Marie-Josée Lacroix entre dans le restaurant, le nouveau Ma'tine du boulevard De Maisonneuve, dans l'est de la ville, et affiche un large sourire. Le lieu est accueillant, à la fois dépouillé et soigneusement aménagé avec sa rangée d'ampoules nues joliment post-industrielles suspendues au-dessus du bar et ses grandes fenêtres.

«Oh que je suis contente de découvrir cette adresse», lance-t-elle. «Et dans un quartier où on ne s'attend pas nécessairement à ça...»

Dire que Mme Lacroix s'intéresse à l'aménagement des espaces publics ou commerciaux dans la métropole relève de l'euphémisme. Commissaire au design à la Ville de Montréal depuis plus de 20 ans, c'est une des plus grandes avocates de l'importance du design et de l'architecture de qualité dans nos environnements. En organisant concours, colloques, communications, elle se démène pour faire rayonner le design, pour sensibiliser, pour encourager la ville à faire de la place à ses créateurs.

C'est elle, par exemple, qui est allée chercher la désignation «Ville UNESCO de design» pour Montréal en 2006. Aucune somme d'argent ne venait avec cette reconnaissance et n'a permis d'embaucher spécialement de grands designers ou de grands artistes pour redessiner la ville. Mais au moins, l'étiquette souligne le potentiel créatif de la ville dans ce secteur, tient-elle à expliquer.

Cette dénomination, il faut la voir comme un «projet plus qu'une réalité, comme un incitatif à accélérer».

En gros, «on vit dans une ville de designers, et le défi, c'est de les faire travailler, de les faire rayonner», explique-t-elle.

Toujours dans ce même ordre d'idées, c'est Mme Lacroix qui a lancé, il y a 20 ans, le concours Commerce Design Montréal, cette activité qui a duré 10 ans et qui soulignait la qualité de l'aménagement des boutiques, restaurants, agences et entreprises de la métropole.

En octobre, lors d'un colloque, la Ville annoncera que le concours est relancé cette année, 20 ans après sa naissance, 10 ans après son retrait. Le tout sera combiné à une activité portes ouvertes.

Bref, encore cette année, Mme Lacroix cherchera à démontrer aux citoyens que le design et l'architecture sont «au service du mieux-être des gens». Que cela éveille les sens, contribue au sentiment de sécurité, que cela stimule l'imagination. Bref, «que la qualité de l'environnement bâti a un impact direct sur notre qualité de vie».

Le concours a tellement bien fonctionné, d'ailleurs, à son époque, que 13 villes dans le monde ont acheté la licence, avec le logo, etc., pour tenir de tels concours. «Parce qu'il a été démontré, note-t-elle, que le concours avait un vrai effet structurant.»

Ce qui est inspirant, en entendant parler Marie-Josée Lacroix, c'est à quel point elle est enthousiaste, à des années-lumière de tous les clichés qu'on peut imaginer au sujet des fonctionnaires de la Ville de Montréal.

Évidemment, comme nombre d'entre nous, elle se désole de constater tout le gaspillage de ressources mis au jour par la commission Charbonneau, surtout après s'être fait dire pendant tant d'années que Montréal n'avait pas les moyens de s'offrir du design ou de l'architecture de qualité. Mais son optimisme face à l'avenir s'impose.

Elle est totalement emballée, par exemple, à l'idée de trouver des solutions pour diminuer les impacts négatifs et irritants des chantiers de construction, sujet du prochain colloque organisé par son bureau.

Il y aura des gens de Séoul, Berlin, Lille, New York, Paris, Saint-Étienne, Nantes pour venir montrer les idées avancées dans leurs villes pour résoudre les problèmes posés par les travaux. Et cela va au-delà, bien entendu, des jolies fresques - ce qu'il n'y a pas suffisamment à Montréal, cela dit - sur les clôtures entourant les chantiers.

On parle d'idées pour faciliter le passage des piétons, pour rendre ludique, plutôt que pénible, l'expérience de contourner les travaux...

Alors que plusieurs d'entre nous regardent Montréal et voient surtout, trop souvent, un verre à moitié vide, Marie-Josée Lacroix, elle, voit un verre à moitié plein. Elle voit des architectes qui ont envie de travailler, elle voit les résultats et l'enthousiasme soulevé par la tenue de concours d'architecture depuis 2006. «Il y en a eu une trentaine», explique-t-elle. Des concours qui ont permis, par exemple, à Saucier + Perrotte d'obtenir le contrat du nouveau complexe sportif de Saint-Michel. Ou à la firme de Dan Hanganu de concevoir la bibliothèque Marc-Favreau.

Tout ça pour que la ville soit plus «belle» ? Ce n'est qu'un des nombreux aspects de l'importance du design et de l'architecture. «Le vrai but, c'est de travailler au mieux-être de la population.»

Marie-Josée Lacroix

> Commissaire au design de la Ville de Montréal

> Née à Pointe-au-Pic.

> Diplômée en design de l'environnement de l'Université du Québec à Montréal et en sciences de l'information, spécialisée en design et en architecture, des Universités McGill à Montréal et Columbia à New York.

> Travaille à la Ville de Montréal depuis 1991.

> On lui doit plusieurs initiatives qui ont conduit à la désignation de Montréal, en juin 2006, «Ville UNESCO de design».

> Une de ses principales réalisations est Commerce Design Montréal, un concours dont l'impact sur la revitalisation du centre de Montréal a été récompensé, en septembre 2002, par un Outstanding Achievement Award de l'International Downtown Association.