pratiques spirituelles anciennes du bouddhisme, notamment, et psychologie moderne.

Parce que, selon elle, c'est quand la science aide à comprendre le coeur qu'on peut le mieux avancer. «Ce qu'il faut, c'est une logique scientifique, des faits, et une conscience sociale, de la justice, de la vérité, de la transparence», disait-elle. Et tout ça, pour prendre la «responsabilité d'influencer pour le mieux les populations. Et de les influencer positivement».

Ohmmmmmm!