Il y a, sur l'Internet, une petite vidéo très drôle concoctée par des Islandais, dans laquelle ils remercient les non-Islandais de leur avoir fourni, cette semaine, de bons moments de rigolade.

Pourquoi?

Les Islandais ont fait un collage avec toutes sortes de journaux télé et se marrent d'entendre les présentateurs essayer de prononcer correctement le nom incroyable de leur volcan, l'Eyjafjallajökull (prononcé:??? ja? fjatla? joek? tl). Avez-vous remarqué, d'ailleurs, que depuis le début de la semaine, on parle plutôt du... volcan islandais tout simplement?

J'étais en train de rire avec les collègues de ce nom imprononçable (ou étais-je en train de faire des oh! et des wow! devant les images spectaculaires de l'éruption volcanique sous le glacier) quand j'ai reçu l'appel d'une amie qui, elle, n'était pas exactement dans un état d'esprit ni humoristique ni scientifiquement admiratif devant l'extraordinaire événement géologique.

Elle venait plutôt de passer l'après-midi à essayer de remonter le moral de son fils ado, hyper déçu. Imaginez: rêve de toujours, il devait partir jeudi en France, où habitent ses grands-parents, pour participer à un camp de soccer.

Bonjour la déception extrême. Avion d'Air Canada cloué au sol. Attente. Points d'interrogation. Départ reporté à ce soir, via Toronto, si Roissy est rouvert...

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Le chaos aérien causé par l'Eyjafjallajökull est hallucinant.

Vous vous rappelez le 11 septembre, quand soudainement des centaines de vols ont été cloués au sol, pour plusieurs heures?

Là, on parle de jours entiers de vols intercontinentaux paralysés. Dans Le Monde, ils ont dit que c'était du jamais vu depuis 2001, peut-être même 1945, fin de la Deuxième Guerre...

Je n'ose pas imaginer les cauchemars qui se vivent dans les aérogares actuellement. Les familles séparées, les rêves brisés, les projets annulés. Évidemment, les pertes financières énormes des sociétés aériennes n'aideront pas particulièrement ce secteur. Dans Le Figaro, hier, on a écrit: «Un nuage à 150 millions d'euros par jour». On parle donc de plus de 200 millions de dollars canadiens perdus quotidiennement. Et on commencera probablement à calculer, sous peu, les conséquences désastreuses de ce caprice naturel dans toutes sortes d'autres domaines.

Mais ce sont les drames personnels qui font frissonner. Les retrouvailles reportées, les réconciliations suspendues, les réconforts remis à plus tard.

«Au moins, nous, on est coincés, mais on est coincés chez nous, m'a confié ma copine. Ce n'est pas comme ceux qui sont bloqués loin de chez eux. Et en plus, on n'y peut strictement rien, on ne peut pas râler.»

Difficile d'être fâché contre un volcan. Ou contre ceux qui nous disent que ce n'est pas sûr de prendre l'avion. Qui a envie de voir de la poussière volcanique engloutie par les moteurs avant d'y fondre en les bloquant comme de la glu minérale?

Et en plus, pour le moment, les réactions des grandes compagnies aériennes à la crise semblent assez souples.

Catherine Pérus, qui doit partir à Madrid pour la semaine en passant par Paris, a été très agréablement surprise de la réaction à la fois d'Air Canada et d'Air France - pour des raisons compliquées, la famille avait acheté des billets sur les deux transporteurs.

«On dirait que parce que personne n'est pris en défaut, tout le monde cherche à faire de son mieux», a-t-elle confié hier. Une partie de la famille partira donc via New York plutôt que Paris. Et l'autre par Boston, les Açores, Lisbonne puis Madrid. Le voyage prendra donc 26 heures... «Oui, on perd deux jours de vacances avec tout ça.»

Air Canada s'est engagé depuis le début de la crise à aider les voyageurs à adapter leurs plans (trouver des nouveaux itinéraires, changer les dates, etc.) et affirme que ces changements peuvent être faits en ligne, sans avoir à attendre au téléphone. En outre, le remboursement des voyages annulés est offert, aussi par Internet. Air France a, de la même façon, fait savoir que les vols annulés seraient remboursés.

Cette crise, au Québec, sera aussi le premier test majeur pour le Fonds d'indemnisation des clients des agents de voyages, nouvel outil mis en place il y a deux ans, explique Jean-Jacques Préaux, porte-parole de l'Office de la protection du consommateur du Québec.

Grâce à ce fonds, tous ceux qui achètent leurs billets par l'entremise d'agences de voyages québécoises sont assurés jusqu'à 3000$ par personne pour le remboursement de leur tarif aérien (notons cependant qu'il y a une limite de 3 millions de dollars de restitutions totales par «crise»).

Pour ceux qui se sont procuré leur billet directement auprès du transporteur, il faudra compter sur celui-ci pour se faire remettre les sommes déboursées pour les billets qui n'auront jamais servi. Ou alors voir si leur société de carte de crédit - pour ceux qui ont ainsi acheté leurs droits aériens - fournit ce type d'assurance. Chaque voyageur devra voir selon son cas à lui.

Et prendre son mal en patience.

«Ce qui est particulier avec cette crise, c'est que c'est la faute à personne, a remarqué hier Mme Perus. Et que tout ce qu'on peut faire, c'est se croiser les doigts.»