Il y a belle lurette que j'ai cessé d'acheter du boeuf haché au supermarché.

Plusieurs années.

Je ne me rappelle plus quand exactement j'ai pris cette décision. Par contre, je me rappelle très bien pourquoi: je venais d'apprendre que la fameuse bactérie à éradiquer par une cuisson totale et intégrale de la viande hachée, celle de la «maladie du hamburger», provenait d'excréments de bovins.

Oui. S'il faut manger nos hamburgers cuits en semelle de botte, c'est parce qu'il y a peut-être un peu de caca dedans.

Pas beaucoup, évidemment. On parle de bactéries.

Mais un peu, quand même.

La fameuse bactérie E. coli, la bête microscopique qui rend malade et peut même tuer, est un coliforme fécal. Une créature qui prolifère dans les intestins des bovins.

Si on en trouve dans la viande hachée, c'est parce que la surface de la viande, avant d'être passée à la moulinette, entre en contact avec le contenu des entrailles des animaux. Cela se passe au moment de l'abattage et du débitage de l'animal.

Évidemment, il y a des dizaines et des dizaines de règles et de méthodes à respecter pour que le contact soit aussi limité que possible. Pour qu'on ne s'empoisonne pas tous les jours.

Mais voilà.

Ce n'est pas parfait.

C'est pourquoi on nous répète sans cesse de bien cuire la viande hachée d'un bord à l'autre (contrairement à la viande en pièce, qu'il suffit de bien faire griller à l'extérieur, où pourraient se trouver des bactéries). Et c'est pourquoi il y a des rappels comme celui que l'on est en train de vivre. Le plus important de l'histoire du pays.

Je ne suis pas devenue végétarienne après avoir appris tout ça sur l'E. coli, mais j'ai arrêté d'acheter de la viande au supermarché. Et j'ai commencé à chercher d'autres façons de me procurer de la viande. J'ai notamment trouvé un microproducteur qui me fournit en agneau, en volailles, en chevreau. Chaque fois, presque, il me raconte ses peines à trouver un abattoir capable de faire le boulot comme il faut, avec toutes les certifications obligatoires, sans que cela lui coûte les yeux de la tête et rende le prix final prohibitif.

Abattre lui-même ses animaux à la ferme? Même un poulet? Interdit.

On peut comprendre pourquoi il en est ainsi. On a voulu, il y a quelques décennies, mettre de l'ordre dans la boucherie. Comme pour tant d'autres procédés liés à l'alimentation, on a décidé de faire le ménage. De mettre ça propre. Et c'est tant mieux, dans bien des cas. Qui a envie de cheveux dans sa soupe, d'aliments qui ont passé trop de temps hors du frigo, de manger des animaux dont on ne connaît pas les antécédents médicaux?

Sauf que ce que montre ce rappel massif, c'est que ce surcontrôle n'a pas du tout mené à un monde idéal et sûr.

Je fais maintenant beaucoup plus confiance aux individus que je connais, qui me fournissent ma viande et mes légumes, même si leur échoppe n'est pas désinfectée huit fois par jour, qu'aux industriels qui nous vendent des produits passés en théorie par mille étapes pour vérifier leur supposée innocuité.

Je ne crois pas que les petits soient à l'abri de toutes les bactéries. Mais le modèle extrême inverse, avec ses éleveurs géants, ses abattoirs géants, ses réseaux de distribution géants, n'offre pas non plus une solution efficace. C'est sa force d'inertie qui est trop puissante. La crise actuelle le montre bien. Il s'est passé plus de trois semaines entre la découverte de viande contaminée par des inspecteurs américains à la frontière et la décision de l'Agence canadienne d'inspection des aliments de suspendre les activités de l'usine de transformation au centre du scandale, XL Foods.

Vous ne trouvez pas que c'est beaucoup de temps? Surtout que les rappels de produits ont aussi tardé.

Beaucoup de temps pour que la viande fasse son chemin dans nos épiceries, nos sauces à la viande, nos boulettes... Il y a belle lurette que j'ai cessé d'acheter de la viande au supermarché, mais on a beau vouloir éviter totalement de tels produits, on finit toujours par en trouver sur son chemin, dans son assiette.

Que faire pour ne pas courir de risque? Devenir végétarien? Ou être végétarien à temps partiel, un nouveau modèle populaire en Californie, c'est-à-dire végétarien tout le temps sauf quand on est devant de la viande dont on sait précisément d'où elle vient et si elle est sûre?

J'y pense.