«Madame Lortie, l'immeuble où est la piscine date de 1924...

- Oui, et puis?

- Eh bien! Ça demande de gros travaux de rénovation.

- Je comprends ça. Et puis?

 

J'avoue que, à ce point-là de la conversation avec le fonctionnaire de l'arrondissement de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce qui défendait l'idée de fermer la piscine du centre communautaire de NDG, de mon centre communautaire, parce qu'elle est dans un immeuble trop vieux, trop mal en point, trop pas bien entretenu par cette administration même qui veut la fermer, j'ai presque perdu patience. Un peu comme tous ces résidants de mon quartier qui, eux, ont bondi et ont choisi de répliquer à cette idée de l'arrondissement de fermer toute une série de services de proximité - dont la piscine - en lançant un groupe apolitique, le Comité citoyen Notre-Dame-de-Grâce.

Cette crise qui secoue NDG a démarré il y a environ trois semaines, le 12 mai, quand plusieurs citoyens ont pris connaissance de ce que l'arrondissement appelle le «Plan directeur» en matière de loisir, de sport, de culture et de développement social. Ce plan, 245 pages indigestes remplies de jargon bureaucratique, a été fait après, dit-on, trois années de consultations dans l'arrondissement. Mais aucun de ces citoyens furieux n'en avait jamais entendu parler - ni moi, d'ailleurs, la news junkie. Le document propose, entre autres choses, de déplacer dans un nouveau complexe situé à l'angle des rues Monkland et Cavendish des activités culturelles, sociales et sportives qui ont cours actuellement dans une tout autre zone, passablement à l'est, près du boulevard Décarie.

Bref, imaginez si, du jour au lendemain, votre arrondissement arrivait en disant: «On a eu une idée: votre piscine, votre centre communautaire - celui des cours de yoga, du parasco et de la chorale -, votre bibliothèque et votre maison de la culture ne seront plus jamais les mêmes. On ferme, on transforme. Oh, et le bel immeuble ancien? Pu bon. Trop vieux. Mais on en a un autre pour vous, neuf et rutilant, plus loin.»

Rapidement, les citoyens se sont organisés, ont lancé une pétition sur www.mtl.info et se sont préparés pour les audiences publiques, qui ont eu lieu le 26 mai. Le maire de l'arrondissement, Michael Applebaum, devant leur colère, leurs inquiétudes, leur déception et le nombre de signatures, a réagi. Il s'est engagé à suspendre toute décision avant qu'un nouveau processus de consultation avec les citoyens, avec ces citoyens, mène tout le monde vers une entente. Hier, j'ai parlé à M. Applebaum, qui a réitéré cet engagement: on va discuter, on va écouter. Rien n'est coulé dans le béton, ce ne sont que des propositions, a-t-il tenu à répéter.

Louise Harel, chef de l'opposition à l'hôtel de ville, s'est elle aussi mêlée du dossier hier en disant que la fermeture du centre communautaire - elle pense que l'arrondissement veut le vendre à des promoteurs immobiliers - marquerait la perte d'un élément important du patrimoine architectural montréalais. Et elle n'a pas tort.

Quant à Peter McQueen, conseiller municipal de Projet Montréal, il est lui aussi du bord des citoyens et souhaite ardemment que le centre communautaire et la piscine, où vont ses propres enfants, restent ouverts.

Mais le groupe de citoyens ne veut pas être associé à un parti ou à un autre.

Lorsqu'on discute avec ses porte-parole, on entend les mots «démocratie participative», «mouvement citoyen» et, surtout, «proximité». La révolte devant le projet de fermeture est une objection toute simple d'une communauté diverse, qui veut exister à petite échelle, face à un projet centralisateur.

Avouez que, en 2010, vouloir protéger un univers urbain où on se déplace à pied ou en vélo (et peut-être même en Bixi un jour, mais NDG est privée de ce service...) est quand même plutôt légitime. Qui veut se mettre à prendre la voiture pour aller à la bibliothèque ou à la piscine du quartier?

Bien que modernes et innovatrices, les nouvelles installations Benny sont en effet à 3 km du centre névralgique actuel visé, qui comprend la piscine, le centre communautaire, la bibliothèque, la Maison de la culture, mais aussi l'école Notre-Dame-de-Grâce, le centre communautaire Le Manoir ainsi que la station de métro Villa-Maria.

Grâce à ces institutions et au métro, il y a dans l'est de NDG ce que les urbanistes municipaux appellent un noyau villageois. Déplacer les activités communautaires à 3 km de là, c'est changer toute une dynamique.

Trois kilomètres, ce n'est pas rien. Demandez aux mamans avec poussette, aux enfants qui vont se baigner en sortant de l'école juste à côté ou qui suivent dans le centre communautaire des cours d'informatique ou d'espagnol. Dites ça à tous ceux qui y pratiquent la danse en ligne...

Trois kilomètres, ce n'est plus à proximité.

Pour joindre notre chroniqueuse : mlortie@lapresse.ca