Restaurant total design dans une boîte de verre, piste cyclable toute verte, marche sous une structure futuriste transparente bleutée par un ciel limpide, plateaux de charcuteries alléchantes...

Avez-vous les photos de ce reportage dans la section voyage du New York Times de vendredi dernier?

Toutes plus belles les unes que les autres et toutes mettant en vedette une ville allumée par la bonne musique que l'on écoute dans des clubs cool, par ses restaurants variés, son architecture sixties encore bien vibrante, ses galeries d'art contemporain...

Stockholm? Austin? Palm Springs?

Eh oui, Montréal. Notre chouette Montréal. Vu par le regard de l'autre, il a fière allure. On oublie les nids-de-poule, la corruption, les bouchons et on voit la place des Festivals avec ses fontaines et la sculpture de Calder dans l'île Sainte-Hélène, on arrête chez DHC/Art, lieu de génie, on prend une limonade framboise-vanille chez Olive + Gourmando.

Que j'aimerais savoir être une touriste dans ma ville et l'aimer autant que j'aime Naples, par exemple, une de mes villes préférées sur la planète, tellement vivante et adorable avec ses nids-de-poule, sa corruption, ses bouchons, mais dont je ne vois que les venelles traversées de cordes à linge aux mille éclats, ses places grouillantes de vespas, ses sfogliatelle, son café à la noisette et sa pizza, ah! sa pizza...

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Marie-Annick Boisvert, elle, passe systématiquement ses étés à Montréal, par choix. Elle ne se rappelle pas être partie de la ville l'été depuis l'âge de 16 ans et elle aborde la quarantaine. Elle voyage en automne, en hiver et au printemps, mais l'été, pour elle, c'est sacré, c'est à Montréal. «Trop à faire, j'aurais l'impression de ne pas être là quand il y a le plus de choses qui se passent et quand la ville est au mieux de sa forme», explique la productrice d'événements (qui n'a aucun lien avec Tourisme Montréal, pour ceux qui se le demanderaient).

Spectacles gratuits, billets achetés, billets donnés. Tous les festivals y sont passés: le Jazz, les Francopholies, Juste pour rire, Osheaga, sans compter le week-end du Grand Prix. Ajoutez à ça les journées à flâner au Piknic Electronik ou dans les rues fermées aux voitures, les soirées à regarder les feux d'artifice, les balades en bateau sur le fleuve, le tennis dans les parcs, la canicule tempérée à la piscine du Royal Vic'.

«Je n'ai pas arrêté. Parfois je pars en week-end à la campagne chez des amis, je sors de la ville. Mais pas longtemps, sinon j'aurais l'impression de rater trop de choses! Ça n'arrête pas. Un soir, en juillet, il y avait, en même temps, The Black Eyed Peas au Centre Bell, le festival Juste pour rire, Divers-Cité et les feux d'artifice.»

En prenant uniquement les spectacles, si on regarde l'ensemble de la programmation estivale de Montréal en se mettant dans la peau d'un touriste qui passerait l'été ici, notre métropole a en effet une offre pas mal. Ce n'est pas New York ou Londres, mais il y a quand même des choses à voir: Lady Gaga, Paul McCartney, Arcade Fire, Snoop Dogg, Rihanna, The Black Eyed Peas (sans oublier Michael Bublé, évidemment). Et je ne fais qu'effleurer l'évidence. Je ne parle même pas de la programmation des grands festivals d'été, des groupes plus underground ou du FTA.

Même côté restos, l'été a bougé avec toutes sortes d'ouvertures, dont celles dont on a le plus parlé: l'arrivée du Bar F et de la Brasserie T! sur la place des Festivals, venus réveiller cette partie du centre-ville. Et est-ce un début de mouvement procuisine de rue que l'on voit poindre au Vieux-Port, avec ce café Müvbox dans un conteneur industriel converti qui a l'air solidement installé et ce nouveau comptoir sur roue du glacier Bilboquet? (On a hâte d'ailleurs que le chef Normand Laprise du T! mette en oeuvre ses rêves fous, mais réalisables de méchouis et de bar à huître à ciel ouvert sur la place des Festivals...)

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Pour profiter à fond de Montréal sans que cela soit trop compliqué, trop cher, trop d'organisation, Marie-Annick s'est trouvé plein de trucs. Elle s'est par exemple acheté un scooter, qui lui permet d'avoir accès aux manifestations sans se prendre la tête dans les bouchons et sans avoir à attendre le bus ou le métro. Ensuite, pour le tennis, elle utilise les infrastructures de la ville, pas mal moins coûteuses qu'un abonnement à un club privé. Et les tennis du parc Jeanne-Mance sont fort heureux, assure-t-elle. Pour Juste pour rire, au lieu d'acheter des billets super à l'avance, elle réserve une table au Charlot, le restaurant du festival où les spectacles sont diffusés sur grand écran.

«Je sais que ma ville a ses défauts, n'est pas parfaite, dit la jeune femme. Mais l'été, je renoue avec sa qualité de vie exceptionnelle, son espace. La facilité de vivre ici.»

Marie-Annick n'a pas d'enfant, donc elle n'est pas liée par les dates du calendrier scolaire. Ainsi, elle peut se permettre de partir seulement quand le froid revient. «Mais sais-tu, si j'en avais, je ferais la même chose et je resterais au Québec avec eux l'été. C'est clair. C'est maintenant que c'est le plus beau.»