Savez-vous ce qu'est la glutéoplastie?

Moi, je ne le savais pas jusqu'à ce que j'apprenne, lundi soir, que Miss Argentine 1994, Solange Magnano, 38 ans, venait de mourir. Mourir d'une embolie pulmonaire, complication rarissime mais largement connue des médecins, d'une anesthésie générale. Anesthésie générale nécessaire pour une glutéoplastie.

Une glutéoplastie, tenez-vous bien, c'est une chirurgie que l'on se fait faire lorsqu'on trouve que son derrière, popotin, fesses, appelez ça comme vous voulez, n'a pas assez de galbe, de rebondi, de tonus.

 

J'imagine que, tout étant une question de proportions dans la beauté, il y a des personnes qui se trouvent trop aplaties dans cette zone-là, ce qui est imaginable si elles sont très minces ailleurs. Bref, la courbe à la Jennifer Lopez de cette partie du corps «où le dos ressemble à la lune», pour paraphraser Georges Brassens, est l'objectif de l'intervention en question où parfois on va jusqu'à installer des implants ou tout simplement injecter de la graisse en extra (incroyable, quand même).

Apparemment, cette chirurgie est très populaire en Amérique latine, mais l'est très peu ici, m'a expliqué hier le Dr Éric Bensimon, chirurgien plastique et membre du conseil de l'Association des spécialistes en chirurgie plastique et esthétique du Québec. En fait, il m'a dit ne connaître aucun plasticien qui pratiquait ladite intervention à Montréal.

«Nous, notre plus gros vendeur, c'est évidemment les seins», a-t-il expliqué. Suivent les abdomens et différentes interventions au visage. Mais pour les fesses, rien à signaler. «Ici, on est conservateurs, a ajouté le Dr Bensimon. Et il faut être fiers de ça.»

Oui, il y a parfois des gens qui meurent des complications d'une intervention chirurgicale esthétique, comme ce fut le cas de Micheline Charest, l'ex-PDG de Cinar qui a été victime d'une série de malchances médicales complexes après une longue opération visant visage et seins notamment. «Quand cela arrive, vous le savez», a-t-il ajouté.

Mais pour ce qui est de mourir à la suite d'une glutéoplastie, le risque est nul. Ici, apparemment, la fesse plate est largement embrassée. Ou est-ce plutôt la fesse rebondie, qui est déjà naturellement très présente dans l'environnement?

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L'histoire de Solange Magnano, mère de deux enfants de 8 ans, est d'une tristesse infinie. Dans mon livre à moi, elle tombe dans la catégorie des interventions qui n'auraient jamais dû avoir lieu.

Il y en a qui sont tout à fait compréhensibles, j'en suis bien consciente. D'ailleurs, si c'était totalement sans douleur, sans anesthésie générale, couvert par les assurances, pas cher et sans grande convalescence, il y en a une ou deux que je me ferais faire, peut-être, ou pas.

En outre, il est facile d'accepter que certains veuillent un nez ou des oreilles corrigés, de la même façon que d'autres se font réparer les dents.

Cela dit, il y a une frontière infiniment difficile à décrire qui se trace entre la réparation inoffensive d'erreurs de la nature et la lutte contre ce qu'on est et ce que l'on devient.

De l'extra-rebondi aux fesses, à mon avis, entre dans cette seconde catégorie. Celle où le psy, les soutiens-gorges rembourrés, le sport, et les bons amis sont plus utiles que le chirurgien et surtout, moins risqués pour la santé.

Heureusement, au Québec, on est pas mal moins portés que d'autres sociétés - les Latino-Américains et les Américains, particulièrement les Californiens, notamment - à tomber dans un recours presque pathologique aux chirurgies plastiques et aux grosses interventions.

«Au Québec, ce que je vois, ce sont surtout des femmes et des hommes qui ne veulent pas que l'on remarque que quelque chose a changé», explique M. Bensimon. «Les Québécoises sont coquettes, mais elles ne veulent pas d'affaires épouvantables.»

Notre propension à garder le pied sur le frein serait donc, pour ces questions, d'une prudence bien à propos.

Ailleurs dans le monde, dans plusieurs pays, la chirurgie plastique est, en revanche, en pleine explosion et en pleine hyperbanalisation.

Dans des pays comme le Brésil, la Tunisie, le Venezuela ou la Bolivie, les pratiques sont tellement répandues qu'ils sont devenus des destinations de tourisme esthétique. L'Inde, la Thaïlande et même Cuba accueillent aussi des visiteurs à la recherche d'un lifting ou d'une augmentation mammaire.

Sur le site makeovertravel.com par exemple, on propose des plans de séjour de 10 jours en Bolivie, comprenant une intervention complète avec pose d'implants fessiers pour moins de 4000$US. On croirait entendre parler Oncle Tom dans les Têtes à claques.

La mort de Miss Argentine à la suite d'une chirurgie plastique n'est pas la première. Ce n'est en outre même pas la chirurgie elle-même qui l'a tuée. C'est une complication de l'anesthésie. Mais Mme Magnano n'aurait pas eu d'anesthésie si elle n'avait pas décidé de passer au bistouri pour des raisons esthétiques.

Et peu importe ce qui s'est passé en salle d'opération ou après, ni Micheline Charest, ni la première dame du Nigeria Stella Obasanjo, ni la mère de Kanye West, ni la troisième épouse de James Brown, ni l'auteure américaine Olivia Goldsmith, dont le livre First Wives Club a été adapté au cinéma, ne seraient mortes dans ces circonstances, n'eût été leur décision de se faire transformer chirurgicalement.

La liste des victimes commence à être longue. Et on ne parle que de gens célèbres.

Le risque en vaut-il vraiment la peine?

Avoir des fesses rondes naturellement n'aura jamais été aussi agréablement confortable et réconfortant.