Elle s'appelle Kimberly Munley. C'est une maman de 34 ans, mariée à un officier militaire avec qui elle a une petite fille de 3 ans. Sur Twitter, elle se décrit ainsi: «Je vis une bonne vie... dure, mais le soir, je me couche en paix, sachant que j'ai peut-être fait une différence dans la vie de quelqu'un.»

Elle est policière. Et jeudi, c'est elle qui a abattu le tireur fou de Fort Hood.

Alors que l'Amérique constatait, pétrifiée, qu'elle pouvait produire deux fusillades en deux jours, une au Texas et l'autre en Floride. Alors qu'elle se demandait comment elle avait pu ne pas voir venir, une fois de plus, la frustration meurtrière de deux forcenés sortis non pas de nulle part mais de partout, apparaissait aussi aux écrans une nouvelle héroïne insoupçonnée, celle que l'on veut comme voisine: la mini-soccermom qui protégeait des GI.

 

Car selon le grand commandant de la base de Fort Hood où a eu lieu le massacre, il est clair que c'est elle qui a mis fin à la fusillade et empêché le tueur d'abattre encore plus de soldats que les 13 tombés mercredi.

Sur la photo du compte Twitter de Munley, on voit une photo où elle pose joyeusement aux côtés d'une vedette de musique country. Dans son sourire, il y a le calme évoquant la force efficace. On s'imagine cette policière face à son travail comme si c'était non pas un tremplin pour la gloire mais plutôt l'extension plus complexe et risquée d'une tâche essentielle de nos sociétés: «maintenir l'ordre» et donc faire le ménage...

Du haut de son mètre cinquante-sept, elle fait un peu penser à Marge, le personnage de Frances McDormand dans Fargo, qui, justement, enquête sur des meurtres comme d'autres passent le balai et prennent le temps de frotter un peu plus par endroits, là où la crasse est collée.

Jeudi, Kim a eu une grosse journée. Postée comme policière civile sur la plus grosse base militaire américaine, elle était apparemment en route vers le garage (ou en train de diriger la circulation, selon certains médias américains) lorsqu'elle a entendu l'appel au sujet de la fusillade sur les ondes radio. Elle a été la première à tomber face à face avec le tireur. Il y a eu échange de coups de feu. Elle a été blessée aux hanches et au poignet. Lui a été touché par quatre balles et est tombé, pour ne plus se relever.

«Hardie», «rapide», «fantastique»... Les compliments et les honneurs n'ont pas tardé à arriver à l'hôpital, où Munley a été transportée. Mots de respect et d'admiration prononcés par les plus hauts gradés, par ses voisins, ses collègues. «Je dors beaucoup mieux sachant qu'elle est dans le quartier», a confié à CNN le sergent William Barbrow, un voisin, alors qu'un ancien coéquipier affirmait devoir rien de moins que la vie à celle qu'il avait surnommée la Super Souris.

Sur le site web Slate, le journaliste William Saletan en a profité pour faire une sortie musclée contre le maintien, par l'armée américaine, de l'exclusion des femmes des rôles de combat. «Si une femme peut défendre Fort Hood, elles peuvent défendre l'Amérique», a-t-il écrit.

Hier, je me suis demandé ce que penserait Kim Munley de notre registre national des armes à feu. Celui que les conservateurs cherchent par tous les moyens à torpiller et que libéraux et néo-démocrates ont refusé de protéger mercredi aux Communes lors d'un vote sur un projet de loi privé visant son démantèlement. Ce registre - sorte de système d'immatriculation des armes à feu - a coûté très cher à installer mais roule maintenant pour 3 millions par année, l'équivalent du prix de deux grosses enquêtes pour homicide, m'a expliqué le porte-parole de la police de Montréal. Au Canada, tous les directeurs de corps de police sont en faveur du maintien de ce registre et en vantent l'efficacité et l'utilité. On le consulte 10 000 fois par jour. Ce n'est pas rien.

Ce système d'enregistrement ne peut empêcher des fous furieux de partir en guerre contre l'humanité qui les entoure. Mais si les policiers affirment qu'il les aide à faire leur travail de prévention et d'enquête, si le contrôle des armes permet de diminuer la criminalité violente, pourquoi ne pas les écouter?

En s'acharnant contre le registre, remet-on en question notre confiance en leur jugement?

Ça, je ne crois pas que le sergent Munley trouverait que c'est une bonne idée.