À 15h48 hier, j'ai refait le test pour la 37e fois, sidérée par le résultat.

Je suis allée sur Google, j'ai tapé les mots «women need to». «Les femmes doivent». Google s'est alors empressé de terminer ma phrase, grâce à sa fonction autocomplete.

J'ai donc commencé à écrire «les femmes doivent...» et Google m'a proposé:

«Women need to know their place.» - Les femmes doivent savoir rester à leur place.

«Women need to shut up.» - Les femmes doivent se taire, ou encore mieux, se la fermer.

«Women need to grow up.» - Les femmes doivent devenir plus mûres, ou devenir adultes, une expression utilisée pour dire que les femmes se comportent donc comme des enfants.

J'ai aussi essayé l'exercice en français. «Les femmes sont...» Google nous propose «folles». «Les femmes devraient...» Le moteur de recherche ajoute «rester à la maison». «Les femmes ne devraient pas...» «Être comme la lune», disent les algorithmes analytiques du géant informatique. «Ne devraient pas travailler, ne devraient pas voter...»

Je n'invente rien. En espagnol, la recherche propose encore des réponses semblables. «Les femmes ne devraient pas... travailler, ne devraient pas... être prêtres. Les femmes ne peuvent pas... vivre sans les hommes.»

Cela, évidemment, n'est pas du tout un choix éditorial de Google, que j'ai contacté et qui insiste pour dire que c'est un système automatisé. «On cherche à prédire les recherches pour aider les utilisateurs à trouver leurs réponses plus rapidement, a expliqué Leslie Church, du bureau des communications de Google Canada. C'est produit automatiquement, à partir d'un certain nombre de facteurs incluant la popularité des mots cherchés et ce qui existe sur le web.»

Donc, en bref, ces affirmations font tellement souvent l'objet de recherches sur Google et correspondent tellement à ce qui est disponible sur la Toile que le moteur de recherche prédit mathématiquement qu'il y a de bonnes chances que ce soit ce que vous aussi cherchez.

Avez-vous dit déprimant?

À 16h17 hier, je me suis réessayée, incrédule.

«Women cannot», ai-je proposé à Google.

«Women cannot successfully combine both career and home», m'a-t-on suggéré.

***

Ce n'est pas moi qui ai eu l'idée de faire ce test. L'idée vient d'une campagne lancée ce printemps par UN Femmes, l'organisme des Nations unies qui veille à l'égalité des sexes et à l'autonomisation des femmes, et qui a fait l'objet d'une attention virale sur la Toile tout récemment.

La campagne sociétale, conçue par l'agence Ogilvy&Mather à Dubaï, est composée de pubs imprimées, qu'on peut voir sur l'internet, montrant différents visages de femmes dont la bouche est cachée par des captures d'écran de vraies recherches Google (on indique la date, le 9 mars 2013) qui sont absolument bouleversantes.

«Les femmes ne devraient pas voter.»

«Les femmes ne devraient pas travailler.»

«Les femmes doivent être contrôlées.»

Et même... «Les femmes devraient être des esclaves.»

«Quand nous sommes tombés sur ces recherches, nous avons été choqués par le niveau de négativité, et c'est là que nous avons décidé de faire quelque chose avec ça», explique Christopher Hunt, directeur de la création de l'agence de Dubaï, sur le site des Nations unies. «Ce que cela nous dit, c'est de nous réveiller», ajoute Kareem Shuhaibar, qui a aussi travaillé sur le projet.

Ce qui est révélateur, c'est que les recherches ne produisent pas les mêmes résultats partout.

Hier matin, quand j'ai échangé sur le sujet avec une amie qui travaille dans un organisme gouvernemental norvégien veillant à l'égalité des sexes, elle m'a répondu que là-bas, en Scandinavie, réputée très égalitaire, les résultats étaient fort différents.

«Les femmes devraient... ne pas porter de petites culottes» était le premier résultat. Suivi de près par «les femmes devraient... boire plus de chocolat chaud» !

Le concept est tristement révélateur.

Si on tape «les gais sont...», Google propose «les gais sont riches», «les gais sont superficiels», «les gais sont-ils fidèles».

Tapez «les lesbiennes sont...» et autocomplete vous proposera «les lesbiennes... ne sont pas des femmes» et ensuite «pourquoi les lesbiennes sont moches».

Et quoi encore?

«Les hommes ne devraient pas...», ai-je demandé à autocomplete hier à 18h01.

«Les hommes ne devraient pas pleurer», m'a répondu le logiciel.