Alexandre Meterissian était étudiant de premier cycle en sciences politiques et en économie à McGill quand le mouvement de grève de 2012 a été déclenché.

Autour de lui, dit-il, les gens étaient plutôt indifférents à la hausse des droits de scolarité décidée par le gouvernement libéral de l'époque. Des jeunes surtout pressés d'obtenir un diplôme et un bon emploi, des gens de l'extérieur de la province ou du pays qui payaient déjà des droits élevés, explique-t-il devant un fish'n'chips à la Taverne du square Dominion.

Donc ce n'était pas un haut lieu du militantisme. Mais l'ASSÉ, l'Association pour une solidarité syndicale étudiante, le groupe dont le coporte-parole était alors Gabriel Nadeau-Dubois, a quand même jugé nécessaire d'envoyer des émissaires sur le campus anglophone pour mobiliser les troupes. Il n'en fallait pas plus pour que Meterissian commence à poser des questions. «De quel droit ces gens sont-ils là? Et qui parle au nom de ceux qui ne sont pas d'accord avec les grèves? Qui les représente?»

Dès l'hiver 2012, il commence à exprimer ses interrogations à voix haute auprès de ses amis et trouve sur son chemin un autre étudiant, Laurent Proulx, tout aussi convaincu que lui de la nécessité de répondre au discours des grévistes.

En juillet 2012, les deux jeunes hommes et d'autres amis mettent sur pied la Fondation 1625 - le montant initial des hausses voulues par le gouvernement de Jean Charest - vouée à la défense des «victimes» des grèves étudiantes. Une fondation dont les porte-parole ont décidé de se faire entendre de nouveau haut et fort depuis le début de la seconde vague actuelle de militantisme estudiantin.

«Vous devriez voir la quantité de courriels de demande d'aide qu'on reçoit. Les centaines de messages Facebook. Les jeunes viennent à nous», explique-t-il.

L'organisme fournit des «kits d'injonction» à ceux qui le demandent, amasse des fonds pour appuyer les recours légaux de ceux qui s'estiment lésés par les grèves. Et il propose des interlocuteurs sur la place publique. Ils étaient là ces derniers jours, par exemple, pour féliciter la direction de l'UQAM et son conseil d'administration et applaudir leur ligne de conduite «ferme» devant les grévistes, les casseurs et autres anti-austérité qui empêchent ceux qui veulent étudier d'étudier. «Le recteur doit être fier et continuer à ne pas se laisser intimider.»

«Nous, résume-t-il, on veut juste être un contrepoids.»

La fondation est formée de cinq jeunes hommes - «on cherche des femmes, écrivez-le», lance Alexandre. Et elle est appuyée par des petites équipes d'avocats qui travaillent pro bono pour faire avancer les causes. La plus célèbre est probablement celle de Jean-François Morasse, qui se bat en justice contre Gabriel Nadeau-Dubois, convaincu que celui-ci s'est rendu coupable d'outrage au tribunal durant les grèves de 2012. Il l'accuse d'avoir encouragé les grévistes à ne pas respecter les étudiants antigrèves ayant obtenu des injonctions pour pouvoir quand même aller à leurs cours. Le groupe des 1625, après avoir gagné en première instance puis perdu en Cour d'appel, espère maintenant être entendu en Cour suprême, tandis que Morasse songe à se présenter pour le Parti conservateur.

Il est clair qu'idéologiquement, Meterissian n'est pas exactement du même côté de l'échiquier politique que, disons, Naomi Klein - «J'ai lu No Logo, je la crois zéro», résume-t-il. Selon le jeune homme aujourd'hui lobbyiste et conseiller en communication pour les entreprises - il travaille chez Hatley pendant qu'il termine sa maîtrise en gestion à HEC -, le capitalisme n'est pas en train de ruiner le monde, comme le disent bien des représentants du mouvement étudiant anti-austérité, mais plutôt de le sauver. Il voit l'Afrique sortir de la pauvreté, la Chine et l'Inde devenir des chefs de file économiques.

«Les solutions aux enjeux futurs viendront du privé», déclare-t-il.

Lorsque je lui parle des altermondialistes qui ont fait dérailler les négociations de l'Organisation mondiale du commerce en 1999, il répond d'abord qu'il avait 8 ans et donc qu'il ne s'en souvient pas, mais qu'il a quand même lu sur ces événements: «Je trouve ça triste, dit-il. Ces gens-là, leur vision de la démocratie est variable. Ça marche seulement quand ça sert leurs intérêts.»

Meterissian aimerait un jour lancer sa propre entreprise, même s'il adore celle où il travaille. Il est bien content d'être déjà propriétaire d'un logement mais pas d'une voiture. «Je prends Uber», dit-il. Il est fier de la culture de l'éducation et du travail que lui a inculquée sa famille, son père notamment, issu d'une famille immigrée qui a tout donné pour qu'il puisse devenir chirurgien oncologue, et de sa mère, née dans une famille modeste de 13 enfants, à Alma, devenue comptable. «Les jeunes qui manifestent sont rarement issus de l'immigration, dit-il. Quand tu es fils d'immigré, tu pousses, tu pousses. Tu fais tes devoirs, tes parents te suivent, sont impliqués. Parce que les immigrants, ils immigrent pour l'avenir de leurs enfants, alors l'éducation, c'est essentiel, c'est important.»