La soirée ressemble à la fois aux défilés de haute couture parisiens et aux Oscars.

D'abord, dans une même salle, à Londres, façon Hollywood, sont réunis plusieurs dizaines des meilleurs chefs de partout, prêts à entendre qui récoltera cette année l'honneur d'être sacré numéro 1 ou 4 ou 17 de la fameuse liste des 50 meilleurs restaurants du monde publiée par le magazine britannique Restaurant.

Mais ensuite, comme pour les défilés parisiens, on est ici avec des créateurs de pointe dont les oeuvres, chères, rares, puisqu'il est parfois très difficile d'avoir une réservation dans ces établissements, sont accessibles à peu de gens.

Toutefois, année après année, le palmarès continue de fasciner.

Au Guildhall de Londres, hier soir, les caméras de télé partout et la meute de journalistes donnaient le ton.

La cause de la frénésie? L'aspect compétitif, évidemment. Mais aussi parce que, comme pour les défilés parisiens, la cuisine des chefs présents est celle qui fait avancer tout le reste. On est en présence de ceux qui font évoluer la cuisine, qui inventent, qui rénovent, qui entraînent avec eux, dans la nouveauté et dans leurs réflexions autant écologiques ou économiques qu'esthétiques, les chefs du monde entier. «Nous sommes là pour cuisiner, mais aussi pour embaucher, former, mentorer», a d'ailleurs rappelé Thomas Keller, du restaurant californien French Laundry, gagnant du prix hommage pour l'ensemble de son oeuvre.

Cette année, le meilleur restaurant du monde est, pour la troisième année consécutive, Noma, du chef danois René Redzepi. Sa cuisine n'est comme aucune autre. Par souci culturel, écologique et historique, le cuisinier de Copenhague n'utilise que des ingrédients nordiques. On oublie les agrumes, la vanille, le poivre... Place aux produits sauvages du Nord, aux fruits de mer, aux herbes, à la peau de lait et aux crevettes vivantes. Sa créativité est tellement inspirante pour les autres chefs que plusieurs autres Scandinaves empruntant ce chemin se sont aussi fait une place dans la fameuse liste.

En fait, ce qui frappe maintenant année après année, c'est que même si les Français et les Italiens sont bien représentés, les chefs issus de cultures à l'extérieur des sentiers traditionnels de la gastronomie font leur place. Et il n'est pas du tout nécessaire d'être une super grande table étoilée Michelin pour être dans la liste non plus. Momofuku, bar à nouilles new-yorkais, y figure. On y trouve aussi des Péruviens, des Mexicains, des Néerlandais...

Les Canadiens? Ils ne sont toujours pas au rendez-vous. Dommage. Par faute de buzz plus qu'autre chose, probablement.

Les «meilleurs» restaurants sont en effet choisis par sondage par une académie (dont je fais partie) de 837 chefs, restaurateurs et journalistes. On nous envoie un formulaire à l'automne, et il faut choisir les 7 meilleures tables où on a mangé depuis 18 mois, dont au moins 3 doivent être situées dans sa propre région. Pour figurer dans la liste, il faut donc l'appui de membres du jury locaux, mais aussi internationaux.

La question qui se pose, en regardant cette liste, est donc celle du buzz international autour des restaurants montréalais auprès des journalistes et chefs internationaux. Y en a-t-il assez? Et surtout, comment le générer? Les chefs d'ici doivent-ils mieux s'intégrer aux réseaux de camaraderie entre chefs de partout dans le monde? La ville et la province doivent-elles mieux aider les restaurants d'ici à participer à des activités internationales? Doivent-ils inviter les journalistes étrangers à venir essayer les restaurants montréalais et québécois?

Le jeu en vaut-il la chandelle ou l'investissement?

Hier, pour marquer le 10e anniversaire de la fameuse liste, plusieurs chefs, de Thomas Keller à Ferran Adrià - le grand chef avant-gardiste catalan - ont expliqué que la place de leur restaurant dans la fameuse liste avait eu un impact essentiel sur leur travail, sur leur établissement. Dans le cas de Noma, la consécration a carrément eu un effet sur toute la gastronomie danoise. Voire scandinave.

Noma est devenu un aimant attirant les touristes et les professionnels vers Copenhague. N'est-il pas temps de faire le nécessaire pour que Montréal aussi soit aux côtés de tous ces gens?