Vous vous rappelez les casseroles? La casse? Les gaz lacrymogènes? Les bouchons, pratiquement tous les jours, quelque part près du bureau ou dans la rue d'à côté?

On a l'impression que tout cela fait si longtemps. Pourtant, c'était hier, notre printemps déchaîné. Il y a à peine deux mois.

Mais l'été nous a amenés ailleurs.

Léo Bureau-Blouin, leader étudiant porte-parole des cégépiens, omniprésent à la télé en avril, mai, juin, a pris le chemin pavé de la démocratie en se présentant pour le Parti québécois dans Laval-des-Rapides. Gabriel Nadeau-Dubois, visage des plus radicaux, a carrément démissionné. Pour laisser la place à d'autres, a-t-il dit. Ou peut-être parce qu'il voyait bien, lui le premier, que le mouvement tel qu'on l'a connu à Victoriaville, au Palais des congrès, sur la place Émilie-Gamelin, tous les soirs pendant tant de semaines, était en train de changer.

Aujourd'hui, les étudiants rentrent à l'école.

Le mouvement de grève est en train de prendre fin.

Un peu ni vu ni connu.

Un peu victorieux, aussi, malgré les apparences.

La campagne électorale, déclenchée par un premier ministre qui croyait tirer parti de la polarisation enclenchée par la rébellion étudiante, est en train de donner raison aux jeunes.

Les libéraux de Jean Charest traînent la patte dans les sondages. Se retranchent dans des positions absurdes pour ne pas heurter, notamment, leurs partisans qui apparemment comptent plus de grenouilles de bénitiers xénophobes qu'on aurait pu le croire. (Je me demande d'ailleurs ce que les électeurs du Parti libéral de Hampstead et de Côte-Saint-Luc pensent du refus de M. Charest de condamner les propos du maire de Saguenay...)

Si la tendance se maintient, donc, le Parti québécois pourrait très bien être élu, ce qui signifierait la victoire de la position des étudiants dans le débat sur la hausse des droits puisque ce parti a promis de geler les tarifs universitaires.

Partie de la rue, la démarche démocratique aura pris un chemin un peu plus complexe que d'habitude, avec des manifestations de toutes sortes et de la répression policière, ce à quoi on n'est pas habitués ici au Québec. Mais personne ne pourra remettre en question la légitimité d'un éventuel gel. Des élections, c'est quand même le processus ultime.

On pourra ensuite discuter jusqu'à la fin des temps, avec le recul, du rôle joué par la cause étudiante dans ces élections.

Si les libéraux perdent, le 4 septembre, ce sera aussi pour bien d'autres raisons, en commençant par le simple et très sain réflexe démocratique de l'alternance.

Il reste que le mouvement étudiant a polarisé, réveillé, brassé, choqué, fouetté.

Comme le dit Jacques Parizeau dans sa préface du nouveau livre du photographe du Devoir Jacques Nadeau sur le printemps 2012, on a vu un visage de la jeunesse vivant remplie d'une énergie insoupçonnée, j'ajouterais, contagieuse. D'un côté et de l'autre du débat, plus personne n'était indifférent, détaché.

Si la Coalition avenir Québec (CAQ) gagne les élections ou si le Parti libéral reprend le pouvoir, la situation sera pas mal plus imprévisible.

Les deux partis sont pour les hausses. La CAQ a même voté en faveur de la loi spéciale.

Les étudiants reprendraient-ils alors le flambeau? Ou se tairaient-ils, prenant acte du verdict populaire.

Les paris sont ouverts.

Moi, j'ai de la difficulté à croire qu'ils ont tout dit et le sentiment que ce retour en classe aux allures sereines se fait essentiellement sur fond d'une certaine assurance que les libéraux ne s'en vont pas vers une victoire.

Mais je suis peut-être dans le champ. Et puis ce mouvement nous a surpris depuis le tout début. Qui peut prédire la suite?