«Imaginez que c'est comme un petit ruisseau qui frappe un caillou», me lance le commandant Robert Piché au bout du fil, alors que je l'implore de me rassurer au sujet des turbulences, ces soubresauts qui me donnent des frissons à chaque fois que j'embarque dans un avion.

Un ruisseau? L'image est efficace. Le pilote, qui s'est fait connaître en effectuant un atterrissage d'urgence spectaculaire aux Açores, alors qu'il était aux commandes d'un Airbus 330 d'Air Transat en 2001, en a vu d'autres. Il parle d'un ton rassurant presque détaché. Il ne me dit pas «y'a rien là», mais c'est tout juste. Je l'entends et déjà je me sens mieux. Une bonne chose pour lui puisqu'en marge de son travail de pilote, il donne maintenant des séminaires pour aider les gens à vaincre leur peur de l'avion. Il leur explique notamment comment fonctionnent ces grosses bêtes, ce qui aide à éteindre les craintes irrationnelles.

«En 40 ans, ajoute le commandant Piché, j'en ai vu seulement deux fois de la vraie turbulence.» Bon, me voilà maintenant convaincue que la troisième fois, ce sera quand je serai à bord...

Si tout se passe comme prévu, quand vous lirez ces lignes, je serai à nouveau sur la terre ferme. Mais entre la rédaction de ce texte et votre lecture, il y aura un moment difficile: un voyage en avion.

Sept longues heures suspendues dans les nuages que j'espère passer profondément endormie mais dont je sais que j'enregistrerai, même dans mon sommeil, chaque soubresaut.

Apparemment je n'ai pas tant la phobie de l'avion qu'un petit stress post-traumatique. Mon cas ne doit pas être très grave car mon envie de voyager est plus forte que mes inquiétudes, comme c'est le cas pour bien des gens. Mais les souvenirs de trois très mauvaises expériences me hantent et me replongent dans ma peur à chaque fois que je sens le lourd caisson de métal qui me transporte avoir un petit hoquet.

Depuis l'accident survenu au début du mois de juin, sur le vol d'Air France Rio-Paris, sans parler de celui qui est arrivé cette semaine sur Yemenia Airlines, je me suis rendue compte que je n'étais vraiment pas toute seule. Ces derniers incidents ont déclenché, on dirait, une sorte de ronde de confessions autour de moi. Même des gens calmes et sereins ont développé une petite crainte de l'avion. Rien de phobique, mais un inconfort, je dirais, appelant même parfois aux anxiolytiques.

Il faut dire qu'on est au début de l'été et que bien des familles partent en voyage en avion et que la question se pose: quoi faire quand on meurt d'envie d'aller en Provence ou en Catalogne et qu'on a peur de voler? Le timing pour les deux crash, juste avant les vacances, n'était pas génial.

La peur en avion n'est pas exactement anormale, m'explique Andrée Letarte, psychologue au département des troubles anxieux et de l'humeur à l'hôpital Louis-Hyppolite-Lafontaine. Philo-génétiquement, nous ne sommes pas programmés à être assis dans le ciel, en mouvement. «Il est normal d'être déstabilisé», dit-elle. Une fois cela reconnu, il faut aussi admettre que prendre l'avion n'est pas dépourvu à 100% de danger. Oui il y a des accidents et quand il y en a, ce n'est pas drôle.

Sauf que, et c'est là la clé de la gestion de notre inconfort, il faut aussi comprendre que le risque est très faible. Tellement faible, qu'il se compare avantageusement à celui que l'on prend à chaque fois que l'on prend la voiture.

Chaque année, lisais-je récemment dans Le Point, il y a au total plus de deux milliards de voyageurs suspendus dans le ciel. Oui, chaque mort dans un écrasement est 100 % mort. Mais c'est quand même une bien petite proportion. Toujours dans Le Point : on a 45 fois plus de risque de mourir en voiture qu'en train et 90 fois plus qu'en avion.

C'est ce petit discours intérieur qu'il faut se tenir quand on embarque en avion et qu'on a quelques sueurs froides : « Ça serait bien pire, si je prenais la voiture... »

Il y a toutes sortes de façon de réapprendre à penser quand on embarque dans un avion, continue Mme Letarte et des psychologues peuvent aider les gens qui en sentent le besoin.

Mon truc : me répéter que l'auto c'est pire, ensuite dormir évidemment si possible, mais sinon, jouer à un jeu vidéo. Quand je suis sur ma DS - je suis pas mal certaine qu'une PSP aurait le même effet -- c'est bizarre, mais mon cerveau arrête de penser à autre chose. Parfois l'agent de bord vient me chicaner et me dire de l'éteindre au décollage et à l'atterrissage. Quand je leur explique le problème, ils me laissent tranquille.

Brain Age, Super Mario...

Non, ça ne fait pas très sérieux.

Mais je vous le dis, ça marche.