D'habitude, j'aime bien l'actrice Demi Moore. Pas exactement le talent d'Helen Mirren ou Meryl Streep mais, généralement, elle sait avoir une tête sur les épaules quand vient le temps, par exemple, de dénoncer notre apathie face à l'esclavage humain ou de parler de la difficulté d'élever des filles équilibrées à l'abri de la folie hollywoodienne.

Je pensais aussi me souvenir de propos intelligents sur l'image corporelle (et l'âge). Mais apparemment je me suis trompée.

La semaine dernière, sur Twitter, ses quelque 2 millions de «suiveurs» ont en effet pu lire ses très bons mots au sujet d'un programme américain de «nettoyage» pour le corps. Un de ces programmes de detoxification - ou detox version écourtée - hyper-populaires, vendus comme des plans d'assainissement antitoxines mais qui sont en fait, surtout, des régimes amaigrissants rapides.

«Je suis à la 13e journée», pouvait-on lire sur Twitter. «On nourrit son corps!» répondait-elle à un internaute perplexe.

Un lien mis en ligne par l'actrice menait même vers un site où on propose des kits «nettoyants» à 350$ pièce.

Oui, 350$ pour 21 jours de poudres et de comprimés à ingurgiter pour remplacer la vraie nourriture.

Exit le respect pour Demi.

Y croit-elle vraiment? Est-elle payée pour ça? Est-elle encore, à son âge, imbibée de cette idée que la minceur s'atteint par les poudres et la privation extrême?

Et comment se fait-il, en 2010, avec tout ce que l'on sait non seulement sur l'inefficacité des régimes mais surtout sur leur rôle dans la prise de poids, qu'on en soit encore à parler de ces méthodes qui, souvent, ne sont en fait que charlataneries? Et qui croit à ces histoires de «nettoyage des toxines» alors que nutritionnistes, médecins et autres scientifiques n'y trouvent ni utilité ni réalité?

Appel à Émilie Dansereau-Trahan, agente de recherche à l'Association pour la santé publique du Québec, où elle travaille dans la section qui fait office de chien de garde concernant les questions de poids et d'image corporelle.

«Les detox, Émilie, dites-moi...

- C'est n'importe quoi, m'a-t-elle répondu. C'est juste une façon cachée de chercher à perdre du poids. Dans les faits, notre corps n'a pas besoin de ça. Ce sont le foie et les reins qui font le ménage. Le corps est autonettoyant.

- C'est donc de la perte de poids en boîte, en fait, dissimulée sous l'étiquette detox qu'on cherche à vendre? Vous me dites que les gens achètent de la perte de poids préemballée?

- Tout à fait. Un autre régime, le régime le plus populaire en ce moment, est un régime de repas tout préparés», continue la chercheuse. De la perte de poids à réchauffer. Un régime axé sur les protéines, où la quantité de calories permise chaque jour est très limitée.

Ce n'est pas la même chose que le jeûne modifié aux protéines, ce régime draconien populaire et hyper-controversé qui a fait l'objet, la semaine dernière, d'une mise en garde d'une agence de surveillance relevant du ministère de la Santé du Québec. Mais on flirte avec les mêmes concepts.

Et là encore, on joue avec la minceur achetable, accessible et (mais ça, on ne le dit pas) passagère.

Les recherches montrent en effet qu'entre 90% et 95% des gens qui perdent du poids grâce à un régime amaigrissant reprennent entièrement, sinon plus, les kilos perdus, à l'intérieur d'un délai de cinq ans et parfois beaucoup plus rapidement.

Dans le cas des régimes hyperprotéinés, par exemple, les médecins constatent que la privation extrême d'hydrates de carbone, au début du processus, ne fait qu'ouvrir la porte à de fortes fringales pour les hydrates de carbone interdits, qui accélèrent la reprise de poids dès que les restrictions sont relâchées.

De tels régimes, en fait, n'ont d'utilité que si un patient en fort embonpoint doit perdre beaucoup de poids très rapidement pour une raison particulière, comme une intervention chirurgicale.

Comment se fait-il donc que les gens continuent d'adhérer à ces recettes vouées à l'échec? Et trouvent même des subterfuges pour faire accepter le tout socialement?

Car toute cette histoire de detox, ces cures de «nettoyage», ce n'est essentiellement qu'une nouvelle façon, née dans la mouvance du yoga, de faire le marketing d'autres types de régimes basés sur la privation draconienne. Les detox n'ont en général rien à voir, côté contenu, avec les jeûnes aux protéines, mais on est exactement dans la même approche: de la restriction souvent extrême, malavisée.

* * *

Si vous voulez vous régaler, allez lire le site scientifique britannique Sense about Science et ce que l'on y dit de toute la foutaise ambiante sur la detox. Brillant. Ce site, qui donne la parole à un regroupement majeur de scientifiques aux horizons variés, cite médecins, nutritionnistes, chimistes, toxicologues, pathologistes, qui sont unanimes. Et expriment même leur exaspération devant la nécessité de répéter cette information encore et encore.

«La mode de la detox - ou plutôt les modes, car il y a plusieurs méthodes - est un exemple de la capacité des gens de croire à la magie (et de payer pour) malgré l'inexistence de toute preuve sérieuse», écrit par exemple Martin Wiseman, professeur de nutrition à l'université de Southampton.

Et cette tendance, ajoute-t-il, «devrait tous nous inquiéter».