Savez-vous à quoi je pense quand je vois des théories sur l'amaigrissement telles que celles de Dukan? Je pense au film américain culte des années 60 intitulé Des fleurs pour Algernon.

Tiré du roman du même nom, ce film décrit l'histoire de Charly, cobaye de scientifiques à la recherche d'une méthode pour augmenter les capacités intellectuelles. Grâce à leur intervention au cerveau, Charly devient super intelligent et profite de ses nouvelles capacités qui changent sa vie. Sauf que petit à petit, il finit par comprendre, avec son nouveau cerveau affûté, que les changements ne sont pas permanents. L'histoire se termine donc avec cette régression douloureuse dont il est le premier témoin.

Mettons de côté les risques pour la santé posés par des régimes draconiens de type Dukan. Excès des aliments proposés en exclusivité - protéines animales - et carences liées aux interdictions - vitamines, dans ce cas, puisqu'il faudrait ne manger aucun fruit et légume pendant des jours entiers.

Mettons de côté ces énormes points d'interrogation et parlons uniquement du concept même de perdre beaucoup de poids rapidement grâce à un régime restrictif.

On est exactement comme dans Des fleurs pour Algernon. Oui, ça peut marcher à court terme, au prix de sacrifices considérables. Mais les résultats sont temporaires. Pour qu'ils ne le soient pas, il faudrait continuer à manger ainsi une vie durant. Et encore. Car le corps finit par s'ajuster. Les mots «à volonté» sont des leurres. Il n'y a aucune liberté dans ces façons de s'alimenter si on veut que les résultats soient permanents.

Ces régimes sont au contraire des prisons.

Les recherches le montrent. Après cinq ans de telles pertes de poids - quand ça a effectivement fonctionné -, 90% des gens ont tout repris. Souvent plus.

Et si les régimes ne marchent pas, ce n'est pas parce que les gens qui suivent ces régimes manquent de volonté, de rigueur, de détermination ou de fibre morale. De la même façon que ce n'est pas la faute de Charly s'il finit par perdre le génie qu'on lui avait artificiellement donné.

Si le régime ne marche pas, c'est la faute de la méthode.

C'est l'intervention qui n'est pas bonne.

Et quand on a une idée du drame vécu par les gens aux prises avec des problèmes d'embonpoint sérieux devant faire face à un millième échec après un millième régime, le cynisme de ceux qui continuent de prétendre avoir une solution toute faite ne peut que nous apparaître comme de la pure cruauté.

J'espère profondément que les Québécois auront tiré leurs leçons de l'expérience Montignac- qui ne les a absolument pas laissés plus minces, mais plutôt remplis de tics ridicules au sujet des carottes cuites, du vin blanc et des pâtes - et qu'ils regarderont d'un air plus que critique ce nouveau régime aux promesses irréalistes.

J'espère aussi que les autorités en santé publique profiteront de l'occasion pour servir d'importantes mises en garde et pour procéder à une sérieuse remise en question de leurs propres omniprésents messages anti-kilos.

Car quand on passe son temps à dire à la population qu'elle est atteinte d'une épidémie d'obésité, quand on sème la crainte à tout vent, quand on culpabilise les personnes obèses, qu'on donne l'impression aux autres qu'elles sont sur le point de le devenir et que, par la bande, on renforce les convictions des personnes obsédées par le poids et atteintes de troubles du comportement alimentaire, et bien quand on fait tout ça avec des messages alarmistes, on ouvre la porte toute grande aux vendeurs de rêves impossibles.