Quand Projet Montréal, parti le plus écolo de la métropole, a fait élire plusieurs maires d'arrondissement et un nombre record de conseillers aux dernières élections municipales, on s'est tous tournés vers ses élus pour attendre de nouveaux et audacieux programmes pro-environnement.

Mais pendant que tous les journalistes faisaient le pied de grue à la porte de la mairie du Plateau ou d'Ahuntsic pour voir arriver les grands changements urbains bien verts, un autre arrondissement adoptait toutes sortes de mesures progressistes, loin des projecteurs: Rosemont-La Petite-Patrie (RPP), celui du maire François Croteau, élu sous la bannière de Vision Montréal, parti de Louise Harel.

Agriculture urbaine, circulation, piétonnisation, verdissement... Depuis deux ans, le maire n'a pas arrêté.

Si bien que sa décision, annoncée la semaine dernière, de changer de parti pour se joindre aux troupes du parti de Richard Bergeron, monsieur Transports en commun, n'a surpris personne.

On s'est plutôt demandé pourquoi il ne l'avait pas fait avant.

Rencontré hier dans un café de la rue Masson, Croteau défend simplement sa décision de quitter son ancienne équipe. «Ça ne marchait pas, je ne pouvais pas fonctionner dans ce parti-là», dit-il.

Vision cherche des moyens pour prendre le pouvoir. Projet a des idées sur ce que Montréal devrait être. «Je ne dis pas qu'un est meilleur que l'autre. Juste que moi, ça ne me convenait pas.» L'idée de Vision de diminuer le nombre d'élus, par exemple, est selon lui d'abord et avant tout pragmatique pour séduire l'électorat. Remplacer des élus par du personnel administratif qui coûte deux fois plus cher est un thème «punché», mais pas nécessairement efficace. «Toronto a deux fois moins d'élus, mais, pour le travail équivalent, cela coûte plus que le double des 8 millions que cela coûte à Montréal.» Et 8 millions en salaires pour des élus, sur un budget de 4 milliards, cela ne lui semble pas disproportionné.

L'ancien militant péquiste avait suivi Louise Harel car il voyait en elle une candidate crédible pour défaire Gérald Tremblay. Aujourd'hui, le gars de Terrebonne qui fait un doctorat en études urbaines, après un MBA, un baccalauréat en histoire et un certificat en sociologie, veut surtout mettre de l'avant de façon pratique ses idées sur ce qu'une ville comme Montréal devrait être. La politique politicienne l'intéresse peu. La réflexion oui. Intellectuel, le maire? Pourquoi pas?

«Moi, je veux régler des problèmes au quotidien, dit-il, répondre aux citoyens.» Le match de l'hôtel de ville ne lui plaît pas. Mais aux rencontres du conseil d'arrondissement, qui ont lieu tous les premiers lundis du mois, il se penche sur toutes les questions des résidants, y compris les «claques sur la gueule». On peut même lui envoyer une question par courriel et il y répond sur une webcam, pour tous, puisque les réunions sont diffusées en ligne, en direct. Il espère qu'un jour, le dialogue avec le citoyen se fera même de façon bidirectionnelle sur l'internet, à la Skype.

Évidemment, difficile de parler de François Croteau sans parler du fiasco de la tentative de piétonnisation de la rue Masson, à laquelle les commerçants se sont opposés, et qui a été une dure leçon pour le maire. «On s'y est mal pris», dit-il. Il n'y a pas eu de construction adéquate de consensus ou, du moins, d'une approbation majoritaire. Le maire a eu l'impression qu'on était d'accord en parlant séparément aux personnes concernées, sans voir le portrait complet de la situation.

Mais plusieurs des mesures pro-environnement sont passées et innovent.

Par exemple, un règlement a été adopté pour interdire l'asphaltage ou le béton partout autour des bâtiments. Qu'on rénove ou qu'on construise du neuf, il faut que 20% du terrain soit vert. Impossible? On compense sur le toit. Et pour le reste, on veut du réfléchissant et du poreux. Les belles allées de garage tout en asphalte noir, comme dans les années 60, c'est fini. Cela emmagasine la chaleur. Et l'eau de pluie y ruisselle pour aller surcharger les égouts. Même Stationnement Montréal a peint le sol de ses parkings en gris pâle.

RPP ressemblera bientôt à Seattle ou San Francisco où, depuis des années, on encourage le grand retour aux sols absorbants et à leur rafraîchissante humidité.

Autre mesure pour encourager la lutte contre les hautes températures inconfortables, voire médicalement dangereuses: tous les nouveaux toits doivent être blancs, qu'ils soient carrément neufs ou rénovés.

Le maire a aussi fait de l'agriculture urbaine un de ses sujets privilégiés et le seul arrondissement qui a eu le front d'ouvrir officiellement la porte aux poules, c'est RPP, avec un petit projet-pilote dans la cour d'un organisme d'aide aux enfants. Pour le moment, explique M. Croteau, il n'est pas question de les permettre partout, mais si un autre groupe communautaire en fait la demande, elle sera bien accueillie.

Bref, le maire brasse la cage. Il pense à la tarification des poubelles, à des mesures pour empêcher le contournement des règlements sur la construction de logements sociaux. Lundi soir, il a même mis en marche un processus pour interdire l'ouverture de nouveaux commerces d'animaux de compagnie, une mesure nécessaire, dit-il, pour mieux contrôler le nombre grandissant de bêtes abandonnées à euthanasier: 35 000 par année, seulement dans l'arrondissement

«Moi, la conscientisation, dit-il, je commence à en être un peu tanné. Si on n'a pas de contrainte, pourquoi on changerait nos habitudes?»