Si votre fille de 12 ans et trois quarts parle uniquement du groupe de musique pop One Direction, et quand je dis «uniquement», je veux dire sept jours par semaine, à toute heure du jour, avec ses amies et ses parents même si ceux-ci ne sont plus particulièrement intéressés au bout de quelques heures de soliloque sur la coupe de cheveux de l'un des chanteurs ou son intérêt pour les bretelles, les chatons ou les carottes, si votre vie est comme ça, donc, sachez que vous n'êtes pas seuls.

Je tenais à vous le dire parce que je me suis rendu compte cette semaine, en échangeant avec une collègue, qu'on est tous là, chacun de notre côté, à constater l'obsession en se demandant si on est encore dans les normes, alors qu'en fait, c'est apparemment et justement la norme par les temps qui courent.

Le Tout-Montréal féminin entre 12 et 14 ans et deux tiers est tombé dans la marmite du nouveau groupe One Direction et y patauge à souhait. Surtout que le groupe formé de cinq beaux jeunes garçons, quatre Britanniques et un Irlandais, est attendu à Montréal mardi de la semaine prochaine, le 27 mars, pour une apparition à MusiquePlus.

La frénésie est en pleine ébullition.

La chaîne est déjà en train de parler aux autorités pour voir comment on encadrera la foule dans la rue Sainte-Catherine.

On peut déjà dire que ça n'aura rien à voir avec les brutaux contre la brutalité policière, ni avec les étudiants en grève. Pas du tout le même groupe d'âge, pour commencer.

Mais pour l'énergie qui sera exprimée en cris et en oh! et en ha! et les possibles mouvements de masse si un gars ou un autre ou les cinq décidaient de prendre un bain de foule, l'événement sera tout sauf banal.

Les filles ne pensent qu'à ça.

Bien des jeunes gars apprécient aussi leur musique et on peut aisément surprendre les parents en train de fredonner les airs les plus connus - «you don't know, oh oh, you don't know you're beautiful!» - comme on les a entendus chanter du Justin Bieber - «baby baby baby ohhh!» - même si les airs de One Direction ne sont pas exactement là pour concurrencer Tom Waits ou Radiohead.

Mais pour la folie, le délire, le «regarde maman tous ces mots me font penser à eux» et que s'ensuit la publication d'une liste de termes allant de leprechaun à jeans rouges en passant par pigeons et Toys Story, c'est du côté des jeunes filles que ça se passe.

Rien de nouveau quand on a connu les Justin Bieber, Backstreet Boys et autres New Kids on the Block?

Les «directioners», puisque c'est ainsi que s'appellent les fans finis, sont particulièrement passionnés.

Selon des patrons de MuchMusic cités lors du passage des cinq gars à Toronto le mois dernier, la folie ne se comparait pas à celle générée par Bieber à ses débuts. La dernière fois qu'on a vu autant de fans se présenter aux portes du studio lors du passage d'un groupe, c'était pour les Spice Girls, dans les années 90, quand elles étaient au sommet de leur popularité.

Le phénomène a quelque chose d'exceptionnel, propulsé par l'internet et les réseaux sociaux, évidemment, où la passion des fans et la surenchère a tout l'espace qu'il faut pour exploser.

À Belfast, un politicien social-démocrate, expliquant qu'il parlait au nom des parents de jeunes fans, a même demandé publiquement à l'équivalent de l'Office de protection des consommateurs de surveiller la revente des billets, qui s'envolent en quelques secondes, pour réapparaître sur les marchés secondaires, à des prix faramineux.

Pour les parents, mis à part la gestion parfois difficile de cet amour fou - le groupe, par exemple, arrivera la semaine prochaine en ville en plein jour de classe et toutes les jeunes fans veulent faire l'école buissonnière - l'avantage de One Direction c'est qu'on a affaire à des gars tout à fait proprets dont les chansons véhiculent des messages pas inintéressants pour les jeunes. Difficile, par exemple, de s'insurger contre des chanteurs qui vantent la beauté d'une fille qui croit qu'elle ne l'est pas et qui n'utilisent aucun vocabulaire grossier. Rafraîchissant aussi après des années de tubes signés Ke$ha ou Rihanna où l'hypersexualisation est jouée à fond, de voir des gamins aux airs de «preppy», fraîchement repassés.

Je ne dis pas que je ne veux plus de Lady Gaga ni d'Eminem ni de rien qui érafle ou dérange ou qui est tatoué ou mal rasé. Juste que tout parent d'ado apprécie une petite pause à l'eau de rose, parfois, pour reprendre son souffle avant la prochaine gestion de crise. Après tout, personne n'aime expliquer à sa fille pourquoi elle ne peut pas aller à l'école habillée comme Nicki Minaj...

Bref, si vous vous retrouvez coincé dans un bouchon monstre le 27 mars, près des studios de MusiquePlus, dites-vous que c'est pour cinq chanteurs que les filles aiment sûrement un peu trop, mais qui, aux dernières nouvelles en tout cas, ne sont pas de mauvais garçons. Et puis, «it's gotta be youuuuu! Only youuuuu!»