«Allez.» «Vas-y.» «Essaie.» «Recommence.»...

- Oui mais je ne suis pas capable...

- Réessaie. Allez...»

Je vous écris ces mots. Et je les entends.

 

J'ai 3 ans, 12 ans, 20 ans, 40 ans...

À part les «je t'aime» dont ma mère a couvert toute mon enfance, leitmotiv dont elle placardait nos journées, incontournables comme ses bisous mitraillés, ce «allez» est partout dans mes souvenirs.

C'est lui le mot qui restera pour toujours collé à mes oreilles, petite aiguille d'acupuncture extra-énergisante, gentil coup pied aux fesses rempli de confiance, d'idées...

«Allez, allez...»

Je vous le jure, même si elle déteste le jogging et ne m'a jamais appris à courir, quand l'énergie tombe au huitième kilomètre, je l'entends dans mon oreille comme si elle était là, à côté: «Allez, allez.»

Même chose lorsque l'heure de tombée dégringole et qu'il y a encore mille pistes à débroussailler... «Allez, allez...» Vous l'entendez, il est là, le mot, juste là, il me pousse entre les omoplates, me regarde dans le blanc des yeux. «Allez, prends le téléphone, bouge...»

Devant le moindre bouton à coudre, la plus simple des lettres à écrire, la plus grande porte à défoncer, je l'entends encore. «Allez, essaie.»

Pas plus tard que cette semaine, elle était en visite chez sa copine en Ontario, mais elle chuchotait, à côté de moi, alors que je voyais un projet de reportage se liquéfier sous mes yeux: «Oust! Recommence, repars, relance-moi ça, allez...»

Parfois le mot tombe sec, me pique, comme s'il me lançait l'ordre d'arrêter de procrastiner. Parfois il me calme, m'encourage, me réconforte en résumant la vie ainsi: rien n'arrive à ceux qui ne se cassent jamais la figure. D'ailleurs, à lui seul, il réussit à déclamer de grandes leçons de vie solennelles! «Le succès, ma fille, réside fondamentalement dans la capacité de se relever d'un échec. Alors, allez...»

Je me demande si ma grand-mère, Laurette, lui avait dit exactement la même chose.

Dans la cuisine de ma mère, il y a une petite phrase accrochée au frigo, qui dit quelque chose comme «heureux les fêlés, car la lumière passe par les fissures».

Elle s'immisce aussi par les portes entrouvertes, les passages cachés, les lézardes béantes, partout où l'on peut se faufiler pour continuer à avancer.

Allez, allez...