Il y avait près de 11 000 athlètes aux Jeux olympiques de Londres. Parmi eux, une vingtaine ont décidé de ne pas rentrer chez eux, surtout des ressortissants de différents pays africains: Cameroun, Côte d'Ivoire, Guinée, notamment. Cela signifie que pour chaque millier d'athlètes invités, environ deux ont fait faux bond et ont préféré profiter de l'occasion pour, peut-être, faire leur vie ailleurs.

À Montréal, on organise un tournoi international de soccer de plage avec huit équipes d'une dizaine de personnes - des gars et des filles du Brésil, du Mexique, de l'Italie, du Maroc, du Canada et des États-Unis -, et Immigration Canada en bloque une au complet, celle du Maroc, parce que, semble-t-il, ces 10 personnes n'ont pas rempli les critères d'admission.

Immigration Canada ne veut pas dire où exactement la demande de visa s'est coincée. Mais les organisateurs du tournoi ont compris que ces ressortissants marocains n'avaient pas convaincu les autorités canadiennes qu'ils ne resteraient pas ici après la compétition.

Et pourtant.

Il n'était pas nécessaire d'agir de cette façon et de gâcher ce tournoi international qui a lieu ce week-end à Montréal, chers mesdames et messieurs les fonctionnaires à Ottawa qui avez eu cette formidable idée!

Pour prévenir toute défection, il suffisait de leur faire écouter en boucle les propos du maire de Saguenay, Jean Tremblay. Et de leur faire voir l'étendue des appuis qu'il reçoit - notamment d'un candidat libéral - dans sa région avec ses déclarations horripilantes sur les étrangers dont il dit ne même pas être capable de prononcer le nom. Avec un petit effort, si on le lui avait demandé, M. Tremblay aurait peut-être même préparé un message personnalisé pour ces joueurs marocains, histoire de les faire fuir à jamais...

Vous auriez pu aussi, chers fonctionnaires, convier ces joueurs à une petite visite de l'échangeur Turcot - le dessus et le dessous -, les emmener ensuite manger de la poutine hawaïenne, tout en leur offrant en souvenir une liste des meilleures musiques québécoises compilée par MC Gilles.

Belgazou, ça vous dit quelque chose?

Il fallait être créatif. Les encourager gentiment à repartir de leur propre gré.

Trêve de plaisanterie. Refuser un visa à des étrangers invités ici pour leur excellence dans leur domaine ne peut qu'avoir l'air brutal et présomptueux. Était-ce vraiment nécessaire?

Est-ce vraiment nécessaire de décourager les jeunes, de décourager les organisateurs d'événements au vaste rayonnement, est-ce nécessaire de projeter à l'étranger l'image d'un pays qui craint les autres et se trouve tellement meilleur et formidable qu'on ne peut que vouloir y rester?

Il y a quelques années, chers fonctionnaires, vous aviez aussi interdit l'entrée au Canada à un chef mexicain, Enrique Olvera, qui devait venir à Montréal pour cuisiner chez Raza pendant le festival Montréal en lumière.

Deux ans plus tard, je suis toujours aussi choquée par cette décision. Chef du Pujol, à Mexico, M. Olvera est de tous les circuits gastronomiques. Je l'ai depuis croisé à Londres, à Copenhague... Son restaurant est le numéro 36 sur la fameuse liste des 50 meilleurs du monde, qui ne compte, en passant, aucun restaurant canadien. Mais non, à Ottawa, on n'était pas certain que M. Olvera méritait de venir ici... Une aberration.

Chers fonctionnaires, comment voulez-vous qu'on croie à la justesse de vos décisions, maintenant, quand vous choisissez ainsi, sans transparence en plus, de gâcher un autre événement international?

Et combien on parie que dans quelques années, quand ces jeunes joueurs de soccer auront avancé dans leur carrière - et qu'ils auront peut-être été repêchés dans des pays où leur talent sera valorisé, voire cher payé -, on se rappellera la non-venue à Montréal de celui-ci ou de celui-là pour cause de zèle bureaucratique...

Et encore bravo...