Samedi, après avoir écouté les nouvelles et lu tout ce qu'il y avait dans les journaux au sujet de la grippe porcine, Pierre et Jeanne, sont partis à l'hôpital. Pas très malades, mais avec juste assez de toux et de malaise général et de nez bouché pour avoir envie de voir un médecin et de se faire rassurer. De retour de vacances au Mexique, le jeune couple - dont ce ne sont pas les vrais noms - était, vous le comprendrez, inquiets.

Lorsqu'ils sont arrivés aux urgences de cet hôpital Montréalais, ils se sont masqués et quand ils ont dit au préposé au triage qu'ils avaient des symptômes de grippe, qu'ils revenaient de voyage et compagnie, il s'est masqué lui aussi.

 

Sauf que, quand est venu le temps d'ouvrir un dossier, Pierre et Jeanne, deux Européens, ont dû expliquer qu'ils n'avaient pas de carte d'assurance maladie. Étrangers au Québec avec visa de travail, ils ne sont pas couverts par le régime québécois. Étant en processus de «magasinage» auprès d'assureurs dans leur pays pour renouveler leur couverture à meilleur prix - ils ont réglé cette situation dès hier - ils étaient, samedi, dans des sortes de limbes.

Résultat: on leur a demandé de payer chacun 500$, une note qu'ils n'ont pu prendre. Ils sont donc repartis de l'hôpital avec deux noms de médecins qui pourraient peut-être les aider.

Personne n'a pris leurs noms, leurs numéros de téléphone. «On est restés surpris. Nous, on était sûr qu'on y resterait en quarantaine», dit Pierre.

Je lui ai parlé hier. Il va bien. Il a encore le nez bouché et une faible toux. Rien de plus. A-t-il eu la grippe porcine? Il ne le sait pas.

Pour le moment, il reste à la maison, tout comme sa conjointe - dont l'employeur lui a carrément demandé de ne pas venir au bureau. Tous les deux attendent. Quoi? Pas clair.

Lorsque j'ai appelé l'hôpital où ils étaient passés, on m'a assuré que si les symptômes avaient été alarmants, le couple aurait été gardé quoi qu'il en soit.

Mais ce que j'ai aussi compris en parlant avec les responsables hospitaliers, c'est qu'ils n'ont reçu aucune instruction de la part des autorités de la santé publique sur la manière de faire face à la situation actuelle.

Et ce flou, qui contraste avec la grande vigilance constatée au moment des menaces de grippe aviaire il y a trois ans, d'autres médecins l'ont constatée dans d'autres hôpitaux.

En fait, nous sommes tous atteints de flou. Flou entourant la gravité de l'épidémie, flou sur la gravité de la maladie elle-même. Flou sur notre vulnérabilité.

On dirait qu'on ne peut pas faire de lien entre ce que les autorités sanitaires mondiales, européennes et nord-américaines disent et laissent entendre et ce qu'on voit autour de nous dans notre système médical.

Est-ce parce que les messages émanant des grands organismes sanitaires donnent une fausse vision alarmiste de la situation? Est-ce parce que les autorités de santé publique ont de la difficulté à trouver les mots pour donner autant l'heure juste aux paniqués qu'aux inconscients? Ou est-ce parce que les gens ici, sur le terrain, ne réagissent pas assez vite, tout simplement?

Mesurer à quel point on est visé par de telles menaces de santé publique est très difficile. Je me rappelle encore des inquiétudes extrêmes causées par les messages sur l'épidémie de sida à la fin des années 80. En insistant sur le fait que personne n'était à l'abri, ils donnaient l'impression que tout le monde était également à risque.

Un phénomène semblable se produit actuellement, car on insiste sur le fait que la grippe porcine touche les jeunes gens en pleine forme. Personne ne se sent donc protégé.

Mais où sont les nuances? Qui sont exactement ces morts mexicains? Comment ont-ils attrapé la maladie? En touchant à une poignée de porte dans une boîte de nuit ou en étant marié à quelqu'un qui travaille dans une porcherie?

Devrions-nous tous, tout de suite, nous faire faire des ordonnances de Tamiflu? Ou attendre sans broncher? Et nos copains qui reviennent du Texas? On les invite dans un party ou pas?

J'ai hâte qu'on en sache un peu plus. Parce que ce flou ne me semble vraiment pas bon pour la santé.