Ce devrait être la semaine de la Fédération des femmes du Québec (FFQ). Celle où l'on parle de sa nouvelle présidente, élue samedi, Alexa Conradi. Celle où l'on rappelle le rôle joué par cet organisme, qui regroupe les associations féminines de la province et qui a déjà été un grand porte-parole des Québécoises dans tous les dossiers touchant les femmes.

Ce devrait être la semaine de la FFQ, mais plus je pense à la Fédération, plus j'ai envie, en fait, de parler de la présidente d'un autre organisme pas mal plus officiel, le Conseil du statut de la femme, nommé par le gouvernement du Québec pour le conseiller sur les questions qui concernent les femmes.

Pourquoi? Parce que, au début du mois, Christiane Pelchat a dénoncé publiquement les coupes dans les pensions des veuves envisagées par la Régie des rentes du Québec.

Parce que, en août, elle est descendue dans l'arène pour parler haut et fort contre la décision du ministre libéral de la Santé de rendre la vie presque impossible aux cliniques privées offrant des avortements.

Parce que, en fait, depuis qu'elle a été nommée à la présidence du Conseil, en 2006, elle ne fait que foncer, tête première, dans les dossiers épineux, quitte à déranger au passage le gouvernement qui l'a nommée. De l'hypersexualisation des jeunes filles au port du voile dans la fonction publique en passant par la modification de la Charte québécoise des droits pour reconnaître l'égalité comme valeur québécoise fondamentale, la présidente n'a pas chômé et a brassé bien des cages.

En fait, depuis quelques années, j'ai l'impression de la voir houspiller le gouvernement libéral bien plus souvent que tout autre organisme féministe, alors qu'elle a été associée à ce parti politique comme députée et chef de cabinet.

Qu'on soit d'accord ou pas avec Mme Pelchat - et je fais partie de celles qui ne sont pas toujours du même avis que cette avocate féministe qui a longtemps travaillé au Sénégal avant d'être recrutée pour son CV étoffé -, on ne peut que s'incliner devant son front et son indépendance d'esprit.

Et c'est ici qu'il est intéressant de commencer à parler de la Fédération des femmes du Québec, qui vient d'élire à sa présidence une organisatrice communautaire féministe reconnue. Une femme qui était, jusqu'en juin dernier, présidente de Québec solidaire (QS), parti fondé par une ancienne présidente de la FFQ, Françoise David.

Je rêve ou QS et la FFQ sont décidément proches? Trop proches?

J'ai parlé hier à Mme Conradi et je lui ai posé la question. «Seriez-vous capable de critiquer Québec solidaire?»

«Tout à fait», m'a-t-elle répondu, précisant qu'elle n'avait «aucun problème» avec l'idée de devoir un jour prendre ses distances par rapport au parti. «Je n'ai aucune hésitation à dire que je le ferai si nécessaire», affirme-t-elle.

Est-elle même prête à prendre du recul par rapport à l'accent très, très fort qu'a mis la Fédération sur la lutte contre la pauvreté des femmes en général et des immigrées en particulier, dossier très QS s'il en est un?

«J'ai envie qu'on ait une justice économique pour l'ensemble des femmes», répond-elle, en prenant soin de préciser qu'il n'y a pas que les femmes au bas de l'échelle qui sont victimes d'inégalités et que la précarité, notamment, touche aussi les femmes des classes moyennes. «J'ai envie qu'on crée des ponts entre toutes les femmes visées par l'incertitude financière», dit-elle.

En discutant, elle prend aussi la peine de parler du suicide de Nelly Arcan, en faisant un lien entre cette mort tragique et la dictature de la beauté encouragée par la société de consommation qui finit par affecter toutes les femmes, peu importe leur statut social.

Bref, Mme Conradi semble vouloir ouvrir les préoccupations de la FFQ à des dossiers plus larges que celui de la pauvreté, aussi louable et important soit-il.

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En 1995, durant la campagne référendaire, quand la Fédération des femmes du Québec a décidé de se joindre au camp indépendantiste, son image a changé. Lorsque j'ai exprimé cette observation récemment, Françoise David, qui était présidente de la FFQ à l'époque, m'a rappelé que cette décision avait été prise tout à fait démocratiquement au sein de l'organisme, ce dont je ne doute pas une seconde. Toutefois, cette prise de position, je le répète, a transformé l'image de la Fédération. Soudainement, la FFQ ne se préoccupait plus seulement des femmes et prenait des positions politiques sur d'autres enjeux qui n'étaient plus féministes et féminins en soi.

Depuis, rien n'a jamais été fait, à la FFQ, pour redéfinir l'indépendance de l'organisme. Et aucune position n'a jamais été prise pour le différencier, clairement, de Québec solidaire, parti de gauche et souverainiste fondé par son ancienne présidente.

Bref, quelque part, on a l'impression que l'ombre de Mme David, avec ses causes bien à elle (aussi louables soient-elles), plane toujours sur la FFQ.

Et samedi, voilà que les militantes élisent l'ancienne présidente de QS à la tête de la FFQ...

Le féminisme, comme le montre la présidente du Conseil du statut de la femme à chacune de ses sorties publiques contre le gouvernement libéral, est une cause qui vit mal en conjonction avec l'esprit partisan. Régulièrement, Mme Pelchat critique le parti dont elle a déjà été députée, car ses responsabilités, pour défendre l'ensemble des femmes du Québec, l'obligent à s'élever au-dessus de ces considérations.

Espérons que la nouvelle présidente de la FFQ montrera rapidement que l'organisme féministe est de nouveau capable d'une pareille indépendance d'esprit et est prêt à aller au front pour toutes les femmes, toutes classes confondues, et non pas uniquement pour l'électorat potentiel de Québec solidaire.