Quand j'ai vu la nouvelle dans Le Soleil, je me suis étouffée dans mon café.

«Élections: les garderies à 7$ seraient menacées», disait le titre du papier.

Le Parti libéral songe à augmenter les frais des services de garde publics en les indexant, poursuivait l'article - ouf! au moins on ne pense pas abolir le programme -, et on en saura plus en campagne électorale.

Appels ici et là. Est-ce vrai, est-ce vrai? Où en est-on?

«Allô», m'a-t-on gentiment répondu, grosso modo. L'indexation des frais a déjà été entérinée en congrès par le PLQ, en octobre dernier, et le ministre des Finances, Raymond Bachand, a déjà dit qu'il approuvait le principe de la hausse. Et en plus, si on calcule ce que cela signifie comme augmentation, une indexation à l'inflation nous mène à moins de 8$ par jour dans quatre ans. Pour la surprise, il faudra repasser.

O.K., je veux bien.

Mais ce que j'ai entendu aussi, c'est que les libéraux pensent à indexer en partant du moment où le tarif a été augmenté à 7$, soit en 2004. Cela permettrait à la contribution parentale de passer de 15% à 20% du budget total du programme. On parlerait alors de frais de 10$ par jour.

Donc, voilà où on en est vraiment: devant un enjeu électoral monstre.

Le Parti québécois est opposé à une telle hausse et veut tout geler à 7$. La Coalition avenir Québec, elle, n'est jamais contre les dégels par principe, mais se réserve le droit de le faire différemment du PLQ.

S'en va-t-on en campagne vers un match en double sur les droits de scolarité et les frais de garderie? Deux batailles pour le prix d'une? Ou de trois... Imaginez si, en plus des étudiants, on avait maintenant les jeunes parents dans la rue avec bébés, poussettes, hochets, purées roses, vertes et orange... Pouvez-vous imaginer ça à la télé tous les soirs, un bambin joufflu qui implore les politiques de lui laisser la chance d'être avec de bons gardiens pendant que papa et maman travaillent?

Je veux bien qu'il y ait toutes sortes de raisons de vouloir apporter des corrections au financement de notre système de garderies, mais n'a-t-on pas assez d'une bataille hautement émotionnelle en ce moment?

Celle des droits de scolarité n'est pas réglée, à ce que je sache.

Le Québec n'est-il pas suffisamment secoué, étripé, par l'affrontement entre les partisans de la tarification des services et les partisans du financement des programmes par redistribution?

L'idée d'augmenter les frais de service de garde, en suivant l'inflation, n'est pas mauvaise en soi. Ce programme joue un trop grand rôle social et économique pour qu'on le mette en péril en refusant toutes mesures financières raisonnables. Une hausse indexée ressemblerait à une quarantaine de dollars par année. Ce n'est pas la fin du monde. Surtout que les partisans d'un dégel, si j'ai bien compris, seraient prêts à mettre en place des mesures pour aider financièrement ceux qui n'ont pas les revenus suffisants pour se permettre une telle nouvelle dépense.

Ce qui est difficilement imaginable, c'est le nouveau plongeon vers la polarisation. Surtout qu'il y a fort à parier qu'une fois enflammée par la partisanerie, la discussion évitera le débat de fond sur la pérennité de ce système. Un système crucial, mais qui coûte cher.

Une étude publiée l'an dernier par une équipe incluant entre autres l'économiste Pierre Fortin, de l'UQAM, affirme que le réseau des centres de la petite enfance, par son impact sur la participation des mères au marché du travail et donc sur les revenus fiscaux des gouvernements, s'autofinance largement, indirectement.

Ces résultats ont récemment été remis en cause par un professeur de finances internationales de HEC Montréal, François Leroux, qui dit que c'est faux. Même s'il se dit personnellement en faveur d'un investissement collectif dans les services de garde, M. Leroux croit qu'on ne peut tout simplement pas affirmer que ce programme ne coûte pas plus cher qu'il ne rapporte. Selon lui, «intuitivement», même une augmentation à 10$ ne serait pas suffisante pour rééquilibrer le tout.

M. Leroux se dit totalement non partisan et tout simplement pro-réalité. «Je ne veux pas de fausses pistes», affirme-t-il.

Qui dit vrai? J'aimerais bien que les fonctionnaires du Conseil du Trésor nous en parlent. Que des vérificateurs nous éclairent. Que d'autres économistes se lancent dans le débat.

On aurait ainsi des débuts de réponses.

Oui, un début.

Car ce programme de garderies, ce n'est pas qu'un poste de dépenses dans la vie des familles. Ce n'est pas uniquement une question d'argent. C'est le sourire de la travailleuse du service de garde dont on sait qu'elle sera toujours là, c'est le repas fourni, ce sont les activités éducatives qui permettent aux enfants de milieux défavorisés de mieux se préparer à l'école.

Il ne faut pas avoir cherché souvent de gardienne dans sa vie pour dire, comme les chercheurs du C.D. Howe Institute - eux aussi ont publié une étude récemment -, que la meilleure option pour réformer le système actuel, ce n'est ni l'allocation familiale augmentée ni une hausse des tarifs des CPE, mais plutôt la fin des subventions directes aux services de garde et l'élargissement des crédits d'impôt. Une telle mesure «permettrait une plus grande efficacité de choix», notent les auteurs de l'avis.

Le succès du programme de services de garde québécois est largement lié à ses bas tarifs, on s'entend. Mais si on l'apprécie autant, c'est aussi parce qu'il offre une réponse clés en main, une réponse approuvée, sûre, rassurante, efficace, fiable, aux jeunes parents qui veulent le mieux pour leur famille.

Et ça aussi, il faut que cela fasse partie du calcul, même si ça n'a pas de prix.