Pierre Desrochers, le nouveau président du comité exécutif de la Ville de Montréal, a hâte de pouvoir prendre son plus gros dossier en main: dégager une marge de manoeuvre financière suffisante pour que Montréal puisse recommencer à rêver et «faire de belles choses». Il compte y arriver en diminuant les dépenses de la Ville sans augmenter les revenus pour le moment.

Il n'est pas question de taxer davantage les contribuables, dit-il. À terme, on pourra savoir comment il est possible d'aller chercher de l'argent ailleurs, chez ceux qui utilisent les infrastructures de la Ville, mais n'y paient pas de taxes foncières, mais cela se fera plus tard, note M.  Desrochers. «Ce n'est pas là que vont aller nos énergies pour le moment.»

Ce qu'il faudra regarder le plus vite possible, dans ce premier mandat, c'est où va l'argent que la Ville récolte déjà.

Il faut bien gérer la dette, qui accapare quelque 16% du budget. Et il faut se pencher sur les rémunérations, qui correspondent à plus de 50% du budget et connaissent actuellement une croissance si rapide que, dit M. Desrochers, la Ville pourrait rapidement consacrer le gros de son budget à «payer du monde». Or, dit-il, «on ne peut pas juste payer du monde. Il faut qu'on soit aussi capable de faire des choses avec eux. C'est un élément qu'il faut regarder».

L'ancien cadre de l'industrie pétrolière, qui a eu longtemps la lourde tâche de défendre publiquement Esso et des décisions aussi indigestes pour Monsieur et Madame Tout le Monde que l'augmentation du prix de l'essence, se dit donc prêt à s'aventurer sur ce terrain difficile.

Les conventions collectives sont-elles trop généreuses? Le nombre d'employés est-il trop élevé? Lorsque je fais remarquer au nouveau numéro deux de la mairie que le terrain miné vers lequel il s'avance est «hallucinant», il répond: «Est-ce que c'est parce que c'est hallucinant qu'on n'en parle pas?»

Pierre Desrochers, qui a travaillé pendant 30 ans dans le monde du pétrole, traite de la gestion municipale avec le vocabulaire des affaires. Il veut, par exemple, faire un business case pour Montréal, histoire de convaincre ces nouveaux clients que sont les jeunes familles attirées par la banlieue de venir s'y installer. Il veut aussi faire du benchmarking, pour comparer Montréal à d'autres villes de taille comparable, histoire de voir si l'administration est efficace et dépense son argent - notre argent - de façon judicieuse pour offrir le maximum, à la fois en quantité et en qualité de services.

Il envisage notamment d'aller voir du côté de la province voisine, où l'Ontario Municipal Benchmarking Initiative a lancé un système qui permet à des villes canadiennes de se comparer et de tirer des leçons des expériences de leurs homologues.

C'est en obtenant des données probantes, claires, qu'il croit pouvoir ensuite améliorer l'administration municipale avec tous ses participants. «Ce n'est pas un affrontement que je veux», dit celui qui a été élu avec une majorité de neuf voix dans Ahuntsic‑Cartierville. Ce qu'il veut, c'est voir avec toute l'équipe municipale comment corriger la situation.

Certaines pilules ne seront peut-être pas toujours faciles à faire avaler, note-t-il. «Mais il va falloir qu'on la prenne.»

Ce père de trois enfants, cinq fois grand-père - bientôt six -, résidant du Vieux-Montréal, mais originaire de Pointe‑aux‑Trembles, où il a étudié avant de faire son cégep à Maisonneuve, n'a pas trouvé l'expérience de l'élection toujours facile. Il a trouvé les coups bas difficiles à encaisser, certaines insinuations déplaisantes, arbitraires, blessantes. Le processus a accru son respect pour les élus. Mais aujourd'hui, il est ravi de pouvoir tenter d'apporter sa contribution.

Il sait qu'il devra faire preuve d'une éthique irréprochable et que tous les yeux seront tournés vers lui afin que ne se reproduise pas la corruption qui a miné la dernière administration et qu'a mise au jour la commission Charbonneau.

«Tant qu'il y aura de l'homme, il y aura de l'hommerie», dit-il. «Mais il faut un bon système de contrôle pour détecter [les problèmes].»

Il faut que des signaux d'alarme se fassent entendre. Que la levée de drapeaux fasse désormais partie de la culture.

Et est-il possible de redresser une telle situation et de tenir l'administration étroitement en laisse en divisant les tâches et en séparant rigoureusement les fonctions du maire et celles du président du comité exécutif? «Le maire est prêt à écouter, il n'est pas rancunier, il est prêt à débattre. On aura nos débats», dit Desrochers.

Mais il est clair, ajoute-t-il, que ni l'un ni l'autre ne veut jamais avoir à dire: «Je ne savais pas.»