Dimanche matin dernier, pendant qu'on était nombreux à siroter notre cappuccino en lisant notre Presse du week-end, les deux pieds sur la bavette du poêle, Alexander Norris, conseiller de Projet Montréal sur le Plateau, est parti à la rencontre de Michael Ignatieff. Le chef libéral faisait campagne chez les hipsters du Mile-End. Quelque part entre St-Viateur Bagel et le café Olimpico, Alex a arrêté le chef pour lui demander de front, comme à l'époque où il était journaliste: «Et puis, le transport collectif, vous vous engagez?»

Au Québec, on a tendance à trouver bien lointains les enjeux de la campagne électorale fédérale, mais en réalité les dossiers qui touchent directement nos collectivités ont souvent des liens immédiats avec Ottawa.

Des subventions d'Industrie Canada pour le chauffage collectif aux investissements dans les infrastructures de transport, Ottawa est un peu partout. Et nous devrions être plus nombreux, comme Alex, à poser des questions aux candidats.

Le parti de Richard Bergeron a fait ressortir certains enjeux, cette semaine, en présentant une liste de demandes aux partis. Demandes qui vont du très global - «l'élaboration et mise en oeuvre d'une politique de développement des trois métropoles canadiennes que sont Montréal, Toronto et Vancouver» - au plus spécifique. Projet Montréal désire en effet une étude de faisabilité pour un tramway allant du centre-ville à Longueuil et passant par le pont Victoria.

Selon Alexandre Turgeon, président de l'organisme Vivre en ville, les transports en commun sont l'un des grands axes par lesquels Ottawa peut influer sur la qualité de la vie urbaine en 2011.

Ce sont en effet les projets de transports en commun qui permettent de créer des quartiers verts, d'éliminer les terrains de stationnement gris et déprimants, d'alléger l'air ambiant des émanations des voitures... Diminuer le nombre de voitures en permettant aux gens de vivre facilement à pied ou en vélo change notre train-train quotidien et notre relation avec nos voisins, notre communauté. Et après les déchets et la criminalité, dans une ville, ce qui est désagréable, c'est souvent tout ce qui est lié à la voiture et aux camions: voies rapides, garages et stationnements, bouchons, carrefours congestionnés, rues géantes impossibles à traverser...

Évidemment, il faut financer les grands projets nouveaux de transports collectifs. Mais pour ça, M. Turgeon a une idée: en éliminant les subventions fédérales aux pétrolières. «À 107$ le baril, demande-t-il, en ont-elles vraiment besoin?»

Autre façon de financer le tout: Ottawa pourrait exiger que le remboursement de TPS auquel ont droit les municipalités soit consacré aux projets de transports collectifs.

À Montréal, le réseau de transports en commun pourrait être drôlement amélioré, en commençant - si on veut rester dans la sphère fédérale - par un meilleur lien entre l'aéroport et le centre-ville. Sachant l'impact qu'ont le tourisme et la venue de visiteurs d'affaires dans la ville, notamment pour sa vitalité commerciale et culturelle, une telle liaison devrait être prioritaire.

Sinon, tout le réseau de transports en commun a besoin d'aide, que ce soit pour son rayonnement régional - pensons aux ponts débordés - ou local. Plusieurs nouveaux quartiers verts, comme celui de l'ancien hippodrome ou de Petite-Rivière, par exemple, auraient besoin d'être desservis. Idée folle, qui réduirait peut-être le nombre d'accidents causés par des textos au volant: pouvoir se servir du cellulaire dans le métro?

L'autre grand dossier dont Ottawa doit se mêler est évidemment celui du pont Champlain, à réparer et à remplacer. Peut-on demander aux partis fédéraux de s'engager à ce que le pont n'augmente pas de capacité totale pour les voitures et camions et qu'il cherche plutôt à être plus efficace pour laisser passer les transports en commun? Huit voies, comme on a entendu dire le mois dernier, c'est trop. Même s'il y a de l'espace pour les autobus là-dedans, élargir le pont a quelque chose d'absurde, en 2011. Ça fait penser aux Hummer hybrides... Pourquoi ne ferait-on pas un pont à deux niveaux, bien séparés, avec un étage pour un train électrique, une piste cyclable et, pourquoi pas, une voie piétonne gazonnée où on pourrait faire des pique-niques suspendus au-dessus du fleuve en contemplant la ville au loin?

Le nouveau pont doit être pensé pour 10, 20, 50 ans, quand le pétrole coûtera plus cher que jamais vu la diminution des réserves et qu'il faudra de la place non pas pour les voitures, mais pour des moyens de transport de masse carburant à l'énergie renouvelable.

À une tout autre échelle, on pourrait aussi demander à Ottawa de mieux s'occuper du canal de Lachine, qui relève de sa compétence.

Si un candidat prenait vraiment le temps de vivre à Montréal, il serait sûrement d'accord avec moi: le canal devrait poursuivre - avec le Vieux-Port - la leçon qu'il donne à Montréal pour l'ouverture aux activités mixtes. De la cuisine de rue? On en veut plus. Et pourquoi - je me répète, je sais, mais c'est le temps où jamais de le redire - ne pas déneiger la piste cyclable en hiver pour les marcheurs, joggers et cyclistes? Et faire une piste de ski de fond? Et une patinoire, comme sur le canal Rideau?

Personnellement, je trouve aussi que le Vieux-Port a besoin d'être un peu décoincé, notamment pour qu'on puisse aller plus près de l'eau. Les transports en commun sur le fleuve pourraient aussi être accrus.

Enfin, pour aider Montréal - et Québec tant qu'à y être -, peut-on arrêter de tergiverser avec le TGV vers Windsor ou New York? Il est assez évident que l'avenir est au transport rapide non énergivore? Peut-on investir un peu? Peut-on accepter l'idée de prendre des risques? Parce qu'il le faut, si on veut avancer.