C'est le genre d'histoire qui nous plonge dans les mêmes zones sombres du cerveau qu'une tragédie grecque, un drame de Shakespeare, une pièce de Wajdi Mouawad.

Un garçon de 12 ans accusé d'avoir tué son frère aîné. Involontairement. Avec une arme à feu appartenant, selon toute vraisemblance, à la famille. Mais gardée illégalement. Avec son passé, son bagage, ses tragédies à elle.

L'horreur se passe dans la maison familiale, dans les banlieues ouest majoritairement anglophones de Montréal.

Une mère, séparée, perd d'un coup deux fils. Celui de 16 ans, tué par un projectile. L'autre, le plus jeune, écroué. Et pour toujours, au-delà de ce que décidera la Justice, loin de son passé et d'une feuille de route qui aurait pu à peu près ressembler, n'eût été probablement un geste de quelques secondes hors champ, hors focus, hors réalité, à celle de ses camarades et des hommes qu'ils deviendront.

L'enfant était accusé de vol à l'étalage? La Justice avait ouvert un dossier? Un tout petit vol, selon les informations recueillies par mon collègue David Santerre. Rien à voir avec la mort.

Que s'est-il passé à Dorval, lundi soir, pendant que Montréal grelottait, transi par ces grands froids de janvier dont on dirait, parfois, qu'ils gèlent même l'espoir?

Un accident? Peut-être. Sans doute... On en saura plus au procès au tribunal de la jeunesse.

Mais quand on manipule une arme illégalement détenue, illégalement chargée - et c'est ce que croient les procureurs -, un accident n'est plus un accident.

C'est là, dit la loi, que l'accident devient homicide involontaire. D'où les accusations portées hier contre le jeune garçon dont on ne peut dire le nom et qui est détenu sous la supervision des centres Batshaw, centres jeunesse anglophones, dans l'Ouest-de-l'Île.

Si le même jeune garçon avait fait le même geste avec une arme de chasse, lors d'une partie de chasse, avec tous les permis nécessaires, l'accident serait resté un accident.

Là, il est aussi accusé de possession d'arme prohibée.

Cette arme de poing n'avait pas d'affaire dans cette maison.

Je parie que les parents l'ont compris. Maintenant.

Espérons que d'autres se réveilleront et se débarrasseront de ces bombes à retardement.

Quelle inutilité dans une vie.

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Pendant que Montréal essayait de comprendre cette nouvelle tragédie, Houston faisait face à une autre fusillade. Encore des armes, encore des blessés, trois, encore de la violence dans une école.

Selon les témoignages recueillis par des médias américains, cette fois c'est un homme, fâché contre un autre, qui a sorti son arme pour tirer. Comme dans un film ou un jeu vidéo.

On dira ce qu'on voudra contre cette terrible NRA, cette National Rifle Association dont la conduite ignoble bloque depuis des années la mise en place d'un meilleur contrôle des armes aux États-Unis, mais elle a raison quand elle dit qu'il faut aussi examiner le rôle joué par l'industrie du divertissement, sa banalisation constante des armes à feu, l'insensibilisation qu'elle répand...

Cela dit, c'est à peu près la seule chose cohérente que dit la NRA.

Sa publicité anti-Obama, lancée il y a cinq jours après l'annonce du plan présidentiel pour renforcer le contrôle des armes - essentiel, surtout après la tuerie de Newtown -, est tout simplement inacceptable. En résumé, l'organisme accuse le président de grande hypocrisie, car il protège ses deux filles avec des gardes armés, mais refuse aux autres Américains le droit de faire garder leurs enfants, dans leurs écoles, par des agents munis de fusils.

Même des conservateurs ont été outrés.

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Ce que montre la tragédie de Dorval et ce que démontrent toutes les tragédies, c'est que pour qu'il y ait eu ces drames, il faut d'abord qu'il y ait eu ces armes. Ne venez pas me dire que les armes blanches peuvent être mortelles, que les accidents de voiture tuent, et je ne sais quel autre argument.

On en sait encore bien peu sur ce qui s'est passé lundi soir à Dorval. Mais se serait-il passé la même chose s'il n'y avait pas eu d'arme de poing dans cette maison? Vraiment?

On ne peut pas empêcher les accidents d'arriver. Et on ne peut pas se comparer aux États-Unis, où l'absence de contrôle des armes est un élément qui s'ajoute à toute une culture de fusils, très différente de la nôtre, pour expliquer qu'il y arrive encore des événements comme ce qui s'est passé hier à Houston.

Mais ce que l'on peut faire, c'est continuer à militer pour l'enregistrement des armes à feu et pour des mesures conviviales visant à convaincre aisément ceux qui possèdent de vieilles armes, ne savent quoi en faire, ont peur de ce qui leur arrivera s'ils en dévoilent l'existence, de s'en débarrasser en toute sécurité.